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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

samedi 19 janvier 2013

Interview accordée à La Tribune : Prise d'otages en Algérie: "Comment cela a-t-il pu arriver dans une zone aussi militarisée?"

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La Tribune, 18 janvier 2013
Propos recueillis par Marina Torre | 18/01/2013, 16:13 - 532 mots
L'ancien ingénieur et journaliste algérien Akram Belkaïd s'interroge : comment des terroristes ont-il pu s'en prendre à un complexe d'exploitation gazière situé dans une zone stratégique pour les ressources énergétiques algériennes, jusque là épargnée et placée sous très haute sécurité?
 
L’assaut de l’armée algérienne sur la base gazière de Tiguentourine, près d’In Amenas, dans le sud-est se poursuit, tout comme au Mali d’où a démarré cette crise. Le flou règle encore sur le nombre de morts, d’otages libérés et de personnes toujours présentes sur le site. Dans ce contexte, les commentaires vont déjà bon train et se focalisent notamment sur les enjeux énergétiques pour le premier exportateur de gaz d’Afrique. Des enjeux qui expliqueraient en partie le choix d’Alger d’intervenir rapidement, brutalement et unilatéralement. Des questions qui se posent, mais qui en occulteraient d’autres, bien plus fondamentales aux yeux d’Akram Belkaïd, ancien ingénieur, essayiste et journaliste algérien qui écrit, entre autres, pour le Quotidien d’Oran.


Quel est l’enjeu de cette attaque pour les ressources énergétiques algériennes ?

Akram Belkaïd : Il est certains qu'au-delà du drame humain, la question qui se pose c’est la sécurisation des sites pétroliers et gaziers en Algérie qui jusque là n’avaient pas été touchés. Cela va provoquer un renchérissement des assurances et des difficultés pour les entreprises étrangères sur place pour assurer la sécurité des personnes, leur rapatriement…
Quel est le poids de la base d’exploitation gazière de Tiguentourine elle-même?
Le site compte pour 8 à 12% de la production algérienne. Ce qui est beaucoup. Mais toute la zone alentour, dans un rayon de 500 km est une zone gazière. C’est ça qui pose problème. Il y a une vraie menace. On pensait que ces sites étaient inviolables. Pendant la guerre civile, ils n’avaient jamais été touchés. Une nouvelle étape, un nouveau palier ont été franchis.
Est-ce ce nouveau palier qui explique la réaction rapide des forces de sécurité algériennes ?
Oui, plus que tout, c’est un message envoyé par l’Etat algérien. Ceux qui seraient tentés de faire la même chose savent à quoi il faut s’attendre. Cela a toujours été la stratégie du gouvernement.
Les chancelleries n’ont pas été prévenues de cette action. Cela participe-t-il de cette stratégie ?
Absolument. L’Algérie a l’obsession de sa souveraineté, elle ne supporte pas l’ingérence de l’extérieur. C’est un pays très chauvin, très nationaliste, où l’on ne se soumet pas au bon vouloir d’autrui. Autant le gouvernement avait des problèmes avec son peuple, autant sur ce point, il ne se trouvera pas grand monde en Algérie pour critiquer cette décision.
Les questions qui se posent portent plus sur "comment on en est arrivé là" mais pas sur le fait que l’armée ait agi sans en référer aux capitales étrangères. En fait, je crains que la polémique ne fasse oublier le reste, le cœur du problème : comment cette situation a pu se produire. La télévision française rend service au gouvernement algérien en se focalisant sur l’assaut alors que d’autres problèmes mériteraient d’être abordés comme par exemple la réalité des liens entre cette opération et la situation au Mali?
Quelle est votre explication sur ce dernier point?
Il y a eu beaucoup de relâchement. C’est le signe que l’Algérie est dans une situation difficile. Voilà un pays dont on peut se demander s’il est toujours gouverné ! Avant ces événements, le grand débat c’était de savoir si le président Bouteflika aurait un quatrième mandat.

*Sur la question du Mali, Akram Belkaïd a publié un article sur son blog le 16 janvier.
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