Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 30 décembre 2020

La chronique du blédard : Personnels de santé et prisonniers d’opinion : femmes et hommes de l’année

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 31 décembre 2020

Akram Belkaïd, Paris

 

 

Ce soir, à minuit passé d’une seconde, il est évident que peu de gens regretteront 2020. Et ils seront nombreux à pousser un long soupir de soulagement au même instant. Bien sûr, la pandémie de Covid-19 ne sera pas pour autant terminée mais, tout de même, quelle année ! Aux maux habituels qui accablent notre monde, aux guerres, aux famines, aux coups d’États qui secouent notamment le continent africain, aux dirigeants qui s’accrochent à leur fauteuil, qui modifient la Constitution de leur pays – ou qui en font une lecture spécieuse, aux injustices et aux inégalités qui ne cessent de se creuser (Marx, revient !), s’est ajoutée cette maudite épidémie dont on ne voit toujours pas la fin et dont on ne mesure pas toutes les conséquences, qu’elles soient médicales, économiques et même politiques.

 

La mise au point de vaccins contre le virus responsable du (ou de la) Covid-19 est une excellente nouvelle. Elle permet, malgré tout, de terminer l’année avec une note d’espoir. Certains renâclent, d’autres sont persuadés que Bill Gates va pouvoir les espionner de son salon grâce à la puce qui leur aura été inoculée, mais gardons un œil sur les pays où le bon sens populaire demeure (encore) favorable à l’égard de la science et des progrès qu’elle accomplit. Eux, vont donner l’exemple et, qui sait, convaincre les sceptiques et nos bons vieux complotistes. Espérons que 2021 sera marquée par le tassement de la pandémie et par la hausse de l’immunité croisée. Espérons que les pays pauvres ne seront pas les laissés pour compte en matière de distribution de vaccins. Il n’y a pas de fatalité. Peu à peu, le cauchemar s’estompera. Mais est-ce à dire que tout sera fini et que le monde pourra revenir à ses petites affaires ? À sa normalité ?

 

Certainement pas. Ce que nous vivons actuellement est un avertissement avec frais, certes très lourds, mais qui pourraient être négligeables en comparaison de ce qui risque d’advenir dans le futur. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’autres pandémies sont à craindre. Le rythme de la mondialisation, des échanges commerciaux, la déforestation incessante qui met en contact l’être humain avec des animaux sauvages porteurs de virus jusque-là inconnus, sont des facteurs majeurs de propagation de nouvelles maladies. Croire que l’on pourra revenir à la vie normale serait faire preuve de naïveté ou d’insouciance coupable. J’ai retrouvé un petit lot de coupures de presse datant de 2003 à 2004. Ce petit dossier, je l’avais constitué durant la propagation du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) provoqué par le coronavirus SARS-CoV-1 apparu, lui aussi, en Chine.

 

A cette époque, tout ce que nous vivons aujourd’hui avait été déjà décrit. Les origines possibles de ce virus, les dégâts nés de la destruction de la nature, la nécessité pour les pays de se préparer à des pandémies majeures. Tout a été écrit mais tout a été oublié. Le SRAS fut une première alerte qui causa quelques milliers de victimes en touchant essentiellement l’Asie. Mais la mise en garde fut ignorée. Nous vivons aujourd’hui le deuxième rappel à l’ordre. Dans un monde parfait, avec des dirigeants politiques sérieux et compétents, l’urgence serait de se préparer dès maintenant à la troisième vague qui pourrait être dévastatrice. Gardons en tête que dans le malheur qui s’est abattu sur l’humanité en 2020, il y a tout de même eu un miracle : celui de la résistance de centaines de millions de jeunes personnes et d’enfants au virus. Qui peut jurer que le prochain coronavirus sera aussi « discriminant » ?

 

En fin d’année, il est de tradition de distinguer les faits saillants et les femmes et les hommes qui ont marqué les trois-cent soixante jours écoulés. Chacun a son idée et le choix est purement subjectif. Il y a un an (1), je considérais que le peuple algérien méritait le titre de personnalité de l’année 2020 (en excluant les cachiristes et les opportunistes qui nous parlent de modération ou de je ne sais quelle prostitution de l’esprit). Pour 2020, que l’on me permette d’effectuer un double choix. En premier, saluons le personnel soignant qui a été, et qui continue à l’être, au front contre le Covid-19. Respect et chapeau bas à celles et ceux qui n’ont pas hésité à faire leur travail, qui n’ont pas abandonné leur poste malgré les risques pour eux et leurs familles. Respect et chapeau bas aux soignantes et aux soignants dont les affections respiratoires et la réanimation ne sont pas leur spécialité mais qui se sont portés volontaires pour seconder leurs collègues épuisés. Hommage aussi aux disparus. Partout dans ce monde - où des politiques inconscients ont organisé la précarisation des secteurs hospitaliers, partout donc, en Algérie comme en France, des médecins, des infirmières, des personnels de salle sont morts à cause de ce virus. Sans le dévouement de ces femmes et de ces hommes, la bataille serait perdue depuis longtemps. Honneur pour elles. Honneur pour eux.

 

Mon second choix se porte sur les prisonniers d’opinion en Algérie. Le Covid-19 a hélas enrayé la mécanique du Hirak. Mais l’affaire est loin d’être terminée. Ces reclus ne sont ni des criminels ni des voyous. Ils ont montré que deux décennies de bouteflikisme n’avaient pas empêché le combat pour des convictions fut-ce au risque d’aller en prison. Nous ne le disons pas assez. Nous ne le proclamons pas assez. Il faudrait le rappeler tous les jours : les prisonniers d’opinion sont l’honneur de l’Algérie. Ils sont, eux aussi, les personnalités de l’année.  

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