Le Quotidien d’Oran, mercredi 10 janvier 2018
Akram Belkaïd, Paris
Un réfrigérateur, plutôt neuf, qui tombe
soudain en panne. Une imprimante, neuve elle aussi, qui ne fonctionne plus et
que l’on ne peut pas réparer. Une cartouche d’encre à moitié pleine mais que
l’on ne peut plus utiliser. Un téléphone portable dont la batterie lâche sans
crier gare… Les exemples sont nombreux et ils témoignent d’une donne qui n’est
certes pas nouvelle (elle remonte aux premiers temps de la société de
consommation) mais qui a tendance à s’amplifier. Il s’agit de l’obsolescence
programmée, autrement dit de la manière dont les fabricants font en sorte que
tel ou tel de leurs produits ait une durée de vie limitée. Le but est
évident : doper les ventes en poussant le consommateur à opter pour une
solution de remplacement.
Société
de consommation
Mais les fabricants ont poussé le bouchon trop
loin. En France comme aux Etats-Unis d’Amérique, des enquêtes ou des procédures
collectives de consommateurs visent des sociétés comme Apple ou Epson. A chaque
fois, c’est le soupçon d’une stratégie délibérée d’obsolescence qui justifie
ces actions. Bien entendu, les concernés se défendent d’une telle intention. Apple,
par exemple, admet bien (c’est une première) que ses mises à jour peuvent
ralentir les anciennes versions de ses iphones. Mais, selon la firme
américaine, ce serait pour « augmenter leur durée de vie » en raison
d’une plus forte sollicitation des batteries au lithium. On est prié de ne pas
rire…
L’obsolescence programmée témoigne de
l’emballement de la société de consommation mais aussi du capitalisme. Pour soutenir
le cours en Bourse de leurs actions, nombre de sociétés technologiques sont obligées
de présenter de nouveaux produits chaque année. Et pour les vendre, il faut
déprécier les plus anciens (et tant pis pour l’environnement car ce petit jeu
fait exploser les quantités de déchets technologiques). Ces entreprises peuvent
aussi parier sur l’effet mode en faisant en sorte de ringardiser les vieux
modèles. Mais, face aux résistances des consommateurs, à leur attachement à
leur modèle ou bien encore à leur volonté de faire des économies, c’est la
technologie « négative » qui entre en jeu, celle qui réduit la durée d’utilisation
des objets. Et l’affaire prend une tournure encore plus scandaleuse quand ces
mêmes firmes s’arrangent pour garder un monopole sur les réparations et les
facturer à prix presqu’égal à celui du renouvellement. Toute personne ayant
possédé un Smartphone dont la batterie ne fonctionne plus comprendra aisément
ce qui précède…
Un
délit
Vendre un produit, autre qu’alimentaire ou
pharmaceutique, dont la durée de vie est délibérément limitée devrait être considéré
comme étant un délit. C’est une vraie atteinte aux droits du consommateur. Pour
l’heure, le lobbying des firmes concernées demeure efficace et il n’y a pas
encore eu de condamnation qui pourrait faire jurisprudence. Dans cette affaire,
c’est donc le comportement de l’acheteur qui pourrait faire la différence.
Certains l’ont compris, qui refusent, par exemple, les mises à jours de leurs
téléphones ou de leurs ordinateurs (ce qui parfois les expose à de vrais
risques de sécurité informatique). D’autres, recherchent les produits de
fabricants plus respectueux (il en existe), ou au moins ceux qui permettent
l’émergence d’un marché ouvert pour la réparation des objets qu’ils
commercialisent. L’autre piste consiste à ne louer que le service offert par un
produit sans avoir à l’acquérir. Cela ne répond pas à tous les besoins mais
cela diminue le nombre d’achats nécessaire. On peut enfin décider qu’il est
temps de soutenir les mouvements de décroissance ou de croissance contrôlée en
acceptant de ne pas être à la page avec du matériel ancien.
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