Le Quotidien d'orange, mercredi 1er juillet 2020
Akram Belkaïd, Paris
Une action qui chute de 8,3% par rapport à son cours de la veille. Une capitalisation boursière qui perd en une séance 56 milliards de dollars. Voilà ce qui est arrivé en fin de semaine dernière à Facebook, le plus important des réseaux sociaux, après que plusieurs entreprises ont confirmé leur volonté de ne plus y diffuser de publicités payantes. Les raisons d’un tel boycottage sont liées à l’actualité récente des violences policières et de meurtres d’afro-américains par les forces de l’ordre.
Appels au boycottage
Depuis plusieurs semaines, des internautes mais aussi des organisations non gouvernementales s’indignent du fait que Facebook ne lutte pas suffisamment contre les propos haineux et racistes qui fleurissent sur ses fils. Malgré les promesses passées, la firme de Menlo Park en Californie ne semble guère pressée pour mettre de l’ordre dans son réseau. C’est ce qui a poussé la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP, association national pour la promotion des gens de couleur) à lancer le mot d’ordre de boycott. Lequel a été entendu par des géants comme Coca Cola, Unilever (dont sa filière Ben & Jerry’s) ou Verizon. C’est ce qui explique les déboires boursiers de l’entreprise directement concernée par le mot d’ordre « stop hate for profit ».
Marck Zuckerberg a eu beau promettre que sa compagnie ferait plus d’efforts pour lutter contre la haine en ligne, les décisions de retrait des budgets publicitaires ont été maintenues. Facebook est donc touché directement au porte-monnaie. Mais il est encore trop tôt pour dire si la crise aura des répercussions à long terme ou s’il s’agit uniquement de difficultés conjoncturelles. En 2018, alors que l’on apprenait que les données privées de 50 millions de « facebookiens » avaient été recueillies de manière illégale par la firme Cambridge Analytica, on pensait déjà que le plus populaire des réseaux ne s’en relèverait pas. Deux ans plus tard, Facebook est toujours là mais, cette fois, ce sont les entreprises qui le mettent en difficulté.
Complaisance coupable
En effet, le modèle économique de Facebook repose avant tout sur la publicité et les perspectives de ciblage de telle ou telle catégorie de consommateurs. Or, des milliers de pages et bien plus encore de messages continuent de stigmatiser des groupes humains pour leur origine, leur religion ou leur orientation sexuelle. Des personnes sont harcelées de manière quotidienne et n’ont pas d’autre choix que de quitter le réseau (ce qui ne met pas fin aux écrits malveillants les concernant). Dans ce genre de situations, les victimes ont du mal à se faire entendre d’autant qu’il faut parfois plusieurs semaines avant qu’un signalement ne soit traité.
Autre reproche adressé au réseau. Il ne fait pas assez pour lutter contre les campagnes de dénigrement et d’influence orchestrées par les États ; faux comptes, robots, perturbateurs ou provocateurs (les fameux trolls), là aussi, c’est la complaisance de Facebook qui est mise en cause. Le boycottage décidé par les entreprises est une première qui ouvre peut-être un nouveau chapitre dans l’évolution du modèle économique des réseaux.
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