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Le Quotidien d’Oran, mercredi 21 octobre 2020
Akram Belkaïd, Paris
Dans le vocabulaire boursier et financier, certains mots ont parfois une double signification. Il y a leur sens premier mais aussi ce qu’ils impliquent comme mécanismes ou conséquences. Celui de « consolidation » en est un exemple. Dans le langage courant, il fait émerger l’image d’un renforcement d’une structure, d’une amélioration d’une assise ou d’une situation. En Bourse, si l’on prend un secteur donné, cela signifie simplement que certains de ses acteurs disparaissent ou sont avalés par plus gros qu’eux. Ainsi, la « consolidation » équivaudrait à une élimination ; une sélection naturelle où seuls les plus forts survivraient.
Un « deal » à 9,7 milliards de dollars
Un exemple concret vient d’être fourni par la plus grosse opération d’acquisition de l’année dans le secteur des hydrocarbures. Le géant ConocoPhillips vient d’avaler le producteur de gaz de schiste Concho pour un montant de 9,7 milliards de dollars (8,24 milliards d’euros). Ce « méga-deal » se fera uniquement via un paiement d’actions, les détenteurs de capital de Concho recevant des titres de ConocoPhillips. Un type d’opération qui permet de se passer de cash mais qui présente l’inconvénient de provoquer parfois une dilution du capital voire une baisse en Bourse. Il faudra voir comment le titre Conoco se comporte dans les prochaines semaines.
En attendant, c’est donc à une consolidation que l’on assiste. Cela fait désormais trois ans que le secteur des producteurs d’hydrocarbures de schiste est dans le rouge en raison de la chute des cours du pétrole. Avec des coûts d’exploitation supérieurs à leurs recettes, ils accumulent les pertes et doivent s’endetter pour poursuivre leur activité. Concho affiche ainsi une dette de près de 4 milliards de dollars et n’a pas réalisé de bénéfice depuis 2018. Au deuxième trimestre 2020, sa perte atteint 435 millions de dollars contre 97 millions de dollars pour la même période en 2019. Autrement dit, c’est un navire à la dérive que ConocoPhillips a acheté. Pourquoi donc une telle acquisition ?
Secteur à risque
La réponse est simple. Il s’agit ici d’une opération de croissance extérieure. Dans un contexte où les cours du brut sont anémiés et où la découverte de grands champs est de plus en plus difficile, la « major » trouve ici le moyen d’augmenter ses réserves de pétrole. Ces dernières atteignent désormais 23 milliards de barils (23 Giga-barils) en se basant sur un baril à 30 dollars. Pour mémoire, les compagnies pétrolières cotées en Bourse sont le plus souvent évaluées en fonction de leurs réserves prouvées, lesquelles pèsent autant que le niveau de production ou l’évolution du compte de résultat. Avec l’acquisition de Concho qui lui fournit des gisements dans le Texas et le Nouveau-Mexique, ConocoPhillips améliore ainsi son niveau de réserves et donc sa valorisation boursière. Du moins, en théorie.
En effet, nombre d’analystes considèrent désormais que le secteur des hydrocarbures de schiste est risqué. A moins d’un spectaculaire et inattendu renversement de conjoncture, les cours du pétrole ne grimperont pas de sitôt ce qui rendra difficile, voire impossible, l’exploitation rentable de gisements tels que ceux de Concho. Mais l’un des adages de la Bourse est qu’elle permet d’acheter des paris sur l’avenir. C’est ce que vient de faire ConocoPhillips.
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