Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 14 mars 2017

L'Equipe revient sur "L'Affaire Théo

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Johann Louvel est le directeur du centre de formation du Havre Athletic Club (HAC), l’un des plus réputés de France. C’est aussi le beau-frère de Théo Luhaka, victime d’une violente arrestation à Aulnay-sous-Bois le 2 février. Le quotidien L’Equipe l’a interviewé au sujet de cette triste affaire (13 mars 2017 – propos recueillis par Hugo Delom).
Extraits :
Johann Louvel : « (...) Dans le centre [de formation], il y a des jeunes issus de quartiers de la région parisienne, du Havre, de la région rouennaise. On va tâcher de leur inculquer des valeurs de respect, des valeurs citoyennes. Et qu’est-ce que je réponds à ces jeunes, quand un gamin de vingt-deux ans [Théo], qui a travaillé comme éducateur autour du football, se retrouve agressé et insulté devant témoins ? Qu’est-ce que je leur dis ?
L’Equipe : Qu’est-ce que vous leur dites ?« Je leur dis que ce qui s’est passé, ce n’est pas ça, la France. CE n’est pas que ça, la police, même s’il y a des dérives comme dans toute profession. Il y a peut-être des gens qui n’ont pas nos valeurs, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut généraliser. D’ailleurs, la personne qui sauve Théo, c’est le policier qui le réceptionne au commissariat et qui voit qu’il est en train de mourir. Mais ce qui s’est passé là, pour moi, ce sont des années de travail foutues en l’air.
L’Equipe : En tant qu’éducateur ?
Oui, encore une fois, maintenant, qu’est-ce qu’on dit à nos jeunes ? Auxquels on a dit la police, ça demande du respect. Ça nous décrédibilise au plus haut point. Je me sens désarmé.
L’Equipe : Vous travaillez dans un milieu qui draine beaucoup d’argent. Vous êtes issu d’une famille aisée. Parallèlement, dans votre quotidien, vous échangez avec des personnes issues de tous les milieux. Vous avez donc un double regard sur ces deux mondes qui paraissent plus loin que jamais.
(…) Il existe une chose magnifique qui fédère ces deux cercles, c’est le sport. Le merveilleux pont, le lien, c’est le sport. Toutes les catégories sont représentées. Après, ce qui m’interroge le plus, ce n’est pas la différence de milieux, c’est la déferlante de haine, de racisme qu’il peut y avoir après ce qui est arrivé à Théo. Ça fait peur. [dans le même entretien, Johann Louvel révèle que la famille de Théo a reçu des menaces de mort].
L’Equipe : Redoutez-vous la décision de justice ?
On entre dans des questions juridiques. Et je n’ai pas à y répondre. Moi, le seul constat que je fais, c’est le diagnostic médical : quand j’ai eu l’entretien avec le chirurgien, il faut savoir que ma femme [Aurélie Luhaka, handballeuse professionnelle au HAC et sœur de Théo] n’a pas pu rester tellement c’était abject. Ce qui est important pour Théo, c’est qu’il soit reconnu comme victime, c’est très important. Qu’il y ait une sanction forte. Si ce n’est pas le cas, je serai totalement démuni pour parler à mes jeunes demain. Ce serait dramatique. Je dis bien dramatique. Vous renforceriez le sentiment d’humiliation de jeunes qui habitent dans les quartiers, le sentiment d’impunité qui habite certaines personnes. (…) »
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