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jeudi 26 janvier 2012

La chronique économique : L’AUSTERITE NE MENE PAS A LA CROISSANCE

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 25 janvier 2012
Akram Belkaïd, Paris


Les semaines passent et les gouvernements européens persistent dans une erreur majeure qui dépasse l’entendement. En effet, face à la crise financière et face à la spéculation sur la dette publique et, d’une façon générale, contre l’existence même de la zone euro, il n’est question que d’austérité, de réduction des dépenses publiques, de cure d’amaigrissement sans oublier les incantations récurrentes à propos de réformes structurelles à mener, c’est-à-dire, pour être clair, un retrait accentué de l’Etat et une réduction accrue de ses prérogatives.

UN MAUVAIS CHOIX


Dans l’histoire économique moderne, ce qui se passe actuellement restera comme une première. En effet, c’est la première fois que des Etats, européens en l’occurrence, tentent de faire face à une grave crise économique et financière en pariant sur l’austérité plutôt que sur la croissance keynésienne (intervention de l’Etat pour faire repartir la machine économique). Pour mémoire, la crise de 1929 et ses conséquences avaient été surmontées, du moins en partie, grâce aux politiques actives de relance et d’implication de l’Etat dans la sphère économique. Tel n’est pas le cas aujourd’hui avec des gouvernements tétanisés à l’idée de subir les foudres des agences de notation et des marchés en finançant des programmes de relance.


Pourtant, de nombreuses pistes existent qui mériteraient d’être explorées. C’est le cas, par exemple, de la création d’un système bancaire et financier public qui, débarrassé des exigences de rentabilité annuelle à 15%, pourrait contribuer à financer l’économie et à relancer une activité grippée par l’atonie et la grande prudence du secteur bancaire privé. Ce dernier, bien que disposant d’un accès aux lignes ouvertes par la Banque centrale européenne (BCE), ne semble guère enclin à soutenir les acteurs économiques tels que les PME voire les TPE (très petites entreprises) et les artisans.


Bien entendu, il ne s’agit pas que de se substituer à la finance privée. La situation est d’une telle gravité qu’elle mérite la définition d’un nouveau paradigme économique. C’est en effet de nouveaux modèles de développement qui nécessitent d’être imaginés avec en tête un objectif majeur, celui de la croissance et une contrainte incontournable, celle du respect de l’environnement et de l’adaptation au réchauffement climatique. Jusqu’à présent, l’économie verte n’a été qu’un slogan parmi tant d’autres - on mesure cela en réalisant que nombre de producteurs européens de capteurs solaires sont en faillite - alors qu’il s’agit certainement de l’une des voies de sortie de la crise.

LE POIDS DES LOBBYS

Il faudrait encore que les Etats regagnent un peu du pouvoir qu’ils ont abandonné aux marchés mais aussi aux lobbys et à leurs représentants. Si la mutation de l’économie européenne tarde tant à se faire, à commencer dans le secteur des énergies renouvelables mais on pense aussi à la chimie et au bâtiment, c’est parce que de puissants intérêts financiers estiment que cela mettrait en danger leur rentabilité et donc la rémunération de leurs actionnaires. Dès lors, on est en droit de se demander jusqu’à quel point il faudra que la situation se dégrade pour que les gouvernements européens réalisent enfin que leurs solutions basées sur l’austérité, la dérégulation et la soumission aux marchés financiers appartiennent désormais au passé. 
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2 commentaires:

Youcef a dit…

Cher Monsieur Belkaid,

Pouvez vous nous en dire plus sur les politique de Roosevelt?
C'est un fait aujourd'hui et d'ailleurs, d'après la majorité des historiens sauf certains faussaires, n'ont fait que prolonger la crise. Le mythe, selon lequel le New Deal aurait sauvé les USA de la crise n'est qu'une erreur de l'histoire.

Quand au politiques keynésiennes, c'est ce qu'on fait depuis plus de 40 ans.

On n'est plus dans le Keynésianisme mais dans la sur-étatisation de nos vies. Lord Keynes lui même disait qu'à partir de 25% d'intervention de l'Etat dans l'économie, on était déjà dans le rouge. Pouvez vous me dire qu'elle est le pourcentage des dépenses publique dans la majorité des Etat en PIB ? Plus de 50% à chaque fois et cela ne cesse d'augmenter. Je n'ai pas le rapport d'Ernst and Young sous la main, mais je vous invite fortement à la feuilleter.


La piste que vous proposez d'un système bancaire publique, peut être intéressant si ce n'est qu'elle occulte une variable majeure en économie: les incitations. Ce profit et cette rentabilité, sont les clefs du système bancaire, de toute activité humaine. On ne travail pour les beaux yeux de personne.

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ce profit, doit être accompagné de pertes or à quoi a t on assisté depuis 30 ans? Profit privé, et pertes socialisées pour le contribuable. Ce n'est plus de l'activité bancaire, ce n'est plus du capitalisme, mais bien du copinage finance-politique et du capitalisme de connivence.

La solution n'est pas de trouver de l'argent pour boucher les trou des déficit, il faut aller au fond du problème, la croissance trouve sa source dans le dynamisme du secteur privée or ce dernier depuis l'avènement de l'Etat providence s'est trouvé étouffé par le secteur publique.

En attendant votre réponse, je vous salue monsieur Belkaid.

Au plaisir de vous lire.

Akram Belkaïd a dit…

Bonjour,
merci pour ce commentaire
40 ans de politiques keynésiennes ? Vous êtes sérieux ? La dérégulation à tous les niveaux, la fin de la séparation entre banques d'affaires et de dépôts, la baisse continue des salaires, la baisses des impôts (d'où le creusement des déficits) alors que la part des dépenses publiques restent stables (50%) contrairement à ce que vous affirmez, les privatisations, la remise en cause des missions de service public... Combien d'argent public dépensé pour les banques vs Combien d'argent public consacré à la relance et au soutien des PME ? Qui a encouragé les ménages à s'endetter faute de hausse de salaire ? Relisez, ou lisez, les mémoires de Greanspan. Il explique bien quel a été le paradigme économique de ces 40 dernières années. Et entre Krugman et Summers, je préfère de loin Krugman...

Bien cordialement !