Le Quotidien d’Oran, jeudi 28
décembre 2017
Akram Belkaïd, Paris
A chaque fin d’année, sa
rétrospective et ses bêtisiers. Il y a quelques jours, une amie m’a demandé
quels étaient les événements qui m’ont semblé importants en 2017. Voici, résumé
et corrigé, ce que fut le fruit de ma réflexion à ce sujet. L’année qui se
termine restera d’abord marquée par l’élection d’Emmanuel Macron à la
présidence de la république française. Ce fut la victoire d’un novice en
politique, quasi-inconnu des électeurs un an à peine avant le rendez-vous
électoral, jeune, bien plus jeune que le reste du personnel politique. Je l’ai
déjà écrit mais il n’y a aucun problème à se répéter : la victoire de
Macron a totalement déstabilisé l’échiquier politique français. On voit bien
que ce dernier peine à se recomposer et que toutes sortes d’alliances ou de
trahisons sont possibles. La décantation prendra du temps. Mais une chose est
certaine, ce ne sont pas les plus démunis ni les couches populaires qui bénéficieront
du mandat macron… En somme, et pour faire court, un gouvernement de riches pour
les riches.
Pour ce qui me concerne, ce
n’est pas tant cette élection qui restera marquante mais bien ce qui s’est joué
entre les deux tours. On se souvient que Marine Le Pen, comme son père, s’était
qualifiée pour le round final. Nombre d’opposants à Macron ont alors décidé de
ne pas aller voter, fustigeant ou moquant celles et ceux qui se préparaient à
faire un choix par défaut. Ces derniers, il faut le dire aussi, n’étaient pas
en reste et ont vertement critiqué les abstentionnistes du second tour. Pour ma
part, ce fut un moment douloureux. La désinvolture – notamment de certains gens
de gauche - face au risque Le Pen, aussi minime fut-il, a été très instructive.
Une leçon pour l’avenir… Extrait d’une chronique qui fit grand bruit à l’époque
(et à laquelle je ne changerai rien aujourd’hui) : « Et quand ils [les amis abstentionnistes] me demandent pourquoi je vais tout de même
me déplacer aux urnes pour faire obstacle à Le Pen, je réponds qu’il est bien
plus facile de finasser et d’avoir des états d’âmes quand on s’appelle
Jean-Luc, Clémentine, Charlotte ou Alexis que lorsqu’on se prénomme Karim,
Ousmane, Jacob, Latifa, Rachel ou Aminata. Contrairement à celles et ceux qui
relativisent la menace frontiste – et qui estiment pouvoir se passer de voter
-, ces derniers savent que le Front national au pouvoir représente pour eux,
via nombre de ses électeurs et sympathisants, une menace physique immédiate. Et
cela suffit comme raison pour s’y opposer. » (1)
L’actualité, c’est aussi et
surtout le Proche-Orient. Donald Trump n’en finit pas d’empiler les bûches et
les explosifs qui préparent une nouvelle déflagration de grande ampleur. L’Iran
est dans la ligne de mire de cette administration atypique, où tous les
pouvoirs ou presque sont concentrés (nombre d’ambassades américaines, et non
des moindres, attendent toujours leur premier locataire). De même, et ce n’est
pas une surprise, la Maison Blanche vient de mettre fin à plusieurs décennies
d’hypocrisie et de fausse impartialité en prenant le parti d’Israël en ce qui
concerne le statut de Jérusalem et donc les contours, s’il venait à exister (ce
qui est loin d’être gagné), du futur Etat palestinien. En 2018, Trump et ses
alliés chercheront à faire plier une Autorité palestinienne (si peu farouche)
en lui vendant un « plan de paix » qui mènera, au mieux, à la
création de bantoustans plutôt qu’un Etat souverain.
La nouveauté au Proche-Orient,
c’est tout de même l’activisme débridé de l’Arabie saoudite ou, plutôt du
prince héritier Mohamed Ben Salman dit « MBS ». Avec lui, ça part
dans tous les sens et presque jamais pour le meilleur. Poursuite de la guerre
au Yémen (silence honteux et complice des Occidentaux qui essaient vaille que
vaille de justifier cette horreur), séquestration de personnalités saoudiennes
fortunées au nom d’une soudaine lutte contre la corruption (en réalité, une extorsion
de fonds) et même d’un premier ministre étranger, en l’occurrence celui du
Liban, obligé de lire une lettre de démission (oubliée sitôt rentré chez lui).
Activisme débridé donc, mais à la fois brutal, brouillon et inconséquent comme
en témoigne cette volonté d’obliger les Palestiniens du Liban à créer des
milices capables de s’opposer au Hezbollah... (2) Où va l’Arabie
saoudite ? Question cruciale pour 2018.
Fait-il parler de l’Algérie
dans cette courte rétrospective. Oui et non. Non, parce qu’il ne s’y passe rien
de fondamental, ou presque. D’année en année, le même constat, le même
accablement, la même attente que les choses bougent enfin dans le bon sens.
Oui, parce qu’il s’y est tout de même passé deux choses importantes. D’abord,
la chasse aux migrants. Une honte. Une douleur aigue et la marque de la fin
définitive d’une époque. Ensuite, le bouillonnement qui s’empare jour après
jour de la Kabylie. Comment ne pas être inquiet ? Les unions sacrées sur
fond de contestation identitaire pouvaient fonctionner par le passé et être
« gérées » sans trop de problèmes. Par les temps qui courent, au vu
du contexte régional et international, ce genre d’outil est non seulement
désuet mais dangereux. C’est tout simplement une boîte de pandore.
Impossible enfin de terminer
ce texte sans parler (un peu) de football. 2017, ce fut la
« remontada » du Barça contre le PSG (6 buts à 1 après un pitoyable
0-4 au Parc des princes). Disons simplement que ce fut l’un des rares bons moments
procurés par le ballon rond. Le foot est de moins en moins agréable à suivre
mais ce sera le moindre des tracas pour 2018.
(1) « La chronique du
blédard : Voter Macron ? Oui, hélas… », Le Quotidien d’Oran, jeudi 27
avril 2017.
(2) « Why Saad Hariri Had
That Strange Sojourn in Saudi Arabia », Anne Barnard et Maria Abi-Habib, New
York Times, 24 décembre 2017
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