Le Quotidien d’Oran, mercredi 10 juin 2020
Akram Belkaïd, Paris
A chaque période, son vocabulaire particulier. Désormais,
quand il sera question des cours du pétrole et de l’évolution mondiale de
l’offre et de la demande, on lira souvent les termes suivants « Opep+ »
et « réduction coordonnée ». Pour mémoire, l’Opep+ désigne l’alliance
— ou l’entente, entre les membres de l’Organisation des pays exportateurs de
pétrole (Opep) et dix autres producteurs (1)). En avril dernier, dans un
contexte de prix déprimés, l’Opep et ces dix exportateurs ont conclu un accord
historique destiné à réduire l’offre mondiale et, donc, à soutenir les cours.
Comme le souligne l’économiste et ancien ministre de l’énergie algérien
(1988-1991) Sadek Boussena dans une analyse de haute facture publiée dans Le Monde diplomatique (2), nous entrons
aujourd’hui dans une nouvelle ère régissant les grands équilibres (et
déséquilibres) du marché pétrolier. A coup sûr, l’Opep+, avec 60% de la
production mondiale (contre 40% pour la seule Opep) détient un levier
fondamental.
Prix à la hausse et
discipline tenue
Dans le détail, l’accord d’avril prévoyait une baisse de la
production Opep+ de 9,7 millions de barils par jour (mbj) pour les mois de mai
et de juin. La seconde étape, de juillet à décembre, prévoyait une baisse de
7,7 mbj tandis que la troisième et dernière, allant de janvier 2021 à avril
2022, tablait sur un retrait de 5,8 mbj du marché. Réunis en visioconférence –
épidémie de Covid19 oblige – les représentants de l’alliance ont quelque peu
modifié la donne en prolongeant la première étape (baisse de 9,7 mbj) jusqu’à
juillet. Il faut dire que les signaux du marché sont positifs. Les références
Brent et WTI sont toutes les deux orientées à la hausse, le pallier de 40
dollars étant franchis.
De même, selon les estimations qui circulent sur le marché,
il semble que la discipline ait joué à plein au sein de l’Opep+ puisque,
concrètement, 8,6 mbj ont été retiré en mai dernier. Certes, l’objectif de 9,7
mbj n’a pas été totalement atteint mais la majorité des producteurs ont joué le
jeu exception faite du Nigeria et de l’Irak, rappelés à l’ordre par leurs
pairs. Il faut avoir en tête que dans les circonstances de réduction concertée
de la production, l’Opep a toujours été surveillée de près, certains de ses
membres s’affranchissant un peu trop vite de leurs quotas et de leurs promesses
de réduction. Pour le mois de mai, l’Opep+ a démontré que la presque totalité
de ses membres pouvait tenir ses engagements. Pour le marché, il s’agit d’un
signal fort.
Le cas du Mexique
Il faudra néanmoins que l’Alliance traite rapidement le cas
du Mexique. En avril dernier, ce pays a refusé la proposition qui lui était
faite de réduire de 400 000 barils quotidiens sa production, n’acceptant une
baisse que de 100 000 bj. En début de semaine, Mexico a aussi refusé que la première
étape de l’accord d’avril soit prolongée en juillet. La prochaine réunion de
l’Opep+ aura lieu le 1er décembre prochain. D’ici là, il faudra que
ses membres déploient toute leur force de persuasion pour que le Mexique,
producteur incontournable pour donner du poids à l’alliance, soit en parfaite
cohésion avec ses partenaires.
(1) Pour l’Opep : Algérie, Angola, Arabie saoudite,
Emirats arabes unis (EAU), Gabon, Guinée équatoriale, Irak, Iran, Koweït,
Libye, Nigéria, République du Congo (RDC). Les dix membres associés à l’Opep
dans l’Opep+ sont : Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Kazakhstan, Malaisie,
Mexique, Oman ,Russie, Soudan et Soudan du Sud.
(2) « Après la guerre des prix entre pays
producteurs :Pétrole, accord et désaccords », Le Monde diplomatique, Juin 2020.
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