SlateAfrique, 25 juin 2012
Nasri a accepté de porter le maillot de l’équipe de France. Cela lui impose des obligations de comportement exemplaire. Lui a-t-on enseigné cela?
Nasri, Ribery et Diarra le 15 juin 2012 à Donetsk (Ukraine). REUTERS/Alessandro Bianchi
L'AUTEUR
Il va donc falloir s’habituer à l’idée selon laquelle l’équipe de France de football sera source de désordre (pour son encadrement), de colère (pour ses supporters) et de rigolade (pour le reste de la planète foot) à chacune de ses participations à une grande compétition internationale.
Il y a eu l’Afrique du Sud en 2010 et sa fameuse grève de l’entraînement (sans compter les insultes dans le vestiaire et quelques autres histoires non confirmées qui finiront bien par sortir un jour), il y aura désormais l’Ukraine et une élimination sans gloire face à l’Espagne dans un contexte de tension entre un entraîneur dépassé et quelques sales gosses surpayés et peu motivés.
A côté de cela, ce qui avait constitué un quasi-drame en 1978 —une sombre histoire de chaussures de foot noircies au cirage par les joueurs pour en masquer le logo publicitaire —fait figure de petit couac même si, à l’époque, la presse hexagonale s’en était emparée pour fustiger avec dureté (eh oui!) la bande à Platini, éliminée du premier tour du mundial argentin…
A observer la dégaine de certains joueurs (Nasri, Ménez, Ben Arfa, M’Vila...), leur morgue, leur suffisance, leur vulgarité (ah, ces coupes de cheveux…) et leur nonchalance à l’entraînement comme sur le terrain (la défaite contre l’Espagne étant un exemple sidérant), on a le droit de se dire qu’il y a des gifles qui se perdent.
En cela, ces millionnaires du ballon rond sont emblématiques de leur génération. On ne se pose pas de question, on frime, on la ramène, on se la joue blasé (alors qu’on n’a rien prouvé sur le terrain) et, plus que tout, on se comporte en singeant les héros de ses films préférés que sont Le Parrain et Scarface, c’est dire le niveau…
Plus grave encore, on ne reconnaît de l’autorité qu’à celui qui tient le chéquier. Car la question est là: que pèse une équipe nationale face aux centaines de milliers d’euros versés chaque semaine par Manchester City ou tout autre club européen?
Il fut un temps où jouer à l’étranger se méritait. Il fallait être meilleur parmi les meilleurs et la sélection en équipe nationale permettait de se faire connaître. Platini a longtemps attendu avant de partir en Italie à la Juventus.
Idem pour Cantona ou même Zidane. Désormais, législation européenne oblige, on peut partir à vingt ans dans un club prestigieux sans jamais avoir fait ses preuves avec le maillot tricolore.
Il y a quelques semaines, le joueur russe Archavine (un autre sale gosse) avait déclaré qu’il préférait vivre à Moscou car, très riche, son argent lui permettait «de tout y faire» sans trop craindre d’ennuis.
Il est vraisemblable que de nombreux joueurs français pensent que leur salaire les met à l’abri de toute obligation, y compris celle de respecter le maillot de l’équipe de France.
Voilà pourquoi il est peut-être temps de redorer le blason de la sélection chez les Bleus en décidant qu’elle doit se mériter, quel que soit le club auquel le joueur appartient.
Dans deux ans, aura lieu la Coupe du monde au Brésil. Ceux qui n’en seront pas du fait de leur comportement comprendront alors ce qu’ils auront raté. Et les jeunes qui suivent sauront quelle est la voie qu’il ne faut pas suivre.
Certes, l’homme est rude dans son jugement et ses propos sont parfois prompts à désigner une certaine catégorie de joueurs (en clair, celle originaire des banlieues). Mais, quand il dit que le problème du football français, c’est aussi le rôle que jouent les agents en coulisse, il met en évidence un tabou que même la presse sportive française (pour laquelle les agents sont de précieux informateurs et intermédiaires avec les joueurs) évite d’aborder.
En 2010 comme en 2012, des agents ainsi que des membres de l’entourage direct de certains joueurs ont soufflé sur les braises de la division, encourageant les petites vendettas minables à l’intérieur du vestiaire («pourquoi moi et pas lui?», «je veux plus», «je veux une suite», etc… Enfin, on peut se demander quel ascendant peut avoir un entraîneur sur un joueur s’ils possèdent tous deux le même agent…
Il est possible que celui qui a été couronné champion d’Angleterre avec Manchester city n’a aucune idée de ce dont il est porteur ne serait-ce que parce qu’il porte un nom à consonance maghrébine.
En 1998, le bon comportement de Zidane lors de la Coupe du monde de football en France, ses deux buts en finale, le maillot bleu qu’il embrassait à chaque réalisation, tout cela a contribué à présenter les jeunes issus de l’immigration comme un apport positif à la France (le fameux black-blanc-beur).
Aujourd’hui, quand Nasri se comporte comme il l’a fait, c'est-à-dire en jouant à l’enfant gâté, en proférant des insanités en direct après avoir marqué un but ou en insultant un journaliste de l’AFP (lequel, disons-le au passage ne vaut guère mieux pour avoir lancé un ‘casse-toi’ très sarkozyen à Nasri), il conforte le discours contre les enfants des banlieues.
Il permet au «ces gens-là ne valent pas grand-chose et ils n’aiment pas la France» de se diffuser et d’être renforcé. Il ne faut pas être dupe. Pour de nombreux commentateurs, l’occasion est trop belle.
Crier haro sur le Nasri, c’est faire le procès de la diversité et reprendre à son compte un discours de stigmatisation que l’on croyait promis à disparaître depuis le résultat de la dernière élection présidentielle.
Mais, de cela, Nasri n’est peut-être pas conscient… Il a pourtant accepté de porter le maillot de l’équipe de France. En ce sens, cela lui impose des obligations de décence et de comportement exemplaire. Lui a-t-on enseigné cela? L’a-t-il compris? Veut-il le comprendre ou se croit il revenu de tout grâce, ou à cause, du salaire indécent que lui et ses pairs touchent? En tout état de cause, son comportement fait bien plus de mal qu’il ne se l’imagine…
Akram Belkaïd
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Il y a eu l’Afrique du Sud en 2010 et sa fameuse grève de l’entraînement (sans compter les insultes dans le vestiaire et quelques autres histoires non confirmées qui finiront bien par sortir un jour), il y aura désormais l’Ukraine et une élimination sans gloire face à l’Espagne dans un contexte de tension entre un entraîneur dépassé et quelques sales gosses surpayés et peu motivés.
A côté de cela, ce qui avait constitué un quasi-drame en 1978 —une sombre histoire de chaussures de foot noircies au cirage par les joueurs pour en masquer le logo publicitaire —fait figure de petit couac même si, à l’époque, la presse hexagonale s’en était emparée pour fustiger avec dureté (eh oui!) la bande à Platini, éliminée du premier tour du mundial argentin…
Une affaire d’argent et de sale mentalité
Comme dans chaque péripétie de la vie des Bleus, il y a plusieurs enseignements à tirer de ce qui vient de se passer durant cet euro. Il est désormais indéniable que le football français a un vrai problème de mentalité.A observer la dégaine de certains joueurs (Nasri, Ménez, Ben Arfa, M’Vila...), leur morgue, leur suffisance, leur vulgarité (ah, ces coupes de cheveux…) et leur nonchalance à l’entraînement comme sur le terrain (la défaite contre l’Espagne étant un exemple sidérant), on a le droit de se dire qu’il y a des gifles qui se perdent.
En cela, ces millionnaires du ballon rond sont emblématiques de leur génération. On ne se pose pas de question, on frime, on la ramène, on se la joue blasé (alors qu’on n’a rien prouvé sur le terrain) et, plus que tout, on se comporte en singeant les héros de ses films préférés que sont Le Parrain et Scarface, c’est dire le niveau…
Plus grave encore, on ne reconnaît de l’autorité qu’à celui qui tient le chéquier. Car la question est là: que pèse une équipe nationale face aux centaines de milliers d’euros versés chaque semaine par Manchester City ou tout autre club européen?
Il fut un temps où jouer à l’étranger se méritait. Il fallait être meilleur parmi les meilleurs et la sélection en équipe nationale permettait de se faire connaître. Platini a longtemps attendu avant de partir en Italie à la Juventus.
Idem pour Cantona ou même Zidane. Désormais, législation européenne oblige, on peut partir à vingt ans dans un club prestigieux sans jamais avoir fait ses preuves avec le maillot tricolore.
Il y a quelques semaines, le joueur russe Archavine (un autre sale gosse) avait déclaré qu’il préférait vivre à Moscou car, très riche, son argent lui permettait «de tout y faire» sans trop craindre d’ennuis.
Il est vraisemblable que de nombreux joueurs français pensent que leur salaire les met à l’abri de toute obligation, y compris celle de respecter le maillot de l’équipe de France.
Voilà pourquoi il est peut-être temps de redorer le blason de la sélection chez les Bleus en décidant qu’elle doit se mériter, quel que soit le club auquel le joueur appartient.
Dans deux ans, aura lieu la Coupe du monde au Brésil. Ceux qui n’en seront pas du fait de leur comportement comprendront alors ce qu’ils auront raté. Et les jeunes qui suivent sauront quelle est la voie qu’il ne faut pas suivre.
Le rôle trouble des agents
Dans le monde du football français, il y a par ailleurs des voix qu’il faut écouter. Celle d’Emmanuel Petit, ancien international et vainqueur de la Coupe du monde, en fait partie.Certes, l’homme est rude dans son jugement et ses propos sont parfois prompts à désigner une certaine catégorie de joueurs (en clair, celle originaire des banlieues). Mais, quand il dit que le problème du football français, c’est aussi le rôle que jouent les agents en coulisse, il met en évidence un tabou que même la presse sportive française (pour laquelle les agents sont de précieux informateurs et intermédiaires avec les joueurs) évite d’aborder.
En 2010 comme en 2012, des agents ainsi que des membres de l’entourage direct de certains joueurs ont soufflé sur les braises de la division, encourageant les petites vendettas minables à l’intérieur du vestiaire («pourquoi moi et pas lui?», «je veux plus», «je veux une suite», etc… Enfin, on peut se demander quel ascendant peut avoir un entraîneur sur un joueur s’ils possèdent tous deux le même agent…
Le cas Nasri
Samir Nasri fait partie de ces gens, certes talentueux, mais dont l’intelligence et le sens des responsabilités laissent à désirer.Il est possible que celui qui a été couronné champion d’Angleterre avec Manchester city n’a aucune idée de ce dont il est porteur ne serait-ce que parce qu’il porte un nom à consonance maghrébine.
En 1998, le bon comportement de Zidane lors de la Coupe du monde de football en France, ses deux buts en finale, le maillot bleu qu’il embrassait à chaque réalisation, tout cela a contribué à présenter les jeunes issus de l’immigration comme un apport positif à la France (le fameux black-blanc-beur).
Aujourd’hui, quand Nasri se comporte comme il l’a fait, c'est-à-dire en jouant à l’enfant gâté, en proférant des insanités en direct après avoir marqué un but ou en insultant un journaliste de l’AFP (lequel, disons-le au passage ne vaut guère mieux pour avoir lancé un ‘casse-toi’ très sarkozyen à Nasri), il conforte le discours contre les enfants des banlieues.
Il permet au «ces gens-là ne valent pas grand-chose et ils n’aiment pas la France» de se diffuser et d’être renforcé. Il ne faut pas être dupe. Pour de nombreux commentateurs, l’occasion est trop belle.
Crier haro sur le Nasri, c’est faire le procès de la diversité et reprendre à son compte un discours de stigmatisation que l’on croyait promis à disparaître depuis le résultat de la dernière élection présidentielle.
Mais, de cela, Nasri n’est peut-être pas conscient… Il a pourtant accepté de porter le maillot de l’équipe de France. En ce sens, cela lui impose des obligations de décence et de comportement exemplaire. Lui a-t-on enseigné cela? L’a-t-il compris? Veut-il le comprendre ou se croit il revenu de tout grâce, ou à cause, du salaire indécent que lui et ses pairs touchent? En tout état de cause, son comportement fait bien plus de mal qu’il ne se l’imagine…
Akram Belkaïd
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