Le Quotidien d’Oran, mercredi 3 juin 2020
Akram Belkaïd, Paris
En avril dernier, quand le cours du baril de pétrole a
touché les abysses avec un prix négatif de 37,63 dollars (autrement dit c’est
le vendeur qui donnait de l’argent à l’acheteur…), on a beaucoup parlé de la
crise des capacités de stockages de l’or noir. De nombreuses télévisions
américains ont ainsi diffusé les images de plusieurs dizaines de pétroliers
mouillant au large des grands ports de la côte-ouest. Idem pour les fameuses
barges qui cabotent sans fin le long de la côte-est. Etant incapables de
trouver un endroit où entreposer ces cargaisons, nombre d’opérateurs étaient
prêts à payer pour s’en délester.
Réserves stratégiques
américaines
Certes, cette chute des cours du baril en territoire négatif
n’a pas duré. Mais elle a eu le mérite d’attirer l’attention sur la
problématique du stockage du pétrole en circulation. Dans le milieu de l’or
noir, il arrive que l’on parle des « barges fantômes » pour désigner
des tankers dont on ne sait pas exactement qui détient la cargaison. Dans
d’autres cas, ces cargaisons peuvent changer plusieurs fois de propriétaire
alors que le navire est encore en haute mer. Si la durée n’est pas trop longue,
stocker le pétrole dans un tanker est la meilleure solution en attendant de
meilleurs jours. Mais, dans les temps présents, cela s’avère trop onéreux.
Alors, il existe d’autres solutions. Sensible au sort des
compagnies pétrolières américaines, le président Donald Trump a poussé pour que
les réserves stratégiques du pays, les fameuses SPR (pour Strategic Petroleum
Reserve) puissent accepter des « dépôts » de compagnies privées.
D’une capacité de 800 millions de pétrole, les SPR sont situées dans
d’anciennes mines de sel au Texas et en Louisiane. Selon les dernières
dispositions décidées par l’administration Trump, une capacité de 23 millions
de barils sera réservée aux compagnies privées d’ici à mars 2021. Ce n’est pas
beaucoup mais c’est déjà mieux que rien.
Et le caractère accommodant de la Maison-Blanche ne s’arrête
pas puisque la fameuse « Règle 95 » va être suspendue. De quoi
s’agit-il ? Jusqu’à présent, le pétrole mais aussi le gaz naturel extraits
d’un gisement ne peuvent y être réinjecté. Cela peut étonner mais on comprend
mieux cette interdiction si on connaît la structure d’un champ pétrolier.
Contrairement à une image répandue, ce n’est pas un immense réservoir d’or noir
qui baigne dans le sous-sol. En réalité, cela ressemble à une roche poreuse,
comparable à une éponge, où est emprisonné le pétrole. C’est un état
d’équilibre liquide-solide qu’il est impossible d’obtenir si l’on réinjecte le
pétrole dans un gisement.
Menace écologique
Or, si le pétrole n’est pas « emprisonné » dans
les milliards de veines rocheuses (chose qu’une mine de sel assure plus
facilement), il pourra facilement contaminer les nappes phréatiques qui ne sont
jamais très loin. C’est cette protection que permettait jusqu’à présent la
Règle-95. Désormais, le pétrole en surplus va pouvoir être stocké durant 5 ans
dans des gisements existants ou rouverts pour l’occasion. Une solution
dangereuse sur le plan environnemental mais qui semble être la moins onéreuse
selon l’industrie pétrolière.
_
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire