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Le Quotidien d’Oran, mercredi 13 janvier 2021
Akram Belkaïd, Paris
Jusqu’où ira la Chine ? Alors que la planète vit encore au rythme de la pandémie de Covid-19 et même au rythme de « l’épidémie dans l’épidémie », comprendre la diffusion fulgurante du variant, ou virus mutant, anglais ; Alors que les yeux sont braqués sur les États-Unis où l’on se demande ce que Donald Trump va bien pouvoir inventer comme nouvelle provocation avant son départ de la Maison-Blanche, les économistes et la presse dans sa grande majorité s’intéressent de nouveau à la Chine, lieu de départ de l’épidémie, faut-il le rappeler.
Une croissance vigoureuse
Un an après l’annonce du premier mort du Covid-19 et du confinement massif et historique des dix millions d’habitants de la ville de Wuhan, la Chine semble être revenue à un niveau de normalité que lui envient nombre de pays. Après une croissance économique de 2% en 2020 - signe que le pays aura tout de même échappé à la récession, le produit intérieur brut (PIB) devrait croître de 8% en 2021. Dans une série consacrée cette semaine à la Chine, le quotidien français Le Monde estime même que la pandémie a accéléré l’essor économique de ce pays.
Il ne s’agit pas simplement du niveau de croissance auquel Pékin a habitué la planète depuis une vingtaine d’années. C’est surtout que le rattrapage vis-à-vis des autres puissances est en phase d’accélération dans un contexte marqué par les conséquences dramatiques de la pandémie. Jusqu’à présent, il était habituel d’affirmer que la Chine ne serait pas au niveau de ses rivaux, dont les États-Unis, avant 2040 voire 2050. Aujourd’hui, si les prévisions économiques restent en l’état, le PIB chinois pourrait atteindre le premier rang mondial d’ici 2030 voire 2028. On imagine les conséquences, ne serait-ce que géostratégiques, d’un tel changement dans la hiérarchie mondiale.
Aux États-Unis, le camp républicain, soucieux de se refaire une virginité après la fin chaotique du mandat Trump va y trouver un matériau en or pour attaquer Joe Biden d’ores et déjà accusé de faiblesse à l’égard de Pékin. Les démocrates agitaient le hochet russe pour disqualifier Trump. Les républicains feront la même chose à l’égard du nouveau président américain en l’accusant de ne pas défendre la suprématie américaine vis-à-vis de l’essor croissant de la Chine. Tout cela bien sûr étant relatif car le budget de défense américain continuera encore de surclasser celui de son rival mais, pour le reste, on sent bien que le monde atteint un point de basculement, celui où la grande puissance américaine ne sera plus aussi hégémonique qu’avant. Question : cela augure-t-il d’affrontements armés ?
Quelle que soit l’issue, il faut d’abord s’attendre à un durcissement des batailles commerciales entre les deux pays mais la Chine a bien compris qu’il lui fallait profiter des divisions pour continuer à s’imposer. Le brexit mais aussi la brutalité de l’administration Trump à l’égard des Européens ont favorisé les desseins de Pékin. La signature d’accords économiques récents avec Bruxelles et le manque de réaction vigoureuse de l’Union européenne face à la répression à Hong Kong montrent que la situation évolue en faveur du camp chinois.
Pays développé ?
Rançon du succès, il sera de plus en plus difficile à la Chine de continuer à prétendre qu’elle n’est « qu’un » pays en développement. Dans quelques années, le revenu annuel par habitant sera l’équivalent de celui de pays industrialisés et les diverses dispenses et avantages dont bénéficie Pékin en matière de commerce international, de normes ou de facilités d’accès à certains marchés vont certainement être révoqués. Cela obligera, d’une certaine manière, la Chine à assumer sa position de géant planétaire. L’équilibre géostratégique de la planète en sera alors totalement modifié et une ère d’incertitudes s’ouvrira, largement dépendante de l’acceptation ou non par les Etats-Unis de leur relégation au second rang.
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