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mardi 24 août 2021

La chronique économique : Le temps des « influenceurs »

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 26 mai 2021

Akram Belkaïd, Paris


C’est une affaire étrange, de celles qui enflamment les réseaux sociaux et mobilisent les analyses économiques, sociétales, politiques mais aussi géopolitiques. De quoi s’agit-il ? Des personnalités connues sur Internet ont fait savoir qu’une mystérieuse agence de communication basée à Londres – elle a disparu depuis - les aurait approchées pour qu’elles diffusent des messages critiquant le vaccin contre la Covid19 fabriqué par Pfizer/BioNTech. Léo Grasset, vulgarisateur scientifique très suivi sur Youtube (1,17 millions d’abonnés) a fait savoir qu’on lui proposait 2 000 euros pour mener une telle campagne.

Un nouveau métier

Il y a plusieurs éléments à considérer en ce qui concerne cette affaire. D’abord, on se rend compte à quel point l’économie de la communication a évolué depuis quelques années. Il fut un temps où, pour influencer le grand public, il fallait surtout s’adresser aux journalistes. La presse était – elle l’est encore mais à un degré moindre – la cible favorite des agences de communication et autres lobbyistes. S’assurer du soutien des médias, de manière licite ou pas, permettait d’atteindre son but. Aujourd’hui encore, certains pays en délicatesse avec la communauté internationale en raison de leur manque de respect des droits de la personne humaine, font appel à de telles agences de promotion. C’est le cas, par exemple, de l’Arabie saoudite.

Mais il y a désormais plus efficace que de soudoyer un journaliste en lui offrant, exemple parmi tant d’autres, un voyage de rêve sous un prétexte bidon. Il suffit de s’adresser à celles et ceux que l’on nomme les « influenceurs ». Certains d’entre eux sont de véritables vedettes du Net et sont suivis par des millions de fidèles. Leur métier est mal défini et il n’existe pas de charte éthique pour cette profession aux contours multiples. Quand une marque veut vendre un produit, elle s’adresse à un influenceur ou à une bloggeuse de renom qui en fera une réclame assumée sur Instagram ou Tik Tok, les deux lieux où sévissent le plus les influenceurs sans oublier, bien sûr, Youtube et, à un degré moindre, Facebook et Twitter.

Cela s’appelle un « partenariat » et cela ne garantit pas une véracité totale. On est dans de la publicité mais cela ne s’appelle pas ainsi car, pour se garantir un effet sur le grand public, il faut se démarquer des techniques habituelles de réclame. Donc, l’influenceur se doit de revendiquer une certaine expertise : médicale, scientifique, artistique ou en matière de mode. Dans le cas présent, l’agence de communication ayant contacté les vedettes du net, ont demandé à ce qu’elles relaient des informations affirmant que le vaccin Pfizer ferait trois fois plus de morts que le vaccin AstraZeneca, que l’Union européenne privilégierait Pfizer pour des raisons financières et que des informations importantes seraient cachées au public. Autant d’éléments qui relèvent plus d’une campagne de dépréciation que d’une volonté d’informer. Cela n’a pas marché car le « partenariat » proposé était trop opaque.

Manipulations à plusieurs effets

La géopolitique s’en est même mêlée car l’agence semble avoir été composée de personne ayant vécu ou travaillé en Russie. L’affaire a d’ailleurs très vite tourné court et les personnes ayant contacté les influenceurs sont désormais aux abonnés absents. Pourquoi la Russie voudrait-elle déstabiliser Pfizer ? Dans cette affaire, les manipulations à plusieurs bandes ne sont pas exclues (bénéficiaire d’une telle campagne si elle avait réussi, AstraZeneca est potentiellement la victime d’une savante manœuvre d’intoxication médiatique). Bref, tout cela démontre que le déclin des médias et la montée en puissance des réseaux sociaux créent des vides déontologiques qui sont exploités sans vergogne. De nombreuses générations ont grandi avec la conviction que les faits imprimés dans un journal étaient vrais. On en est revenu après moult déceptions et scandales. Aujourd’hui, les jeunes sont persuadés que les influenceurs propagent la vérité. Cela créera forcément d’autres dépits. 


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