La Tribune, Paris, 02 novembre 2007
Pour Olivier Roy, les Occidentaux gagneraient à moins simplifier leur approche du monde musulman.
« Il n'y a pas de géostratégie de l'islam qui expliquerait tous les conflits actuels de la Palestine à Ben Laden en passant par les banlieues de Paris. » Cette phrase, est, à plus d'un titre, représentative du dernier ouvrage du chercheur français Olivier Roy (*). Selon lui, c'est en simplifiant à l'extrême les tensions qui traversent le monde musulman - en les résumant par exemple comme le font nombre de néoconservateurs, y compris français, à la montée d'un « fascisme vert » - que les pays occidentaux, États-Unis en tête, font fausse route.
Celle de ne pas savoir « qui est l'ennemi » (et donc qui est l'allié, même temporaire) dans cette guerre déclarée par George W. Bush au terrorisme mondial. Une guerre qui, à ce jour, est un échec, les États-Unis ayant en effet fondé leur action sur deux « erreurs majeures » : « D'abord concevoir la riposte aux attentats du 11 septembre 2001 sous le concept de "guerre globale contre le terrorisme'' ; ensuite faire de l'intervention militaire en Irak le pivot de cette nouvelle stratégie. »
Et l'auteur de noter que la « globalisation de la menace (terroriste et islamiste) rend impossible toute stratégie rationnelle » et qu'elle laisse « la place à une rhétorique vide et empathique qui sert avant tout aux débats internes des sociétés occidentalisées ».
Cette incapacité de nombre d'Occidentaux à accepter la nuance, et à faire par exemple la différence entre Al-Qaida et le Hamas, est d'autant plus dommageable qu'elle s'accompagne d'un « rejet illusoire » de l'islam politique. En effet, au Moyen-Orient, le « discours de mobilisation est islamo-nationaliste » , la charia étant souvent « revendiquée pour des raisons purement politiques ».
Dans son ouvrage, Olivier Roy revient aussi sur la question fondamentale de la mise en place de la démocratie dans les pays arabes. Et c'est, là aussi, pour constater l'erreur des néoconservateurs américains qui, tout comme les institutions internationales, ont cru qu'il s'agissait « d'une simple question d'institutions et de mécanismes électoraux ». Le cas de Gaza ou de l'Irak l'a pourtant montré : créer des ministères et organiser des élections n'aboutit pas toujours au résultat escompté :
« En expliquant les problèmes du Moyen-Orient par des blocages culturels et sociétaux, qu'il faudrait ignorer ou contourner, on évacue la dimension politique de ces problèmes », note le spécialiste, qui ajoute que « ce qui manque à la théorie de la démocratisation, c'est toute la dimension politique d'une société moderne (État) et toute l'épaisseur anthropologique d'une société traditionnelle ».
Akram Belkaïd
(*) « Le Croissant et le Chaos », Olivier Roy, Hachette Littératures, collection Tapages, 190 pages, 14 euros.
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