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mardi 29 décembre 2020

La chronique économique : Un Dow Jones étincelant

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 9 décembre 2020

Akram Belkaïd, Paris

 

Peut-on résumer l’état d’une économie en se basant uniquement sur les performances d’un indice boursier ? La réponse, bien entendu, est négative. Personne ne nie qu’il existe une décorrélation entre les marchés financiers et ce que l’on appelle l’économie réelle. On connaît la formule : Main Street (le commerce et tout ce qui le fournit en amont) n’est pas Wall Street (la finance et la Bourse). Pour autant, ces derniers jours, le président américain sortant Donald Trump ne cesse de se prévaloir d’une « réussite économique unique » et en veut pour preuve l’état étincelant de l’indice Dow Jones, l’un des principaux indicateurs du New York Stock Excange (NYSE).

 

Une hausse de 200% en vingt ans

 

Le 24 novembre dernier, le plus ancien des indices boursiers mondiaux (il a été créé en 1884 par les journalistes Charles Dow et Edward Jones) a atteint un nouveau record en dépassant la barre des 30 000 points. L’annonce par plusieurs compagnies pharmaceutiques de la mise au point d’un vaccin contre la covid-19 a été pour beaucoup dans ce bond sans oublier le fait que les marchés semblaient accueillir favorablement la victoire électorale de Joseph Biden. Mais cela ne traduisait pas forcément une embellie économique, la pandémie ayant durement affecté les personnes et l’activité. Mais, comme toujours, les analystes se tournent vers l’avenir estimant qu’un Dow Jones à 30 000 points est une anticipation de jours meilleurs. Mais attention : anticipation est bien le mot et il ne signifie pas forcément certitude.

 

En réalité, ce niveau atteint par l’indice décrit bien la folie qui s’est emparée des marchés au cours des vingt dernières années. Certes, sa conception mathématique – évolution des titres le composant par rapport à leur valeur unitaire – fait que, dans le long terme, il ne peut que progresser. Mais souvenons-nous que le 23 mars 1999, le Dow Jones battait le record historique de 10 000 points. Autrement dit, il a donc progressé de 200 % en vingt ans. Rien, mais absolument rien ne peut justifier une telle hausse. Pour mémoire, l’année 1999 fut celle du boom euphorique des valeurs technologiques (le 14 janvier 2000, le Dow Jones atteignait un nouveau plus haut à 11 722 points). 

 

Si l’on regarde de près, cet indice, comme les autres, réagit très mal aux mauvaises nouvelles qu’elles soient d’ordre politique ou économique. Il a été affecté par la crise financière de 2008 mais, cinq ans plus tard, il battait de nouveau un record à 14 413 points grâce à la baisse constatée du chômage. Si Donald Trump peut se targuer que sa présidence a connu un Dow Jones conquérant, cela est aussi le cas de Barack Obama avec un Dow Jones atteignant 17 138 points, le 16 juillet 2014.

 

Emballement

 

Mais il est évident que les choses s’emballent. Dès l’investiture de Donald Trump, le Dow Jones franchissait pour la première fois la barre des 20 000 points (25 janvier 2017). Comme un présage puisque cette année-là, le Dow Jones a battu son record 71 fois ! (15 en 2018, 23 en 2019). Dans un pays où les pensions d’une grande partie des retraités dépendent de l’état de la Bourse tout comme, d’ailleurs, nombre de ménages qui ne cessent de renouveller leurs prêts hypothécaires, la bonne santé de Wall Street est un atout électoral. Mais cela ne dit pas tout. Un Dow Jones à 30 000 points ne dit rien de l’état des salaires qui stagnent, de l’accroissement des inégalités ou de l’incapacité de la plus grande puissance mondiale à faire face à la pandémie.

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