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Le Quotidien d’Oran, mercredi 3 mars 2021
Akram Belkaïd, Paris
Serait-ce la révolution ? En début de semaine, le président américain Joseph Biden a publié un message vidéo sur Twitter pour apporter son soutien à six mille salariés du géant du commerce électronique Amazon qui souhaitent se syndiquer. Les intéressés qui travaillent dans un entrepôt de Bessemer, près de Birmingham dans l’État de l’Alabama doivent voter à ce sujet jusqu’au 29 mars. Selon les sondages, la majorité d’entre eux seraient décidés à être rattachés au syndicat Retail, Wholesale Department Store Union (RWDSU) et cela malgré les pressions de leur employeur pour les en empêcher
Manœuvres coercitives
Pour le locataire de la Maison-Blanche, « le choix d’adhérer à un syndicat appartient aux travailleurs, point final ». Le président américain a aussi rappelé qu’aucune entreprise ne devrait intimider ou menacer ses salariés « au sujet de ses préférences syndicales ». Or, Amazon n’a pas du tout l’intention d’autoriser ce qui constituerait une première. En effet, comme d’autres grands acteurs de la distribution, le groupe ne tolère aucun syndicat et n’hésite pas à employer des moyens expéditifs, comme le licenciement immédiat, pour tuer dans l’œuf toute tentative d’en créer un. Sa direction sait que, si d’aventure, les salariés de Bessemer réussissent, cela ouvrira la voie à d’autres travailleurs d’Amazon.
La loi aux Etats-Unis est claire : les travailleurs ont le droit de se syndiquer. Mais, dans le même temps, la législation offre aux entreprises de nombreux moyens dilatoires susceptibles d’empêcher la création de syndicats. Jadis, la chose se réglait par l’irruption de gros bras qui faisaient le ménage et la chasse aux syndicalistes, souvent accusés de communisme. Aujourd’hui, d’autres moyens sont employés. Ainsi le cas de la chaîne de supermarchés Walmart qui ne tolère pas les syndicats (sauf en Chine où ses employés peuvent adhérer au syndicat contrôlé par les autorités). Walmart n’hésite pas à fermer les magasins ou bien les rayons dont les salariés se syndiquent. Ce fut le cas avec son supermarché de Jonquière au Canada qui fut définitivement fermé moins d’un an après que ses salariés eurent réussi à imposer un syndicat. Une première qui ne s’est pas répétée ailleurs.
De manière traditionnelle, le parti démocrate était favorable aux syndicats lesquels le finançaient mais ces liens se sont largement distendus depuis les années 1990 et les deux mandats de Bill Clinton (1992-2000). Ce dernier, en favorisant l’essor de la mondialisation, du libre-échange et des marchés financiers a rompu le pacte qui liait son parti aux syndicats, notamment la confédération AFL-CIO. Le ressentiment de nombre de salariés à l’égard du parti démocrate explique en partie l’émergence d’un conservatisme populaire illustré récemment par l’émergence de Donald Trump et sa capacité à attirer à lui le vote d’anciens électeurs démocrates issus des classes populaires.
Manœuvre politique
La sortie de Joseph Biden est donc une tentative évidente de recoller les morceaux et de séduire un électorat potentiel constitué par ce nouveau prolétariat employé par les géants de la « nouvelle économie » (Amazon, Google) ou par leurs devanciers comme Walmart. L’aile gauche du parti démocrate milite pour aller plus loin et exige des lois criminalisant l’interdiction de fait des syndicats. A cela s’ajoutent les revendications sur l’instauration d’un salaire minimum national, vieille demande qui n’est toujours pas exaucée faute d’accord au Congrès. Avec son soutien aux salariés d’Amazon, c’est aussi sa gauche parlementaire que le président américain tente d’amadouer.
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