Le Quotidien d’Oran, mercredi 23 septembre 2015
Akram Belkaïd, Paris
Est-ce reculer pour mieux sauter ? Ou est-ce encore un
refus d’obstacle ? Le moins que l’on puisse dire c’est que les analystes
sont partagés quant aux raisons qui ont conduit la Réserve fédérale (Fed) à ne
pas augmenter son taux directeur lors de la dernière réunion de son Comité
monétaire (FOMC). On le sait, cette augmentation est attendue depuis plusieurs
mois et a été annoncée de manière plus ou moins explicite par Janet Yellen, la
présidente de la Banque centrale américaine.
Des marchés déroutés
Le statu quo décidé par la Fed la semaine dernière a donc
surpris et dérouté. La preuve, les marchés boursiers n’ont guère salué cette
temporisation alors qu’on pourrait penser que le maintien d’un taux bas leur
profite (le faible coût du crédit assure la liquidité). Sur les grandes places
financières de nombreux opérateurs ont reproché à la Fed de naviguer à vue, de
privilégier le court terme et d’avoir reporté une échéance que tout le monde
sait incontournable et cela sans donner d’indications précises quant au
calendrier. Pour résumer, la situation est comparable à celle d’élèves fâchés,
au lieu d’être soulagés, que leur professeur reporte une nouvelle fois une
interrogation écrite à laquelle, de toutes les façons, ils savent qu’ils ne
pourront pas échapper.
La question est donc de savoir pourquoi la Fed a préféré gagner
du temps. La réponse n’est certainement pas liée à l’état de l’économie
américaine. Cette dernière continue de progresser et de créer des emplois dans
un contexte où l’inflation reste maîtrisée. Bien sûr, le salarié américain
aimerait moins de précarité et de vraies augmentations de salaires mais ceci
est une autre affaire. En réalité, l’Institution de Washington est surtout préoccupée
par l’impact qu’une telle décision pourrait avoir sur l’économie mondiale.
La Chine inquiète
Cela fait deux ans que l’on sait que les pays émergents
craignent un retour d’une politique monétaire moins laxiste aux Etats Unis. Ils
n’ignorent pas que, gavés de liquidités, les investisseurs se dépêcheront alors
d’investir sur le marché américain, notamment en achetant de la dette
souveraine (les taux ayant augmenté, ils obtiendront une meilleure
rémunération). Pénaliser le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie ou même la
Corée du Sud ne posait pas de gros problèmes à la Fed. Par contre, ses
réticences sont plus nombreuses aujourd’hui car, désormais, la Chine est
concernée elle aussi.
Confrontée à une baisse de ses marchés boursiers, fragilisée
par une activité locale et des exportations qui ralentissent et, enfin, en
proie à la multiplication de revendications sociales, la Chine risque d’être
frappée de plein fouet par l’inévitable fuite de capitaux qui se fera au
bénéfice des Etats Unis. On sait ce que cela veut dire. Une économie chinoise
qui éternue, et c’est la planète entière, Europe comprise, qui va tomber
malade. En décidant de ne pas augmenter les taux, la Fed préfère donc attendre
que la Chine aille mieux. Pour combien de temps ? Les avis divergent mais
il n’est pas exclu que ce resserrement monétaire intervienne avant la fin de
cette année.
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