Le Quotidien d’Oran, mercredi 5 décembre 2018
Akram Belkaïd, Paris
En janvier prochain, le Qatar ne fera donc plus partie de
l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dont il fut, en 1961, le
premier membre à rejoindre les cinq pays fondateurs (Arabie saoudite, Iran,
Irak, Koweït et Venezuela) lesquels avaient créé l’organisation en 1960. Faite
en début de semaine par Saad Sherida Al-Kaabi, le ministre qatari de l’énergie,
l’annonce de ce retrait a beaucoup surpris car rien, pas même les bisbilles
entre Doha et Riyad, ne laissaient l’entrevoir. Ce n’est pas la première fois
qu’un membre de l’Opep se retire du Cartel. L’Equateur, membre depuis 1973,
l’avait quitté en 1996 avant d’y revenir en 2007. Même chose pour le Gabon,
membre depuis 1975, qui en était sorti en 1996 avant de faire son retour en
2016. Mais le fait que le Qatar appartienne au cercle fermé des pétromonarchies
du Golfe donne plus d’impact à sa décision. Du moins, un impact symbolique.
Acte de défiance à
l’égard de l’Arabie
Officiellement, l’émirat explique que ce retrait lui
permettra de se concentrer sur sa stratégie gazière à long terme. Aujourd’hui,
l’émirat produit 77 millions de tonnes par an et vise une production de 110
millions de tonnes annuelles d’ici 2024. Mais personne n’est dupe. Ce départ,
est avant tout un acte de défiance à l’égard de l’Arabie saoudite et des
Emirats arabes unis (EAU), deux voisins qui imposent un blocus à Doha depuis
juin 2017. En quittant l’Opep, le Qatar signifie une nouvelle fois son
indépendance vis-à-vis du royaume saoudien « patron » de fait de
l’Organisation. Même si la voix de chaque membre compte, c’est l’Arabie
saoudite qui imprime sa marque du fait de l’importance de ses réserves et de sa
production. En quittant l’Opep, le Qatar envoie donc un message clair : sa
politique énergétique sera indépendante des exigences saoudiennes.
Il faut aussi relever que le Qatar n’est presque plus un
pays pétrolier. Sa production quotidienne est de 600 000 barils par jour (9 à
10 millions de barils pour l’Arabie), autrement dit à peine 2% des pompages de
l’Opep. Ses réserves estimées sont de 25 milliards de barils (ou giga-barils,
Gb) soit le dixième du royaume wahhabite (270 Gb). En clair, le départ du Qatar
ne va pas bouleverser le marché pétrolier. Cela ne devrait donc pas avoir un
impact important sur les cours. C’est donc le timing de cette décision qui
interpelle. Cette semaine est importante pour le Cartel qui se réunit demain et
après-demain (6 et 7 décembre) pour décider de la marche à suivre pour endiguer
le repli des cours du baril. Même si Doha promet de respecter ses engagements,
son annonce crée le trouble. Et les contempteurs de l’Opep notent avec
satisfaction que l’unité de l’organisation connaît-là sa première faille
d’importance.
Une unité
menacée ?
Il faut dire que cette organisation a toujours réussi à
passer outre les divisions politiques entre ses membres. N’accueille-t-elle pas
l’Arabie saoudite et l’Iran ? L’Irak n’y siège-t-il pas aux côtés du
Koweït ? Très critiquée en Occident, notamment au Congrès américain, où on
l’accuse de manière régulière de position dominante, l’Opep a jusqu’à présent
affiché une unité sans faille, y compris lorsque le baril plongeait vers les 10
dollars au milieu des années 1990. Le départ du Qatar ouvre-t-il la voie à une
implosion de l’Opep ? C’est peu probable mais c’est assurément une page
qui se tourne dans l’histoire d’une organisation dont la stratégie influe
directement sur l’évolution de l’économie mondiale.
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