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Le Quotidien d’Oran, mercredi 20 janvier
Akram Belkaïd, Paris
La santé ou le pognon ? Sanofi, « leader de la santé en France et dans le monde » comme l’affirme son site, est désormais l’exemple emblématique de la contradiction majeure qui caractérise les entreprises pharmaceutiques cotées en Bourse. D’une part, la firme prétend travailler « passionnément pour prévenir, traiter et guérir des maladies tout au long de la vie » mais, d’autre part, tout dans son fonctionnement et son organisation tend à ne privilégier qu’une seule chose : la (bonne) rémunération de ses actionnaires.
Chercheurs licenciés
Très critiqué pour son retard à mettre au point un vaccin qui aurait permis à la France de ne pas dépendre de laboratoires étrangers, dont l’américain Pfizer, Sanofi vient d’annoncer un plan de suppression d’emplois qui concerne 1 700 postes dont 400 chercheurs. Au total, si l’on se base sur une tendance longue, en moins de vingt ans, le groupe français a divisé par deux le nombre de ses chercheurs sans oublier une demi-douzaine de sites fermés ou fusionnés ainsi que les activités comprenant de la recherche qui ont été cédées à d’autres sociétés.
Le slogan « pas de recherche, pas de vaccin » que brandissent les syndicats écœurés par les projets de restructuration fait sens. En matière de santé, n’importe quel biologiste le confirmera, il faut du temps et des moyens. Des femmes et des hommes qui cherchent, qui multiplient les essais, qui doivent nécessairement se tromper pour finir par trouver. Or, le temps, c’est de l’argent. Et cet argent, Sanofi préfère l’utiliser pour gaver ses actionnaires via des dividendes qui ne cessent d’augmenter.
Entendons-nous, la règle admise concernant une entreprise est qu’elle rémunère ses propriétaires, ce que sont les actionnaires. Et l’argument des entreprises pharmaceutiques est bien connu : pour justifier leurs politiques des dividendes, elles affirment que c’est la seule manière de « fidéliser » l’actionnaire – en gros, l’empêcher de vendre ses titres en Bourse et donc, de déstabiliser l’entreprise. Garder un actionnaire dans son capital serait ainsi la garantie de pouvoir continuer à financer les investissements indispensables à la recherche. On peut aussi entendre ce discours mais sans être naïf et sans accorder plus d’attention qu’il n’en faut à des expressions comme dividende « responsable », « éthique », « durable » ou « soutenable » qui ne sont rien d’autre qu’un moyen de faire passer la pilule.
Le dividende contre l’entreprise
Car, le problème, c’est lorsque cette rémunération se fait au détriment des travailleurs qui sont la base essentielle de la création de richesses par l’entreprise. Plus préoccupant encore, cette politique de dividende peut, à terme, causer du tort à la société et précipiter son déclin. Son incapacité à livrer un vaccin contre la Covid-19 avant, au mieux, la fin 2021 est une défaite majeure pour Sanofi. Cela va aussi à l’encontre des discours convenus pour étudiants de première année de commerce selon lesquels le cœur même d’une entreprise pharmaceutique est son activité de recherche et de développement. Or, on ne fait pas de la vraie « R&D » en virant sans cesse les chercheurs pour doper le cours en Bourse et faire plaisir aux actionnaires.
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