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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

dimanche 20 janvier 2019

La chronique économique : Le roi charbon

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 19 décembre 2018
Akram Belkaïd, Paris

C’est, de l’avis de la majorité des spécialistes, l’ennemi principal du climat et l’une des causes essentielles, passées et actuelles, du réchauffement et de la pollution de la planète. Il est ainsi le symbole de la révolution industrielle du dix-neuvième siècle en Europe et du développement à plein régime de l’Asie au vingtième siècle. Dans un monde qui s’inquiète de l’augmentation de la température globale, on annonce donc régulièrement sa disparition au profit des hydrocarbures, du nucléaire ou des énergies renouvelables. Or, le charbon, puisque c’est de cette matière première qu’il s’agit, continue de résister.

Un rôle omniprésent

Dans son rapport annuel, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dresse un constat sans appel. En 2017, alors qu’elle avait reflué au cours des années précédentes, la demande mondiale de charbon a augmenté de 1% pour atteindre 7 585 millions de tonnes. Au-delà de l’image vieillotte qui entoure cette ressource, le charbon reste tout de même la deuxième source de consommation primaire d’énergie (27%) derrière le pétrole.  Si l’on prend toutes les catégories primaires et secondaires confondues, il représente alors 40% de la production mondiale d’énergie.

Cela ne va donc pas sans impact négatif sur le climat. Le charbon est responsable de 44% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Dans certains pays, comme l’Allemagne qui s’est rabattue sur cette énergie pour compenser l’abandon du nucléaire, la pollution due aux centrales électriques à charbon est bien plus importante que celle provoquée par l’ensemble du parc automobile en circulation. Dans ce pays, la production électrique dépend à 40% du charbon et ce secteur minier concerne 30 000 emplois directs et indirects. En clair, sortir du charbon est chose difficile pour ne pas dire impossible, du moins dans le contexte actuel.

Les observateurs relevaient d’ailleurs, non sans malice, que c’est en Pologne à Katowice, autrement dit dans un pays à charbon, que s’est tenue la Conférence des parties (COP24) sur le climat. En Pologne, la production électrique provient à 80% de l’exploitation du charbon et les efforts conjoints de Varsovie et de l’Union européenne (UE) pour faire diminuer cette consommation ne donnent guère de résultats. C’est au contraire un motif de tension puisque Bruxelles encaisse des taxes sur chaque tonne exploitée.

Mais le charbon est aussi, et surtout, une affaire asiatique. En Chine, les deux tiers de l’électricité sont produits grâce à la houille. Ce pays représente d’ailleurs 50% de la consommation mondiale. L’Inde quant à elle contribue à 12% de cette consommation mais son appétit pour le charbon ne fait qu’augmenter d’année en année. Dans les deux cas, les préventions écologiques et climatiques s’effacent derrière les exigences de l’économie. La règle est simple et connue : sans énergie, pas de croissance.

Trump est pro-charbon


L’abandon du charbon est donc un vœu pieu. C’est d’autant plus vrai que c’est une ressource très répandue puisqu’on estime que ses réserves correspondent à au moins cinq siècles de consommation. Et, contrairement au pétrole, il n’y a pas « d’Opep du charbon » puisque cette ressource est disponible un peu partout. Les États-Unis détiennent néanmoins 25% de ces réserves (16% pour la Russie) ce qui explique pourquoi le président Donald Trump veut en relancer la consommation dans son pays. Une ambition qui, comme pour d’autres secteurs, se heurte à la Chine qui entend se doter de nouvelles technologies pour assurer un leadership en matière de « charbon propre ». En attendant, les États-Unis sont, avec le Canada, le seul pays au monde où existe une installation destinée à capturer et à stocker une (modeste) partie du dioxyde de carbone (CO2) émis dans l’atmosphère.
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