Le Quotidien d’Oran, mercredi 8 janvier 2020
Akram Belkaïd, Paris
Dans un monde incertain, confronté à un nombre incessant de
conflits et de crises, les marchés financiers ont inventé la nation de
« valeur refuge », comprendre celle qui permet d’anticiper des temps
encore plus durs sans trop perdre de ses avoirs. Revers de la médaille, la
valeur refuge est souvent considérée comme inintéressante en phase tranquille
ou d’incertitude moindre. C’est le cas, par exemple, des cours de l’or. Quand
tout va, l’once d’or (31 grammes) connaît une demande modérée. Les
investisseurs préfèrent alors des valeurs qui rapportent plus même si elles
peuvent souffrir d’un retournement de tendance. Par contre, au premier bruit de
bottes, le métal jaune revient en grâce.
Tensions
géopolitiques
C’est ce qui s’est passé tout au long de l’année 2019, le
métal jaune ayant enregistré une progression de près de 15%, autrement dit une
bonne affaire pour celui qui en a acheté au début de l’année dernière et qui a
pris ses bénéfices en décembre. Peut-être même le regrette-t-il car le début de
2020 semble parti sur la même phase ascendante avec une once qui se rapproche
du seuil des 1600 dollars, autrement dit son meilleur niveau depuis 2013.
Les facteurs qui expliquent cette bonne tenue sont nombreux
et, pour la plupart, sont d’ordre géopolitique ou politique. Pour 2020, le
marché suit avec attention ce qui se passe aux États-Unis. Comment va se
dérouler l’élection présidentielle du mois de novembre ? Donald Trump
sera-t-il réélu ? Jusqu’où ira sa procédure d’empêchement
(« impeachement) ? Autre question : comment vont évoluer les
relations entre les États-Unis et la Chine, « le » vrai dossier
géopolitique de ce début de siècle. Aura-t-on une normalisation ? Ou bien
alors, la guerre commerciale entre les deux rivaux va-t-elle reprendre de plus
belle. Dans un tel contexte, l’achat de métal précieux rassure les anxieux, ou
les prudents, qui préfèrent ne pas compter uniquement sur les obligations
d’État.
Le récent assassinat du général iranien Qassem Souleimani
augmente les tensions et les interrogations. Dès son annonce, les prix de l’or,
et à un degré moindre ceux du pétrole, ont bondi. C’est certes ce qui arrive à
chaque fois qu’un événement intervient au Proche-Orient mais on sent bien que
tout le contexte mondial sert le métal jaune, y compris avec la résurgence des
menaces nord-coréennes.
Dédollarisation
D’autres facteurs, plus techniques pour certains, influent
aussi sur les prix de l’or. La grande tendance sur les marchés consiste aujourd’hui
à éviter les actifs trop dépendants du dollar, monnaie qui inquiète nombre
d’investisseurs (ce qui est, en partie, une conséquence, là aussi, de
l’incertitude politique qui règne à Washington). Par ailleurs, les grands
producteurs, Afrique du sud ou Australie, sont confrontés à des difficultés
sociales et environnementales qui réduisent leurs exportations. Ce n’est pas la
rareté totale mais les quantités physiques d’or ne sont pas non plus
illimitées. L’or se prépare donc à revêtir encore l’habit de vedette en 2020.
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