Le Quotidien d’Oran, mercredi 3 janvier 2018
Akram Belkaïd, Paris
Les robots tueront-ils l’emploi ? On
connaît le débat à propos du couplage entre robotisation et intelligence
artificielle et de ses conséquences. Pas un jour ne passe, sans un dossier
spécial sur ce thème avec de nombreuses craintes exprimées et des prédictions
toujours très alarmistes. L’humanité serait-elle engagée dans une voie
dangereuse où, demain, le travail n’appartiendra qu’à une minorité de privilégiés
tandis que la majorité sera cantonnée aux aides ou aux tâches
subalternes ? Les robots, sous toutes leurs formes, nous
remplaceront-ils dans la grande majorité des tâches, qu’elles soient
répétitives ou délicates à mener (comme par exemple un diagnostic médical ou la
lecture d’une radiographie).
L’exemple
d’ABB
Le sujet reste ouvert mais le pire n’est pas
forcément inéluctable. Dans un entretien accordé à la presse suisse dominicale,
Peter Voser, le président du groupe industriel zurichois ABB esquisse des
pistes intéressantes et pour le moins inattendues. Selon lui, la numérisation
tant honnie présente tout de même quelques avantages importants dont une
contribution positive en matière de baisse des délocalisations (et donc de
lutte contre le chômage). Le mécanisme est simple. Avec des robots, on améliore
la productivité et, surtout, on peut agir sur la production avec plus de
flexibilité.
Peter Voser cite ainsi l’exemple d’une usine
d’ABB en Allemagne (site de Manheim) où la numérisation a permis un gain de 30%
de la productivité et où la chaîne de fabrication permet désormais de faire
sortir des séries limitées de moins de 100 appareils. Dans ce cas précis, les
robots sont programmés et pilotés par des travailleurs ultra-qualifiés. La
taille réduite de la série permet à ABB de s’adapter à des demandes
individualisées ou à viser un segment particulier de clientèle. Et cela sans
passer par la traditionnelle recherche des coûts faibles de main-d’œuvre pour
financer de grandes séries (et amortir ainsi les coûts de fabrication et de
conception).
La numérisation peut donc, dans certains cas,
permettre de rapprocher le lieu de fabrication et le lieu de vente. Du coup,
cela permet de maintenir de l’emploi voire d’en créer. Bien entendu, il faut se
garder d’en faire une règle absolue. Les délocalisations sont loin d’avoir
cessé au cours de ces dernières années. Il faudra attendre encore un peu avant
de conclure que le robot sauve l’emploi local.
L’enjeu
de la formation
Mais quelle que soit l’évolution, le patron
d’ABB insiste sur un point fondamental. Pas de numérisation efficace sans
formation. Et il ne s’agit pas, selon lui, du simple parcours académique mais
bien de ce qui vient après. Pour Voser, deux seuils de retours « à
l’école » sont désormais identifiés. Entre 35 et 40 ans mais aussi, et
c’est peut-être le plus important, à 50 ans. Pour le premier seuil, les
mentalités sont habituées à une telle exigence. Par contre, imaginer des
formations à 50 ans, alors que dans nombre de pays c’est
l’âge où les employeurs cherchent à faire partir les intéressés en pré-retraite,
relèvera d’un grand changement de paradigme. Mais on le sait, rien ne semble
pouvoir arrêter la robotisation. Cela rend donc indispensable la réflexion sur
les questions de formation continue et de recyclage.
_
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire