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Le Quotidien d’Oran, mercredi 7 avril 2021
Akram Belkaïd, Paris
L’Histoire prend parfois des détours dont l’ironie n’échappe à personne. Hier, Bruno Le Maire, ministre français de l’économie, a annoncé une aide publique pour Air France d’un montant de 4 milliards d’euros. Il s’agit en fait de la transformation d’un prêt de 3 milliards d’euros en une prise de participation dans le capital de la compagnie aérienne. Outre ce prêt, Paris va aussi débourser 1 milliards d’euros ce qui portera son soutien capitalistique à 4 milliards d’euros. Au final, l’Etat français contrôlera 30% du capital d’Air France et en sera donc le premier actionnaire.
Retour en force dans le capital
Rappelons que, par le passé, Air France, fondée en 1933, était une compagnie publique et que sa première privatisation partielle est intervenue en 1999 au terme d’une décennie marquée à plusieurs reprises par le spectre de la faillite. Depuis, la compagnie s’est peu à peu éloignée du giron de l’État, nouant des alliances capitalistiques, notamment avec la compagnie néerlandaise KLM, et s’émancipant en termes de décisions stratégiques et de politique commerciale. La crise du Covid-19 et ses conséquences négatives sur le tourisme et le transport aérien auront donc obligé l’État à réinjecter l’argent du contribuable dans le capital de la compagnie privée.
On peut argumenter que les circonstances sont exceptionnelles, il n’empêche : heureusement que l’Etat, et l’argent public, sont là pour voler au secours d’une entreprise privée et de ses emplois. On aimerait que cette mutualisation des pertes ait pour réciproque une mutualisation des bénéfices – au-delà de ce qu’Air France devra à l’Etat actionnaire comme dividende – mais il ne faut pas trop rêver. Quoi qu’il en soit, c’est bien à une renationalisation partielle d’Air France que l’Etat vient de procéder. On peut parler de recapitalisation, d’aide ou de soutien, il n’en demeure pas moins que l’Etat remonte dans le capital de la compagnie aérienne. Question : quelle sera la position de ce même État si, d’aventure, la compagnie décide de supprimer des emplois pour améliorer sa compétitivité ?
Comme toujours, le gouvernement français a dû négocier ferme pour obtenir l’accord de la Commission européenne. Gardienne du dogme, cette dernière est toujours vigilante pour faire la chasse aux aides d’État, ou du moins, pour les limiter et les encadrer. Qu’importe qu’aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral aide massivement les entreprises américaines, l’Europe, elle demeure « vertueuse » et continue de croire que rien ne doit fausser le libre fonctionnement du marché... Bref, pour recevoir son aide, Air France devra faire des concessions lesquelles consistent en l’abandon de 18 créneaux horaires à Orly. Une cession qui, là aussi, relève de la volonté de Bruxelles de favoriser la concurrence.
Pas de « Low cost »
Dans un secteur aérien saturé, ces créneaux coûtent cher et il est vraisemblable que les candidats pour les récupérer seront nombreux. Orly demeure un aéroport très recherché par les compagnies desservant l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord. « Nous avons souhaité que les compagnies qui puissent récupérer ses créneaux respectent les règles sociales et fiscales de l'Etat français, nous l'avons négocié avec la Commission européenne (…) Une compagnie aérienne qui n'a pas les mêmes règles sociales, pas les mêmes règles fiscales que celles qui sont appliquées, ne pourra pas récupérer ces créneaux aériens » a néanmoins averti Bruno Le Maire.
En clair, ni la compagnie Ryanair ni n’importe quelle autre « low cost » ne pourra prétendre récupérer ces précieux « slots », du moins en théorie. Pour les compagnies du sud, notamment maghrébines, c’est une occasion en or pour augmenter leurs dessertes en France. Mais, à l’image d’Air Algérie, en auront-elles les moyens ?
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