Megan Rapinoe, capitaine de l’équipe américaine féminine de
football, Ballon d’Or féminin 2019.
Extraits d’un entretien accordé à France Football après l’attribution
du Ballon d’Or (4 décembre 2019)
France Football.- Ce
Ballon d’Or va-t-il autant à la meilleure joueuse de la Coupe du monde qu’à la
femme qui lutte contre les discriminations et s’en prend à Donald Trump ?
Megan Rapinoe.- Aux deux, je pense… Je me vois comme une
activiste, donc cette part de ma personnalité ne peut être écartée. D’une part,
je suis une très bonne joueuse de football. D’autre part, mon action hors du
terrain m’attire du soutien car les gens comprennent que j’agis pour les emporter
avec moi afin de trouver des solutions aux problèmes de nos sociétés. (…)
N’avez-vous pas envie
de crier : « S’il vous plaît, Christiano (Ronaldo), Leo (Messi),
Zlatan (Ibrahimovic), aidez-moi ? »
Oh que si… Ces grandes stars ne s’engagent sur rien !
(Raheem) Sterling et (Kalidou) Koulibaly, eux, au moins, ont parlé car ils ont
subi des attaques racistes, mais qui d’autre ? Je m’efforce de mettre ces
grands noms au défi de s’exprimer, quitte à passer pour une emmerdeuse, mais je
m’en moque.
Vous sentez-vous
seule ?
Carrément ! Il existe tellement de problèmes dans le
football masculin et ils ne bougent pas d’un pouce. Est-ce parce qu’il y a tant
d’argent en jeu ? Ont-ils la hantise de tout perdre ? Ils le croient,
mais ce n’est pas vrai. Qui va rayer Ronaldo ou Messi de la planète football
pour une déclaration contre le racisme ou le sexisme ? Au contraire, ils
recevraient un soutien massif. (…)
Pourtant les Messi,
Christiano Ronaldo, Ibrahimovic, Neymar et consorts sont issus de milieux très
modestes.
D’où mon incompréhension face à leur silence ! Je suis
à la fois en colère et triste. J’imagine qu’ils se disent : « Je m’en
suis sorti, je ne veux pas mettre ma vie en danger. » Bon sang, en danger
de quoi ? Ils ont des amies, des sœurs, des potes noirs ou gays, ils
doivent savoir que des tas de gens souffrent de discrimination. Tant qu’ils ne
seront pas aussi outrés que Sterling et Koulibaly par les cris de singe [dans
les tribunes], rien ne changera ! Et ils seront une partie du problème.
Et si Lionel Messi
quittait le terrain au premier cri de singe envers…
Ce serait énorme ! L’arbitre n’oserait pas lui adresser
un carton rouge, à lui, le meilleur footballeur de tous les temps. Je n’en peux
plus des effets de manche quand un joueur subit un chant raciste. Les autres
joueurs le réconfortent, et c’est tout. Merde, alors ! »
Propos recueillis par Christophe Larcher.
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