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lundi 30 avril 2012

La chronique économique : Repsol-YPF, le cas d'école argentin

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 25 avril 2012
Akram Belkaïd, Paris


La récente décision du gouvernement argentin de nationaliser la compagnie pétrolière YPF, détenue jusqu’alors à 57,4% par le groupe espagnol Repsol, est un véritable cas d’école et cela pour plusieurs raisons. La première c’est que cette expropriation subite prouve que les Etats et les pouvoirs politiques qui les dirigent peuvent, quand ils le souhaitent, rester maîtres du jeu et imposer leurs volontés à la mondialisation vue sous l’angle des seuls intérêts des multinationales. Certes, l’Espagne va appliquer des mesures de rétorsion en réduisant notamment ses importations en provenance d’Argentine. De même, Repsol exige déjà des dédommagements financiers mais, au final, comme l’a déclaré la présidente Cristina Kirchner, l’Argentine «récupère» YPF, dont l’Etat argentin et les provinces détiendront désormais 51%.

LA SECURITE ENERGETIQUE EN QUESTION


La deuxième raison de l’importance de cette nationalisation est liée aux questions de sécurité énergétique. Il y a vingt ans, quand le gouvernement argentin de l’époque avait décidé de privatiser YPF, de nombreuses voix s’étaient fait entendre pour critiquer une telle décision susceptible de mettre à mal la sécurité des approvisionnements pétroliers en Argentine. De leur côté, les défenseurs de la privatisation avaient alors mis en avant le même argument que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de ceux qui critiquent la nationalisation décidée par Kirchner. Selon eux, les Etats ont besoin de compagnies énergétiques privées capables d’assurer les investissements nécessaires pour maintenir, voire pour augmenter la production d’hydrocarbures. Las, le principal reproche fait par le gouvernement argentin à Repsol est que cette compagnie a peu investi dans YPF alors que la facture des importations énergétiques argentines n’a cessé d’augmenter.

Plus important encore, il semble que Repsol se préparait à céder YPF au groupe pétrolier chinois Sinopec. Ainsi, non seulement Repsol n’aurait pas tenu ses engagements de développer la production de sa filiale argentine, mais elle envisageait de s’en séparer au profit d’un groupe chinois. Il va de soi que ce genre de cession aurait encore plus mis à mal la sécurité énergétique de l’Argentine et, dès lors, on comprend la colère de Buenos Aires. Au passage, on notera l’indignation sélective de ceux qui, notamment en Occident, critiquent avec virulence la décision du gouvernement argentin. En effet, ces derniers n’ont guère fait entendre leur voix quand le gouvernement des Etats-Unis s’est opposé à la vente d’une compagnie pétrolière étasunienne à un groupe chinois ou bien encore à la cession de plusieurs ports de la côte Est à un groupe émirati.

UN MAUVAIS SIGNAL ?


Il reste que la décision argentine peut lui valoir des difficultés pour attirer d’autres investisseurs étrangers. Pour ces derniers, la nationalisation de YPF constitue un fâcheux précédent susceptible de se répéter. Mais, dans le même temps, on peut aussi considérer que l’Argentine vient d’ouvrir un nouveau volet dans les relations entre Etats et multinationales. Le fait que ces dernières comprennent qu’elles n’ont pas tous les pouvoirs, n’est pas une mauvaise chose. En tout état de cause, cela devrait relancer les réflexions sur la manière dont les gouvernements doivent se prémunir contre des investisseurs étrangers qui ne tiennent pas leurs promesses en matière d’investissement et de développement des entreprises privatisées. Une problématique que l’Algérie commence à connaître.
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