Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 18 mai 2021

KARIM, NIKOLA, INDULGENCE ET DEVOIR D'EXEMPLARITÉ

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Le retour de Karim Benzema en équipe de France de football est une vraie surprise. Personne ne dira le contraire. Par contre, ce qui n’est pas surprenant, c’est la colère pour ne pas dire la haine que cela a provoqué chez celles et ceux qui ont toujours réclamé sa tête. Une détestation motivée, du moins officiellement, par son implication dans une obscure histoire de chantage à la sex-tape au détriment d’un autre joueur, Mathieu Valbuena. Pour mémoire, Benzema aurait joué le rôle d’intermédiaire entre la victime et les maîtres-chanteurs. Rappelons que la justice a été saisie et que l’affaire suit toujours son cours.

 

Soyons clairs, il ne s’agit pas de trouver la moindre excuse à Benzema au cas où la justice viendrait à le condamner. Et s’il vient à subir des sanctions sportives, cela ne sera pas scandaleux. Mais rappelons que, dès lors qu’il y a une accusation par la puissance publique, la notion de présomption d’innocence s’applique jusqu’au jugement définitif. Pourtant, sans jamais avoir été condamné par la justice, Benzema a été immédiatement suspendu de l’équipe de France durant près de six ans et voué aux gémonies par plusieurs personnalités politiques dont l’ineffable Manuel Valls. Ce dernier, alors qu’il était premier ministre, s’est personnellement impliqué dans cette affaire et l’on sait qu’il a exercé des pressions sur la Fédération française de football pour qu’elle écarte définitivement Benzema de l’effectif des Bleus. On pourra faire remarquer que c’est une très bonne chose qu’un responsable politique défende l’éthique et la justice.

 

Admettons et parlons maintenant d’une autre affaire. En 2017, la justice française a définitivement condamné « pour escroquerie » la star du handball Nikola Karabatic. Une peine de deux mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour avoir trempé dans une histoire de paris sur un match entre son équipe, le Montpellier Agglomération Handball et Cesson Rennes. Pour la faire simple, Karabatic, capitaine emblématique de l’équipe de France, a parié, ainsi que nombre de ses proches contre sa propre équipe... Rappelons que depuis l’explosion des paris en ligne, les sportifs sont tenus de ne jamais parier sur les compétitions de leurs disciplines. Ajoutons à cela qu’il est tout de même pour le moins choquant qu’un joueur parie sur… la défaite de sa propre équipe. Le genre de mise qui éveille les soupçons quant à un éventuel arrangement du score, autrement dit un autre délit. Bref, pour la justice française, Karabatic s’est rendu coupable d’une escroquerie au détriment de La Française des Jeux, organisme de paris, qui avait été alertée par le niveau inhabituel des sommes engagées sur ce match. « Un comportement de petit con » dira Daniel Constantini, ancien entraîneur de l’équipe de France de handball, à propos de Karabatic.

 

Une escroquerie donc… Mais durant toute cette affaire, Karabatic n’a jamais été suspendu ni exclu de l’équipe de France de handball. Personne au sein du personnel politique, et certainement pas Manuel Valls, n’a trouvé scandaleux que ce délinquant continue de jouer avec la sélection nationale . In fine, après sa condamnation définitive, la fédération de handball lui a infligé la punition terrible de… six matchs de suspension dont deux aménageables en travaux d’intérêt général. Six ans de mise à l’écart pour l’un, six matchs pour l’autre. Deux poids, deux mesures.

 

La tradition d’indulgence à l’égard de sportifs vedettes coupables d’incartades est bien connue. Dopage, bagarres, violences conjugales, les pouvoirs politiques agissent souvent pour atténuer les peines et réintégrer au plus vite les fautifs. On se souvient de feu le footballeur italien Paolo Rossi impliqué dans le scandale des paris clandestins et qui purgea une suspension de trois ans avant de faire son retour dans l’équipe d’Italie à la veille de la coupe du monde de 1982 dont il fut la vedette. Cette indulgence est universelle mais pour en bénéficier en France, il est préférable de se prénommer Nikola plutôt que Karim. Cette règle d’airain est un argument supplémentaire, mais en faut-il vraiment, pour que certains sachent que l’exigence du devoir d’exemplarité s’applique bien plus à eux qu’à d’autres. 

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