On dit souvent que le football ne se limite pas au jeu et qu’il
est le révélateur de multiples réalités sociales, sociétales, économiques,
politiques et même géopolitiques. Le présent chroniqueur ne le démentira pas.
Pour celui qui écrit sur ce sport, il est d’ailleurs impossible de ne pas
citer, à un moment ou à un autre le célèbre aphorisme de Bill Shankly, le
légendaire entraîneur de Liverpool : « « Le football n'est pas une
question de vie ou de mort, c'est quelque chose de bien plus important que
cela. »
Le propos est véridique et remonte aux années 1970. Depuis
plusieurs décennies, des milliers de pages ont été écrites pour le discuter, le
réfuter ou, au contraire, le louer. J’avoue qu’il m’arrive de croire que je le
comprends, que j’en devine le sens mais je peux aussi le balayer d’un
haussement d’épaules. Cela dépend du moment, de la compétition en cours, du
match qui vient de se terminer ou de celui qui va se jouer ou tout simplement
de mon humeur.
Cette finale de Coupe du monde qui doit se dérouler dimanche
entre la France et la Croatie fait l’objet de beaucoup de passions et de
déclarations. Dans l’univers francophone, je vois passer de longues tirades
souhaitant la défaite des Bleus pour diverses raisons : Macron, le
chauvinisme du voisin, le colonialisme, le racisme, les visas, la ségrégation
sociale et les discriminations que subissent les minorités en France. Je vois aussi
passer, en réponse, de longs développements sur le passé nauséabond de certains
croates durant la Seconde Guerre mondiale, sur la signification de leur damier
et sur ce que les populations musulmanes de Bosnie ont pu subir de la part des
milices armées croates au début des années 1990, avant que les Serbes ne
cherchent à mettre tout le monde d’accord à leur manière…
Et c’est là que le propos de Shankly devient soudainement
insupportable. Car l’on a envie de dire qu’il faut se calmer car ce n’est « que »
du football. Que ce qui devrait primer dans l’appréciation du match, dans son
souhait pour la victoire, c’est la qualité du jeu et elle seule. Tout est
politique, répèteront certains ? C’est faux. Car, si tout était politique,
il aurait fallu ne pas applaudir l’équipe d’Argentine championne du monde de
football en 1978 à la grande satisfaction d’un régime de criminels. Mieux, ou
pire, il aurait fallu ne jamais s’enflammer pour la victoire en finale du
Brésil en 1970. C’était l’équipe de Pelé ? Oui, certes, mais c’était aussi
l’équipe d’un pays soumis à une dictature militaire qui a su tirer profit du
troisième sacre brésilien.
Si on prétend aimer le football, alors on peut essayer de
suivre le jeu pour le jeu et ranger ses considérations, ses griefs et ses
aigreurs. La seule chose que l’on peut souhaiter pour la finale de dimanche, c’est
que le plus beau jeu gagne. Devenir soudain une conscience éclairée pour
souhaiter la défaite de telle ou telle équipe, c’est ne guère différer de
celles et ceux qui cherchent à nous culpabiliser de suivre cette compétition au
nom d’un engagement social ou politique qu’ils ou elles ne semblent découvrir
qu’à la faveur de cette Coupe du monde.
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