Le Quotidien
d’Oran, mercredi 28 mars 2018
Akram Belkaïd,
Paris
Où en est l’économie
égyptienne alors que le président-maréchal al-Sissi est en passe de rempiler
pour un second mandat (aucun suspense en la matière) ? Un chiffre résume
la situation : 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est
pratiquement un égyptien sur deux. Et encore, cette statistique est-elle
contestée car de nombreux économistes estiment que le taux réel de pauvreté est
de 60%, notamment en raison de l’appauvrissement des niveaux inférieurs des
classes moyennes.
Dévaluation de la livre
De fait, depuis
les événements de 2011, l’économie égyptienne a subi plusieurs coups de boutoir
qui ont sapé le pouvoir d’achat de ces classes moyennes. De grands
investissements internationaux ont été reportés ou gelés, et le tourisme a été
durement touché, notamment après les attentats de 2015. Cela a eu un impact
direct sur les centaines de milliers d’emploi informels liés au secteur sans
compter le fait que de nombreux hôtels (Nil, Sinaï) ont été obligés de mettre
une partie de leur personnel au chômage technique.
La baisse du
tourisme et les incertitudes politiques ont eu un effet direct sur la balance
des paiements du pays mais aussi sur la valeur de la monnaie. La livre a subi
un mouvement de dévaluation d’envergure qui a heurté de plein fouet les ménages
d’autant que ces derniers ont subi une importante inflation (35% pour certains
produits de base en 2017). Dans ces conditions, la préoccupation essentielle de
nombre d’Egyptiens n’est pas la vie politique – laquelle est verrouillée comme
cela n’a jamais été le cas depuis le début des années 1980 – mais l’économie.
Au-delà des questions de libertés individuelles et de répression de tout type
de contestation (pas uniquement celui représenté par les Frères musulmans), ce
sont donc les questions économiques qui pèsent sur la société égyptienne. Et
c’est sur cela que le président Sissi sera jugé.
Le pays est
d’ailleurs sous thérapie du Fonds monétaire international (FMI) lequel a
octroyé 10 milliards de dollars en échange d’un grand plan d’ajustement
structurel. Cela permet au Caire de rétablir quelques grands équilibres
macro-économiques (équilibre budgétaire, balance des paiements, réserves de
change) mais sans pour autant que la population ne constate une amélioration de
sa situation. Pire, la suppression des subventions pour certains produits de
base a créé de nouveaux déséquilibres ce qui oblige l’armée, qui possède une
partie des installations économiques et industrielles (comme les boulangeries)
à compenser les effets de cette suppression pour garantir la paix sociale.
Modèle économique à trouver
A bien y
regarder de près, l’Egypte espère renouer avec les effets bénéfiques de sa
rente. Ici, il ne s’agit pas de pétrole ou de gaz (même si le pays possède
désormais d’importants gisements en off-shore qui vont lui assurer une aisance
financière nouvelle et une indépendance énergétique plus marquée) mais de
tourisme. Au-delà des discours récurrents sur les grands investissements
étrangers (pays du Golfe, Chine, Turquie) et des attentes à propos des
nouvelles villes à construire, les dirigeants égyptiens espèrent surtout que le
redémarrage du secteur touristique permettra une embellie sociale. On renoue
ici avec une vision qui prévalait sous le président Hosni Moubarak. Le tourisme
d’abord, le reste ensuite. Le reste ? Le modèle demeure à définir pour que
le pays offre des emplois à une jeunesse dont seule une infime partie est dans
la vie active (le taux de chômage officieux est de 40%).
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