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Le Quotidien d’Oran, jeudi 23 septembre 2020
Akram Belkaïd, Paris
Une réalité concernant les marchés financiers est qu’il ne faut jamais perdre de vue que le principe suprême est le gain à n’importe quel prix. Quelle que soit la gravité de la crise, il y aura toujours des investisseurs qui garderont ce cap et chercheront à faire de bonnes affaires même si la planète semble tanguer. En 2008, lors de la catastrophe des subprimes, de nombreux établissements ont ainsi profité de l’occasion pour racheter à bon compte des titres ou des entreprises en difficulté. Aujourd’hui, la même partie se joue mais de manière un peu différente.
Le « junk » est très recherché
Parlons d’abord du contexte. Les taux d’intérêt sont bas et les détenteurs de liquidités - qui sont abondantes - peinent à trouver des placements très rémunérateurs. A cela s’ajoutent les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 avec un nombre important de secteurs confrontés à des pertes importantes. Le résultat de tout cela est une paradoxale combinaison entre la recherche d’un bon retour sur investissement et le besoin de capitaux pour survivre. Depuis le printemps dernier, les obligations d’entreprises dites « pourries » sont ainsi devenues des titres très prisés par les investisseurs. Pourquoi « pourries » ? Parce qu’elles comportent un risque majeur, celui du non-remboursement. Les chiffres sont édifiants. Selon l’Agence France Presse (AFP), près de 274 milliards de dollars de « junk bonds » (obligations pourries) ont été émises durant les premiers mois de l’année. En Europe, entre juin 2019 et juin 2020, le montant de ces émissions particulières atteint le montant impressionnant de 108 milliards d’euros.
Deux questions se posent. Qui émet un tel papier et qui l’achète ? Pour répondre à la première interrogation, il s’agit d’entreprises en difficulté, parfois déjà très endettée et donc mal notées par les agences de « rating ». Il peut aussi s’agir de compagnies subissant de plein fouet la crise du Covid-19 (aérien, tourisme, loisirs). Pour attirer l’acheteur, ces émetteurs s’engagent sur des taux de remboursement élevés (« hauts rendements ») ce qui en ces temps de taux bas, attire les investisseurs qui ne craignent pas de prendre des risques et qu’intéressent des rémunérations supérieures à celles proposées par la dette de sociétés bien notées. Entre un taux de remboursement à 1,3% et un autre supérieur à 2,5%, parfois proche de 3%, pour les « junk bonds », il n’y a pas de petits profits…
Faillites à venir
Reste une question majeure. Un certain nombre d’émetteurs de junk bonds vont faire faillite. Cela s’est toujours passé ainsi et il n’y a pas de raison pour que cela change. En tant que créanciers, les détenteurs de ces obligations passeront avant les actionnaires mais rien ne dit qu’ils pourront récupérer leur mise. Certes, des entreprises en difficulté passagère feront certainement face à leurs échéances de remboursement, mais d’autres, qualifiées de « zombies » ne survivent que grâce à ces injections de fonds et une aggravation de la conjoncture les précipitera dans le ravin au grand détriment des prêteurs lesquels devront encaisser ces pertes. En clair, un nouveau krach obligataire se profile peut-être pour les prochaines années.
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