Le Quotidien d'Oran, mercredi 29 janvier 2014
Akram Belkaïd, Paris
On pourrait dire que c’est le monde à l’envers. Depuis
quelques mois, plusieurs pays du Golfe regardent du côté de l’Amérique du nord
pour y investir. Rien de nouveau, certes, mais cette fois, c’est le secteur
énergétique qui est visé. Ainsi, les Emirats arabes unis (EAU) et, à un degré
moindre, l’Arabie Saoudite et le Koweït, se disent intéressés par les gisements
de gaz de schiste aux Etats-Unis et au Canada. Pour mémoire, l’émirat d’Abou
Dhabi s’était déjà intéressé aux sables bitumineux de l’Alberta, dans le
nord-ouest canadien, mais l’exploitation de ces hydrocarbures
non-conventionnels lui apparaît aujourd’hui bien plus coûteuse que celle du
« shale gas », c’est-à-dire le gaz de schiste.
Une consommation en hausse
Pour les pays du Golfe, l’idée n’est pas uniquement de tirer
profit du boom de cette ressource. Selon le Financial
Times, le but recherché à travers ces futurs investissements est de
rapatrier physiquement une partie de la production nord-américaine. Les Emirats
envisagent même pour cela la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié
et la mise en place d’une flotte de méthaniers. Un étonnant renversement de
tendance quand on sait que, à partir du milieu du XXème siècle, c’est le
mouvement inverse qui s’opérait avec un continent nord-américain importateur
d’hydrocarbures de la péninsule. Plus récemment, à partir des années 2000, les
Etats-Unis ont pratiquement réduit à zéro leurs achats de pétrole et de gaz en
provenance des pays du Golfe tandis que ces derniers expédiaient leurs
cargaisons vers l’Asie. A court terme, et si le développement du gaz de schiste
ne s’interrompt pas (une bulle financière s’est formée autour de ce secteur), les
rôles seront donc inversés.
Bien entendu, cela ne doit pas faire oublier que les pays du
Golfe possèdent d’importantes réserves de gaz naturel mais ces dernières ne
sont pas mises en valeur et il faudrait plusieurs années pour que cela soit le
cas. Aujourd’hui, la Fédération des Emirats est obligée d’importer du gaz du
Qatar. De même, la perspective d’une levée des sanctions contre l’Iran remet au
goût du jour plusieurs projets énergétiques dont la construction d’un gazoduc
entre l’ouest iranien et l’émirat d’Abou Dhabi. Mais, confrontés à une hausse
de la consommation électrique, qu’il s’agisse de celles des foyers ou de
l’industrie de l’aluminium, les Emirats ne veulent pas dépendre d’un seul
fournisseur, surtout s’il s’agit d’un voisin encombrant comme l’Iran ou d’un rival
régional comme le Qatar. Du coup, émerge l’idée d’aller investir plusieurs
milliards de dollars aux Etats-Unis et au Canada pour importer de 5 à 10% des
quantités de gaz nécessaire à sa propre consommation.
Le nucléaire renforcé
Cette problématique renforce l’hypothèse d’un développement
à moyen terme de l’énergie nucléaire civile dans le Golfe. On le sait, les
Emirats sont déjà bien avancés en la matière et l’Arabie Saoudite devrait elle
aussi lancer concrètement un projet de grande envergure cette année. Ryad
envisage en effet la construction de 16 réacteurs nucléaires soit un projet
d’un montant total estimé entre 70 et 100 milliards de dollars. Un pactole qui
fait saliver toute l’industrie nucléaire mondiale qui sait que le royaume est
confronté lui aussi à une hausse permanente de sa consommation énergétique.
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