La Tribune, 23 octobre 2007
Présentation : Les membres du G7 ont haussé le ton ce week-end en exigeant de la Chine une rapide et conséquente réévaluation de sa devise afin de de résorber les déséquilibres commerciaux. Hier, la banque centrale chinoise a opposé une fin de non-recevoir en affirmant que l'ajustement se fera de manière graduelle et à la seule initiative de la Chine.
Oui : Morris Goldstein, senior fellow au Peterson Institute à Washington DC.
" L'économie chinoise peut désormais encaisser cette hausse "
Je réfute tous les arguments que le gouvernement chinois avance à chaque fois qu'on lui demande de remédier à la valeur artificiellement faible du yuan. Une forte appréciation de cette devise, dans un laps de temps très court, ne constituera pas un désastre pour l'économie chinoise. Cette dernière est suffisamment forte et intégrée au commerce mondial pour encaisser un tel ajustement. De même, j'ai du mal à comprendre l'excuse selon laquelle une hausse conséquente du yuan provoquerait des faillites bancaires en cascade. Le secteur financier chinois a certes des progrès à accomplir mais il a été largement assaini au cours de ces dernières années et se réfugier derrière la persistance de créances douteuses pour refuser la réévaluation n'est pas acceptable. Je ne vois pas pourquoi le reste du monde devrait attendre l'achèvement de l'assainissement du système bancaire chinois pour que l'on assiste à un geste sur le yuan. Les deux peuvent être conduits en même temps. Depuis cinq ans, Pékin multiplie les manœuvres dilatoires et la situation s'est aggravée. C'est pourquoi je plaide pour que le FMI prenne ses responsabilités et exige de la Chine une réévaluation immédiate de sa devise dans une fourchette allant de 10 à 15 %. Cela ne serait qu'un premier pas puisque j'estime que cette monnaie est sous-évaluée de 30 à 40 %. Et cette surévaluation serait avant tout profitable pour la Chine elle-même. Cela lui permettrait d'avoir une économie basée, non plus sur les exportations - qui exigent une monnaie faible - mais sur la consommation interne - que permet une monnaie forte - et d'accorder enfin l'importance nécessaire aux questions sociales.
Non : Adrian Foster,directeur Capital Markets chez Dresdner Kleinwort à Pékin
" Incompatible avec les ambitions commerciales de la Chine "
Le gouvernement chinois ne manque pas d'arguments pour refuser une forte et immédiate réévaluation du yuan. Certains sont déjà connus : une hausse brutale de cette devise pourrait provoquer la panique sur les marchés boursiers chinois qui sont déjà fébriles en raison même de cette perspective. On sait aussi que Pékin donne la priorité à la réforme et à l'assainissement du secteur bancaire et considère que toute modification d'ampleur sur sa monnaie risquerait de pénaliser cette réforme. Mais il y a une autre raison dont on parle peu, et qui explique la virulence des appels à la réévaluation du yuan en provenance des Etats-Unis ou d'Europe, voire même du Japon. Après avoir été l'atelier de fabrication mondial de produits de base, la Chine veut désormais monter en gamme et pouvoir exporter des produits à haute valeur ajoutée. Or les dirigeants chinois estiment que, pour y arriver, ils doivent à tout prix protéger la compétitivité de leur économie. La bataille autour du yuan est donc aussi un bras de fer autour du leadership futur en termes d'exportation de technologies à forte valeur ajoutée. Cela étant, je pense que la Chine va continuer sa politique de « deux pas en avant, un pas en arrière » avec une appréciation progressive qui va amener la parité dollar-yuan à 1 pour 7 à la fin du troisième trimestre 2008. Cela correspondrait à une réévaluation de 20 % de la devise chinoise par rapport à son niveau de 2005. Le problème, c'est que les Occidentaux n'ont plus la patience d'attendre.
Le commentaire d'Akram Belkaïd :
Les États-Unis et l'Union européenne se tromperaient-ils de méthode en agitant la menace de représailles commerciales pour forcer la Chine à réévaluer sa monnaie ? Outre le fait que ce front commun apparaît comme une manière d'éviter de parler sérieusement des choses qui fâchent - en l'occurrence l'appréciation de l'euro vis-à-vis du dollar -, les diatribes occidentales à propos de la monnaie chinoise passent de plus en plus mal en Chine et en Asie. Il est difficile en effet de ne pas voir dans cette affaire une volonté de l'Occident d'imposer ses règles à un pays qui, malgré ses 1.500 milliards de dollars de réserves de changes et sa croissance économique annuelle de 11 %, est loin d'avoir achevé son développement et reste dans les profondeurs du classement quand il s'agit de parler d'éducation ou de santé. Peut-on pour autant convaincre Pékin de son propre intérêt à réévaluer de manière rapide sa monnaie ? Il faudrait pour cela qu'Américains et Européens aient une approche commune qui fasse la part belle à la fois à la pédagogie et au « gagnant-gagnant », ce qui sous-entend un accord monétaire comparable à ceux signés dans les années 1990. Mais il ne faut pas rêver. Comme pour d'autres questions politiques et économiques, Pékin préférera toujours une lente évolution à la révolution. Voilà pourquoi la piste d'une réévaluation brutale du yuan paraît, pour l'instant, exclue.
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