Le Quotidien d'Oran, Mercredi 20 septembre 2017
Akram Belkaïd, Paris
Partout dans le monde, l’inflation a mauvaise
réputation et à juste titre. L’augmentation continue des prix, la dépréciation
de la valeur des biens que cela engendre, les difficultés économiques que cela
génère pour les ménages sans oublier le manque de confiance des investisseurs
nationaux et étrangers sont autant de facteurs qui contribuent à faire de ce
phénomène un épouvantail que toutes les banques centrales n’ont de cesse de
combattre. A l’inverse, une conjoncture sans inflation n’est pas une bonne
chose puisque cela signifie que les prix et la demande stagnent.
Un
synonyme de déséquilibre
On dit souvent que la mondialisation a
« tué » l’inflation en imposant ses prix bas partout. En favorisant
l’essor du commerce mondial et les approvisionnements à partir des pays à
faible coût du travail, la globalisation a effectivement contribué au tassement
des prix mais aussi et surtout à celui des salaires. Peu de pays au monde
peuvent se targuer, aujourd’hui, d’avoir enregistré de notables hausses des
revenus du travail au cours des vingt dernières années. Cela a eu les
conséquences que l’on sait. La victoire électorale de Donald Trump aux
Etats-Unis est due à plusieurs facteurs mais la faiblesse du pouvoir d’achat
des classes moyennes y est pour quelque chose.
Si l’on revient à l’inflation, on peut dire, sans
forcer le trait, qu’elle existe aujourd’hui là où les économies sont totalement
déstructurées voire archaïques (si l’on excepte les pays émergents à forte
croissance où l’inflation est le corollaire d’une activité soutenue). Economies
déstructurées donc et l’Algérie en fait partie. Dans une situation de pré-crise
(le pays n’a encore rien vu), le recours à un jeu d’écriture où le Trésor pour
emprunter auprès de la Banque centrale revient, in fine, à faire la même chose qu’actionner la planche à billets.
Le caractère inflationniste de cette mesure est évident. L’Etat étant un acteur
majeur de l’économie nationale, il est évident que le fait de vivre à crédit
avec une Banque centrale qui lui prêtera sans compter (et sans rechigner) va
nécessairement déboucher sur un affolement de l’indice des prix.
Contrairement à ce que racontent les autorités, ce
n’est pas ainsi que les pays développés ont affronté la crise de 2008. Ils ont
certes eu recours à des méthodes peu conventionnelles comme le fait de
transformer leurs Banques centrales en quasi-fonds spéculatifs dédiés à
racheter des créances privées et publiques sur les marchés. Cela a fonctionné,
du moins pour l’instant, parce que cette stratégie a pu s’appuyer sur un
environnement financier mature et développé (même s’il demeure miné par la
spéculation). En Algérie, rien de tout cela. L’affaire sera menée par le
gouvernement et lui seul. L’indépendance de la Banque centrale telle que voulue
par (feue) la loi de la monnaie et du crédit n’est plus qu’un lointain
souvenir.
L’euro
à l’équilibre
Dans cette perspective, les Algériens vont devoir se
préparer à encaisser le choc d’une possible hausse brutale et continue des
prix. Le dinar, déjà malmené, risque de plonger encore plus. Des valeurs
« refuge » comme l’euro, l’or ou la pierre vont augmenter elles
aussi. Il sera alors important de garder un œil sur la politique
gouvernementale en matière de commerce extérieur. Une restriction des
importations dans un contexte inflationniste va aggraver la hausse des prix.
Alors qu’un statu quo, autrement dit, un flux maintenu d’achats à l’étranger,
devrait atténuer les pressions inflationnistes.
L’évolution du marché de la devise va constituer lui
aussi un terrain d’observation intéressant. Pour l’heure, le cours de l’euro
n’a pas flambé. Cela étonne beaucoup de gens car les perspectives étant peu
encourageantes, cela devrait être le contraire. L’explication, prudente, est
que nous avons là une illustration d’un mécanisme de marché qui n’est pas
forcément détectable de prime abord mais qui illustre une certaine rationalité.
Dans un contexte où l’inflation est annoncée, où la crise frappe à la porte du
pays et où les liquidités en dinars commencent à manquer, les détenteurs de
devises ne veulent pas transformer celles-ci en produit de luxe. Tant que
l’inflation n’est pas constatée, et que le gouvernement ne lui court pas après
en imprimant en masse de nouveaux billets, il est préférable pour le cambiste
de proposer un taux de change, certes élevé, mais qui n’est pas rédhibitoire
pour le client. Est-ce que cela va durer ? Impossible de répondre à cette
question. Mais une injection massive de dinars dans l’économie algérienne
provoquera certainement une flambée du cours de l’euro.
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