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Le Quotidien d'Oran, jeudi 6 mai 2021
Akram Belkaïd, Paris
Contrairement à l’année dernière, le Paris-Saint-Germain (PSG) ne jouera pas la finale de la Ligue des champions. Face à une solide équipe de Manchester City, les Parisiens n’ont pas été à la hauteur des enjeux, n’arrivant, à l’aller comme au retour, à tenir la dragée haute aux « citizens » que durant les les premières mi-temps sans toutefois arriver à s’imposer. A chaque fois, les prestations de « City » ont été impressionnantes. Mercredi soir à l’Etihad Stadium (du nom de la compagnie aérienne de l’émirat d’Abou Dhabi dont un prince est propriétaire du club], ce fut une démonstration de réalisme et de ce que l’on pourrait appeler la méthode Guardiola.
Commençons par cela avant d’en revenir aux Parisiens. Il est parfois difficile de comprendre ce que veut l’entraîneur catalan. Certes, son principe de base est d’une simplicité absolue : pour lui, la meilleure manière de gagner est de garder le ballon et de le faire circuler pour ne pas subir le jeu de l’équipe adverse. Cela était déjà le cas quand il entraînait le FC Barcelone avec lequel il a remporté deux Ligues des champions et une flopée d’autres titres. Reprenant les préceptes de feu Johan Cruyff pour qui une passe vers l’arrière est le commencement d’une attaque, Guardiola n’a eu de cesse d’affiner ce concept qui exige une grande technicité de la part des joueurs (aussi bizarre que cela puisse être, l’art de la passe n’est pas aussi maîtrisé qu’on ne le croit).
Mais avec City, Guardiola va plus loin, insistant sur la notion d’occupation de zones. Ses joueurs ont des consignes claires, ils ont une zone à investir en priorité et plusieurs autres en cas de nécessité de compenser le vide occasionné par l’un de leurs coéquipiers. Analysant des centaines de matchs et disséquant les statistiques, Guardiola en est arrivé à cerner ce qu’il considère être comme la répartition idéale des joueurs sur un terrain quel que soit l’adversaire en face et sa tactique. Ses séances d’entraînement sont souvent des répétitions de mouvements en commun selon l’orientation du jeu, de replacements et, bien sûr, de transmissions du ballon, ce dernier devant nécessairement transiter par un ou deux joueurs ayant prééminence sur les autres. Quand un joueur ne comprend pas le schéma ou qu’il n’arrive pas à en s’approprier les exigences ou encore qu’il n’en respecte pas les spécifications, il reste sur le banc, aussi talentueux soit-il. Ce fut le cas durant deux ans pour Riyad Mahrez qui ne s’est vraiment imposé dans l’équipe-type que cette saison, ayant vraisemblablement compris que la méthode Guardiola ne pouvait que le faire progresser.
Autre caractéristique de cet entraîneur : la disparition du poste d’avant-centre. A Manchester City, il y a six à sept milieux de terrain qui jouent, chacun ayant eu à jouer le rôle de « faux numéro 9 ». Pour Guardiola, l’équipe idéale doit être composée exclusivement de milieux de terrain interchangeables, les défenseurs et même le gardien ayant pour mission d’être capables eux-aussi de participer au jeu offensif. Ce n’est pas vraiment le football total des Néerlandais des années 1970 mais ça y ressemble un peu. Toutefois, ce genre de système ne donne des résultats que si l’on dispose des meilleurs joueurs. Et qui dit meilleurs joueurs dit argent. Pep Guardiola a l’avantage d’entraîner un club richement doté dont les propriétaires ne lésinent pas à la dépense. Qu’on en juge : ils ont investi entre 1,5 et 2 milliards d’euros en un peu plus d’une décennie. De quoi se donner les moyens de remporter trois des quatre derniers championnats anglais et d’espérer remporter enfin la Ligue des champions (ce qui ne manquera pas de faire enrager le voisin et rival Manchester United). Le football, on le sait, est devenu une affaire de gros sous. Qui se souvient aujourd’hui que Manchester City était le club des prolos de cette ville industrielle ?
Mais avoir l’argent ne suffit pas. Encore faut-il savoir le dépenser au mieux. Le PSG n’est pas un club pauvre. Propriété du Qatar, il a lui aussi dépensé pour plus de 1,2 milliards d’euros en dix ans. Le résultat n’est pas honteux puisqu’il a quasiment la mainmise sur le championnat de France et qu’il fréquente assidument le dernier carré de la Ligue des champions. Mais une analyse attentive des recrutements de ces dernières années ou le simple suivi de ses matchs nationaux ou européens démontre une chose : ce club a recruté une flopée de branquignoles dont on se demande quel esprit dérangé a pu penser à les faire cohabiter avec des joueurs du standing de Neymar ou Mbappé.
Guardiola a dépensé de l’argent en ayant pour objectif la construction, pas à pas, d’un projet d’équipe et de jeu. Les investissements qu’il a exigé et obtenu de la part de ses patrons s’inscrivaient dans cette démarche. Bien sûr, il n’a pas toujours eu le nez creux mais les choses fonctionnent désormais. A Paris, on a plutôt l’impression de vivre un étalage permanent de bling-bling, d’accolage de noms prestigieux (pour faire vendre des maillots ?) et de soutiers limités. Bref, de superbes gigots et de sauces raccommodées dans la précipitation pour aller avec. La valse des entraîneurs depuis dix ans, la vente de joueurs méritants et leur remplacement par des fantômes (Cavani vs Icardi) en dit long sur le manque de vision sportive des dirigeants parisiens. Un matin, l’émir du Qatar se réveillera en se demandant s’il n’a pas été floué par ce que le milieu interlope du football recèle en intermédiaires, filous et autres agents indélicats.
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