Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 12 juin 2020

La chronique économique : L’Opep+ a le vent en poupe

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 10 juin 2020
Akram Belkaïd, Paris


A chaque période, son vocabulaire particulier. Désormais, quand il sera question des cours du pétrole et de l’évolution mondiale de l’offre et de la demande, on lira souvent les termes suivants « Opep+ » et « réduction coordonnée ». Pour mémoire, l’Opep+ désigne l’alliance — ou l’entente, entre les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et dix autres producteurs (1)). En avril dernier, dans un contexte de prix déprimés, l’Opep et ces dix exportateurs ont conclu un accord historique destiné à réduire l’offre mondiale et, donc, à soutenir les cours. Comme le souligne l’économiste et ancien ministre de l’énergie algérien (1988-1991) Sadek Boussena dans une analyse de haute facture publiée dans Le Monde diplomatique (2), nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle ère régissant les grands équilibres (et déséquilibres) du marché pétrolier. A coup sûr, l’Opep+, avec 60% de la production mondiale (contre 40% pour la seule Opep) détient un levier fondamental.

Prix à la hausse et discipline tenue

Dans le détail, l’accord d’avril prévoyait une baisse de la production Opep+ de 9,7 millions de barils par jour (mbj) pour les mois de mai et de juin. La seconde étape, de juillet à décembre, prévoyait une baisse de 7,7 mbj tandis que la troisième et dernière, allant de janvier 2021 à avril 2022, tablait sur un retrait de 5,8 mbj du marché. Réunis en visioconférence – épidémie de Covid19 oblige – les représentants de l’alliance ont quelque peu modifié la donne en prolongeant la première étape (baisse de 9,7 mbj) jusqu’à juillet. Il faut dire que les signaux du marché sont positifs. Les références Brent et WTI sont toutes les deux orientées à la hausse, le pallier de 40 dollars étant franchis.

De même, selon les estimations qui circulent sur le marché, il semble que la discipline ait joué à plein au sein de l’Opep+ puisque, concrètement, 8,6 mbj ont été retiré en mai dernier. Certes, l’objectif de 9,7 mbj n’a pas été totalement atteint mais la majorité des producteurs ont joué le jeu exception faite du Nigeria et de l’Irak, rappelés à l’ordre par leurs pairs. Il faut avoir en tête que dans les circonstances de réduction concertée de la production, l’Opep a toujours été surveillée de près, certains de ses membres s’affranchissant un peu trop vite de leurs quotas et de leurs promesses de réduction. Pour le mois de mai, l’Opep+ a démontré que la presque totalité de ses membres pouvait tenir ses engagements. Pour le marché, il s’agit d’un signal fort.

Le cas du Mexique

Il faudra néanmoins que l’Alliance traite rapidement le cas du Mexique. En avril dernier, ce pays a refusé la proposition qui lui était faite de réduire de 400 000 barils quotidiens sa production, n’acceptant une baisse que de 100 000 bj. En début de semaine, Mexico a aussi refusé que la première étape de l’accord d’avril soit prolongée en juillet. La prochaine réunion de l’Opep+ aura lieu le 1er décembre prochain. D’ici là, il faudra que ses membres déploient toute leur force de persuasion pour que le Mexique, producteur incontournable pour donner du poids à l’alliance, soit en parfaite cohésion avec ses partenaires.

(1) Pour l’Opep : Algérie, Angola, Arabie saoudite, Emirats arabes unis (EAU), Gabon, Guinée équatoriale, Irak, Iran, Koweït, Libye, Nigéria, République du Congo (RDC). Les dix membres associés à l’Opep dans l’Opep+ sont : Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman ,Russie, Soudan et Soudan du Sud.

(2) « Après la guerre des prix entre pays producteurs :Pétrole, accord et désaccords », Le Monde diplomatique, Juin 2020.
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