Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 5 juin 2020

La chronique économique : Mais où stocker l’or noir ?

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 3 juin 2020
Akram Belkaïd, Paris


En avril dernier, quand le cours du baril de pétrole a touché les abysses avec un prix négatif de 37,63 dollars (autrement dit c’est le vendeur qui donnait de l’argent à l’acheteur…), on a beaucoup parlé de la crise des capacités de stockages de l’or noir. De nombreuses télévisions américains ont ainsi diffusé les images de plusieurs dizaines de pétroliers mouillant au large des grands ports de la côte-ouest. Idem pour les fameuses barges qui cabotent sans fin le long de la côte-est. Etant incapables de trouver un endroit où entreposer ces cargaisons, nombre d’opérateurs étaient prêts à payer pour s’en délester.

Réserves stratégiques américaines

Certes, cette chute des cours du baril en territoire négatif n’a pas duré. Mais elle a eu le mérite d’attirer l’attention sur la problématique du stockage du pétrole en circulation. Dans le milieu de l’or noir, il arrive que l’on parle des « barges fantômes » pour désigner des tankers dont on ne sait pas exactement qui détient la cargaison. Dans d’autres cas, ces cargaisons peuvent changer plusieurs fois de propriétaire alors que le navire est encore en haute mer. Si la durée n’est pas trop longue, stocker le pétrole dans un tanker est la meilleure solution en attendant de meilleurs jours. Mais, dans les temps présents, cela s’avère trop onéreux.

Alors, il existe d’autres solutions. Sensible au sort des compagnies pétrolières américaines, le président Donald Trump a poussé pour que les réserves stratégiques du pays, les fameuses SPR (pour Strategic Petroleum Reserve) puissent accepter des « dépôts » de compagnies privées. D’une capacité de 800 millions de pétrole, les SPR sont situées dans d’anciennes mines de sel au Texas et en Louisiane. Selon les dernières dispositions décidées par l’administration Trump, une capacité de 23 millions de barils sera réservée aux compagnies privées d’ici à mars 2021. Ce n’est pas beaucoup mais c’est déjà mieux que rien.

Et le caractère accommodant de la Maison-Blanche ne s’arrête pas puisque la fameuse « Règle 95 » va être suspendue. De quoi s’agit-il ? Jusqu’à présent, le pétrole mais aussi le gaz naturel extraits d’un gisement ne peuvent y être réinjecté. Cela peut étonner mais on comprend mieux cette interdiction si on connaît la structure d’un champ pétrolier. Contrairement à une image répandue, ce n’est pas un immense réservoir d’or noir qui baigne dans le sous-sol. En réalité, cela ressemble à une roche poreuse, comparable à une éponge, où est emprisonné le pétrole. C’est un état d’équilibre liquide-solide qu’il est impossible d’obtenir si l’on réinjecte le pétrole dans un gisement.

Menace écologique


Or, si le pétrole n’est pas « emprisonné » dans les milliards de veines rocheuses (chose qu’une mine de sel assure plus facilement), il pourra facilement contaminer les nappes phréatiques qui ne sont jamais très loin. C’est cette protection que permettait jusqu’à présent la Règle-95. Désormais, le pétrole en surplus va pouvoir être stocké durant 5 ans dans des gisements existants ou rouverts pour l’occasion. Une solution dangereuse sur le plan environnemental mais qui semble être la moins onéreuse selon l’industrie pétrolière. 
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