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"C'est vrai. Certainement que le Président n'a pas souhaité qu'on le montre à ses compatriotes, alité et vêtu d'un pyjama parce que le repos absolu lui a été strictement prescrit. Il est difficile à un chef d'Etat d'un quelconque pays qui soit de se montrer à son peuple dans un état physique diminué, mal rasé ou les traits tirés. Une telle idée rebutait le Président."
Voilà ce qu'aurait déclaré un bien mystérieux responsable algérien, ayant tenu à garder l'anonymat, au journaliste Ahmed Fattani (lire ici "l'entretien"...). Autant le dire tout de suite, la référence au pyjama a bien fait rire en Algérie et le chroniqueur Chawki Amari s'en est donné à cœur joie.
Extrait de son billet lu sur Facebook à propos du "nouveau débat qui se met en place : quel type de pyjama porte le Président. Rayé, uni, aux couleurs nationales ou à celles des Invalides ? Je crois que dans les hôpitaux de France, on utilise officiellement les termes 'chemise' ou 'blouse' plutôt que pyjama. Si on ne sait pas de quoi souffre Bouteflika on sait en revanche que sa blouse d’hôpital du Val est en polyester/coton 50/50 et gratté intérieur pour le confort, que la toile est de 145 gr/m2 environ pour éviter la transparence, que la fermeture est croisée dos par pressions, que le coloris est imprimé rouge et que la thermofixation est de 180° minimum".
Mais, cette référence au pyjama n'est pas vraiment anodine. Qu'elle soit réelle ou pas, elle fait référence à un très vieil épisode de l'histoire de l'Algérie indépendante. C'était à la fin des années 1960. Houari Boumediene venait de réaliser son "ajustement révolutionnaire" mais son pouvoir était loin d'être définitivement installé. Et c'est après une tentative d'assassinat où il fut légèrement blessé que les Algériennes et les Algériennes eurent la surprise de voir leur président en pyjama à la télévision alors qu'il était à l'hôpital (précision de taille : c'était un pyjama à rayures...); Des images qui ne cadraient pas avec l'idée que l'on se faisait alors de la toute-puissance, voire de l'aura mystérieuse, de l'homme fort du régime algérien.
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Blog au fil des jours, quand la chose et l'écriture sont possibles.
Lignes quotidiennes
jeudi 30 mai 2013
mercredi 29 mai 2013
Entretien accordé à AFP TV sur la situation en Algérie
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28 mai 2013. Entretien accordé à l'AFP TV :
Cliquer sur le lien suivant : Algérie: la succession de Bouteflika sera "très ouverte"
Publiée le 28 mai 2013
28 mai 2013. Entretien accordé à l'AFP TV :
Cliquer sur le lien suivant : Algérie: la succession de Bouteflika sera "très ouverte"
Publiée le 28 mai 2013
Alors que la santé du président algérien Abdelaziz Bouteflika reste entourée de secret, l'essayiste Akram Belkaïd, spécialiste de l'Algérie, explique pourquoi le pays n'a pas connu de soulèvement
_mardi 28 mai 2013
Participation à l'émission 28' : Grand angle
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LE GRAND ANGLE DE 28’ : Pour voir l'émission
Syrie : les armes vont-elles changer la guerre ?
Alors que devrait se tenir le mois prochain, à Genève, une nouvelle conférence internationale visant à mettre fin au conflit syrien, les ministres des affaires étrangères des 27 pays membres de l’Union européenne ont décidé hier soir de « mettre fin à l’embargo sur les armes pour l’opposition syrienne et de maintenir les autres sanctions contre le régime » de Bachar al-Assad. Si aucune arme ne devrait être livrée d’ici au 1er août prochain afin de préserver l’initiative de paix russo-américaine, cette forte prise de position, impulsée par la France et la Grande-Bretagne à l’encontre du régime de Damas, devrait permettre, selon François Hollande, de renforcer « la pression militaire » afin d’aboutir à « une solution politique » en Syrie.
Elisabeth Quin, avec à ses côtés Renaud Dély et Nadia Daam, accueille pour en débattre : le journaliste et écrivain Akram Belkaïd, le photographe Laurent Van der Stockt et la journaliste franco-syrienne Hala Kodmani.
Notre « homme du monde », Juan Gomez, nous emmène ce soir à Moscou où le gouvernement russe soutient la présence de l’Iran à la prochaine conférence de paix “Genève 2“.
Bruno Gaudenzi revient dans son « Journal du Temps » sur l’invention en Europe des armes chimiques lors de la première guerre mondiale, tandis que « Désintox » se penche ce soir sur « Jean-François Copé et la baisse du pouvoir d’achat ».
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Entretien accordé à El Watan : Akram Belkaïd. Journaliste écrivain : «Il est inutile de s’inventer une autre identité»
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El Watan, mardi 28 mai 2013
El Watan, mardi 28 mai 2013
La plume d’Akram Belkaïd est acerbe et amoureuse. Dans Retours en Algérie, elle est polyphonique et paradoxalement intimiste. Qu’on se le dise, Akram Belkaïd est un optimiste multirécidiviste, un amoureux qui désespère de sa Nedjma, en continuant de l’aimer. Un homme dont la nationalité définitive est l’enfance. Un économiste qui refuse de jouer les Cassandre et qui tire la sonnette d’alarme : l’Algérie ne peut acheter indéfiniment la paix sociale en redistribuant la rente pétrolière. Son dernier livre est émouvant, poignant, mais ne se limite pas à l’émotion. Il interroge, scrute, analyse : mais où va donc l’Algérie ? A lire, vite.
-Le blédard est donc retourné au bled, après près de 14 ans d’absence. Dans quelles circonstances l’a-t-il quitté et comment s’est fait le retour ?
En fait, le livre parle de plusieurs retours. Le mien et celui d’une centaine de Français : d’anciens appelés du contingent, des pieds-noirs, leurs enfants ou des gens qui ont travaillé en Algérie juste après l’indépendance. C’est cela que je raconte dans ce récit. Pour ce qui me concerne, j’ai quitté l’Algérie en juin 1995, parce que la situation devenait intenable. J’étais déjà journaliste et il est inutile que je vous rappelle le quotidien de la presse en particulier et des Algériens en général. Le premier retour a eu lieu en 2009, puis il y a eu une succession de séjours plus ou moins courts jusqu’à ce voyage. Avec, à chaque fois, les mêmes sentiments mitigés, la joie de retrouver le pays natal, mais aussi la tristesse et la colère de voir que rien ne change ou presque… Retours en Algérie, raconte d’une certaine manière l’Algérie d’aujourd’hui, vue à travers mon regard et les questions et commentaires des participants au voyage. On apprend beaucoup sur soi-même en étant confronté au jugement de l’autre.
-Pourquoi blédard ?
Oh, c’est une vieille histoire. Cela s’est passé quelque temps après mon arrivée à Paris. J’étais dans le RER et des jeunes de banlieue qui chahutaient m’ont traité de blédard, parce que je lisais un journal algérien. Cela m’a fait rire. Quelques années plus tard, quand j’ai souhaité écrire une chronique hebdomadaire pour Le Quotidien d’Oran pour raconter la France à ma façon, le titre Chronique du blédard s’est imposé de lui-même.
-On ne quitte jamais l’Algérie. Vous avez une jolie expression : «Algérien je suis, Algérien je resterai, que je devienne tunisien par ma mère ou français par mon exil»… Pourquoi pas une addition des identités plutôt ?
Peut-être, mais on n’oublie pas le pays de son enfance. On n’oublie pas non plus son éducation. Bien sûr, on peut suivre d’autres itinéraires et on s’enrichit de ses expériences successives. Mais, à la base, je reste algérien. Algérien à ma manière, c’est-à-dire en étant le résultat de sa trajectoire de jeunesse et, encore une fois, de son éducation. C’est ainsi. Il ne sert à rien de se raconter des histoires, de se dire que l’on peut s’inventer une autre identité et de tirer un trait sur l’Algérie. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut aller de l’avant et être capable de vivre n’importe où.
-L’économiste que vous êtes n’est jamais loin. Au détour d’un paragraphe, vous dites que la distribution de la manne pétrolière trouvera très vite ses limites. Et ce jour-là, plus rien n’arrêtera la colère du peuple. Toujours aussi pessimiste ?
Ce n’est pas du pessimisme mais du réalisme. L’Algérie est un mono-exportateur d’hydrocarbures. Ses recettes stagnent, tandis que ses dépenses ne cessent de progresser. Tôt ou tard, il faudra puiser dans les réserves de change puis s’endetter. Cela devrait arriver en 2025, c’est-à-dire demain. En clair, le pouvoir n’aura plus les moyens d’acheter la paix sociale et de redistribuer une partie de la rente pétrolière. On sait sur quelles violences ce genre de situation peut déboucher. L’Algérie l’a vécu dans les années 1980 et 1990. La prochaine fois, ce sera encore plus violent et plus dévastateur. Les dirigeants algériens sont avertis.
-Vous vous êtes recueilli à Tibhirine. Ce moment est-il important pour votre pèlerinage en Algérie ?
Oui. Ce fut un grand moment, intense et émouvant. Le terrible sort des moines a traumatisé nombre d’Algériens. Aujourd’hui encore, c’est un motif de discorde, de rumeurs et d’affrontements idéologiques. Pour ma part, j’avais envie d’aller sur place et de m’y recueillir. C’était une manière de rendre hommage à des hommes qui ont partagé le terrible sort de milliers d’Algériens. Dans le livre, je raconte aussi l’émotion des membres du voyage. Nombre d’entre eux étaient pratiquants, ce qui a donné une autre dimension à ce voyage.
-Comment définiriez-vous votre livre, un carnet de route, une monographie thérapeutique, un cri d’amour, un appel au changement ?
C’est un récit de voyage. Et comme tout récit de voyage, il permet de dire ce que l’on pense au moment précis où les choses se déroulent. C’est une description, en filigrane, de l’Algérie d’aujourd’hui, de ce que peut m’inspirer son état et de ce qu’elle peut provoquer comme réminiscences. Ce n’est pas un texte politique ou même un appel au changement, dans le sens classique du terme. Si j’avais voulu écrire cela, j’aurais opté pour le pamphlet ou le brûlot contestataire. Là, le texte parle de lui-même. Il raconte un voyage au pays de l’enfance. Un voyage dans un pays de plus en plus déglingué, un pays qui souffre, mais où l’énergie de la jeunesse est impressionnante. Enfin, c’est aussi un témoignage sur un phénomène précis : en 2013, des Français peuvent voyager en Algérie en étant partout accueillis les bras ouverts. Il m’importait de le faire savoir.
Propos recueillis par Rémi Yacine.
Retours en Algérie
Editions Carnet Nord/Montparnasse, 2013.
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En fait, le livre parle de plusieurs retours. Le mien et celui d’une centaine de Français : d’anciens appelés du contingent, des pieds-noirs, leurs enfants ou des gens qui ont travaillé en Algérie juste après l’indépendance. C’est cela que je raconte dans ce récit. Pour ce qui me concerne, j’ai quitté l’Algérie en juin 1995, parce que la situation devenait intenable. J’étais déjà journaliste et il est inutile que je vous rappelle le quotidien de la presse en particulier et des Algériens en général. Le premier retour a eu lieu en 2009, puis il y a eu une succession de séjours plus ou moins courts jusqu’à ce voyage. Avec, à chaque fois, les mêmes sentiments mitigés, la joie de retrouver le pays natal, mais aussi la tristesse et la colère de voir que rien ne change ou presque… Retours en Algérie, raconte d’une certaine manière l’Algérie d’aujourd’hui, vue à travers mon regard et les questions et commentaires des participants au voyage. On apprend beaucoup sur soi-même en étant confronté au jugement de l’autre.
-Pourquoi blédard ?
Oh, c’est une vieille histoire. Cela s’est passé quelque temps après mon arrivée à Paris. J’étais dans le RER et des jeunes de banlieue qui chahutaient m’ont traité de blédard, parce que je lisais un journal algérien. Cela m’a fait rire. Quelques années plus tard, quand j’ai souhaité écrire une chronique hebdomadaire pour Le Quotidien d’Oran pour raconter la France à ma façon, le titre Chronique du blédard s’est imposé de lui-même.
-On ne quitte jamais l’Algérie. Vous avez une jolie expression : «Algérien je suis, Algérien je resterai, que je devienne tunisien par ma mère ou français par mon exil»… Pourquoi pas une addition des identités plutôt ?
Peut-être, mais on n’oublie pas le pays de son enfance. On n’oublie pas non plus son éducation. Bien sûr, on peut suivre d’autres itinéraires et on s’enrichit de ses expériences successives. Mais, à la base, je reste algérien. Algérien à ma manière, c’est-à-dire en étant le résultat de sa trajectoire de jeunesse et, encore une fois, de son éducation. C’est ainsi. Il ne sert à rien de se raconter des histoires, de se dire que l’on peut s’inventer une autre identité et de tirer un trait sur l’Algérie. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut aller de l’avant et être capable de vivre n’importe où.
-L’économiste que vous êtes n’est jamais loin. Au détour d’un paragraphe, vous dites que la distribution de la manne pétrolière trouvera très vite ses limites. Et ce jour-là, plus rien n’arrêtera la colère du peuple. Toujours aussi pessimiste ?
Ce n’est pas du pessimisme mais du réalisme. L’Algérie est un mono-exportateur d’hydrocarbures. Ses recettes stagnent, tandis que ses dépenses ne cessent de progresser. Tôt ou tard, il faudra puiser dans les réserves de change puis s’endetter. Cela devrait arriver en 2025, c’est-à-dire demain. En clair, le pouvoir n’aura plus les moyens d’acheter la paix sociale et de redistribuer une partie de la rente pétrolière. On sait sur quelles violences ce genre de situation peut déboucher. L’Algérie l’a vécu dans les années 1980 et 1990. La prochaine fois, ce sera encore plus violent et plus dévastateur. Les dirigeants algériens sont avertis.
-Vous vous êtes recueilli à Tibhirine. Ce moment est-il important pour votre pèlerinage en Algérie ?
Oui. Ce fut un grand moment, intense et émouvant. Le terrible sort des moines a traumatisé nombre d’Algériens. Aujourd’hui encore, c’est un motif de discorde, de rumeurs et d’affrontements idéologiques. Pour ma part, j’avais envie d’aller sur place et de m’y recueillir. C’était une manière de rendre hommage à des hommes qui ont partagé le terrible sort de milliers d’Algériens. Dans le livre, je raconte aussi l’émotion des membres du voyage. Nombre d’entre eux étaient pratiquants, ce qui a donné une autre dimension à ce voyage.
-Comment définiriez-vous votre livre, un carnet de route, une monographie thérapeutique, un cri d’amour, un appel au changement ?
C’est un récit de voyage. Et comme tout récit de voyage, il permet de dire ce que l’on pense au moment précis où les choses se déroulent. C’est une description, en filigrane, de l’Algérie d’aujourd’hui, de ce que peut m’inspirer son état et de ce qu’elle peut provoquer comme réminiscences. Ce n’est pas un texte politique ou même un appel au changement, dans le sens classique du terme. Si j’avais voulu écrire cela, j’aurais opté pour le pamphlet ou le brûlot contestataire. Là, le texte parle de lui-même. Il raconte un voyage au pays de l’enfance. Un voyage dans un pays de plus en plus déglingué, un pays qui souffre, mais où l’énergie de la jeunesse est impressionnante. Enfin, c’est aussi un témoignage sur un phénomène précis : en 2013, des Français peuvent voyager en Algérie en étant partout accueillis les bras ouverts. Il m’importait de le faire savoir.
Propos recueillis par Rémi Yacine.
Retours en Algérie
Editions Carnet Nord/Montparnasse, 2013.
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Participation à l'émission Les Matins de France Culture : Regards croisés sur la démocratie dans le monde arabe
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Engagement du Hezbollah dans le conflit syrien, opposition désormais déclarée entre Ennahda et les djihadistes d’Ansar al-Chouria en Tunisie, une Algérie suspendue dans l’ignorance de l’état de santé de son président et de son avenir : les lignes bougent, encore et encore, dans ce monde arabe qui a fait tant parler de lui depuis le printemps 2011…
Nouveaux fronts intérieurs et extérieurs : le moins que l’on puisse dire, c’est que deux ans après les révolutions, les armes n’ont pas partout été déposées. Quel avenir pour cette région instable ? Quand, comment et par qui la fin des guerres, des conflits, des défiances et des doutes? Dans quel état, et avec quel visage, en sortiront la démocratie, l’islam et l’identité arabe ? Nous tentons ce matin de répondre à ces questions en compagnie de 2 &minents spécialistes de la région : Hamadi Redissi, professeur de sciences politiques à Tunis et président de l’Observatoire tunisien de la Transition démocratique ; et Akram Belkaïd, journaliste spécialiste du monde arabe qui vient de publier Retours en Algérie aux éditions Montparnasse.
avec:
Hamadi Redissi : professeur de sciences politiques à Tunis, dernier ouvrage : La tragédie de l’islam moderne, Paris, Seuil, 2011
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Nouveaux fronts intérieurs et extérieurs : le moins que l’on puisse dire, c’est que deux ans après les révolutions, les armes n’ont pas partout été déposées. Quel avenir pour cette région instable ? Quand, comment et par qui la fin des guerres, des conflits, des défiances et des doutes? Dans quel état, et avec quel visage, en sortiront la démocratie, l’islam et l’identité arabe ? Nous tentons ce matin de répondre à ces questions en compagnie de 2 &minents spécialistes de la région : Hamadi Redissi, professeur de sciences politiques à Tunis et président de l’Observatoire tunisien de la Transition démocratique ; et Akram Belkaïd, journaliste spécialiste du monde arabe qui vient de publier Retours en Algérie aux éditions Montparnasse.
avec:
Hamadi Redissi : professeur de sciences politiques à Tunis, dernier ouvrage : La tragédie de l’islam moderne, Paris, Seuil, 2011
Akram Belkaïd : journaliste et essayiste, spécialiste du monde arabe et d’économie internationale, travaille avec Le Quotidien d'Oran, Afrique Magazine, Géo et Le Monde Diplomatique.
Vient de publier: Retours en Algérie (Editions Montparnasse)_
samedi 25 mai 2013
La chronique du blédard : Monde arabe, le droit aux droits plutôt que le désenchantement
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 23 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
Le drame syrien, l’incertitude politique en Egypte, le chaos libyen et les violences des salafistes en Tunisie donnent du grain à moudre à celles et ceux qui considèrent que le monde arabe est en pleine régression depuis les événements de 2011. Il est pratiquement impossible de parler de Printemps arabe sans provoquer en retour des commentaires acerbes et des répliques où il est question d’hiver ou de glaciation islamiste. Et il n’y a plus qu’en Tunisie et en Egypte où l’on continue encore à parler de révolution pour désigner les chutes de Ben Ali et de Moubarak. Ailleurs, on dirait que c’est à peine si l’on se souvient de la manière enthousiaste dont avaient été salués les soulèvements populaires.
On parle donc de désenchantement, de déception et même d’échec. Quelques charlatans en mal de médiatisation affirment que l’affaire ne serait finalement, pardon pour ce terme, qu’une « cocufication » des naïfs qui ont cru que le monde arabe s’ébrouait en sortant enfin de la longue période de léthargie qui a suivi les indépendances. Ne parlons pas non plus des adeptes de la théorie du complot qui nous assurent que le Qatar, confetti dont la superficie est égale à la Corse et dont on serait bien en peine de citer ne serait-ce qu’un stratège politique de renom, est à la manœuvre d’une gigantesque manipulation encore plus tortueuse qu’une intrigue de Dan Brown…
Dans le même temps, quelques personnalités qui s’étaient largement compromises avec les dictateurs déchus en profitent pour refaire leur réapparition. L’air de rien, ils jouent leur petite partition, laissant entendre que, finalement, les choses n’étaient pas si mauvaises sous Ben Ali ou Moubarak et que le monde aurait mieux fait de les prendre au sérieux quand ils affirmaient que c’est Al Qaeda qui entretenait l’agitation à Sidi Bouzid ou sur la place Tahrir. De même, les intellectuels, ou considérés ainsi, qui ne pipaient mot hier pour défendre les droits de l’homme dans leurs pays, se révèlent être aujourd’hui les plus grands adversaires médiatiques des islamistes.
Bien entendu, il n’est pas question de nier la réalité. Oui, le monde arabe va mal. Résurgence de la violence islamiste, conflits confessionnels entre sunnites et chiites, graves difficultés économiques : le panorama est des plus sombres et cela vaut aussi pour les pays qui se prétendent être des exceptions alors qu’ils ne font que différer les inévitables explosions sociales qui les guettent. Pour autant, il convient de rappeler certaines choses afin de faire raison garder. D’abord, l’histoire n’est pas une connexion à haut débit et il n’existe pas de révolution de type ADSL. A ce sujet, faut-il répéter, encore et encore, que les changements politiques s’inscrivent dans le temps long. Que, par exemple, la Révolution française a été suivie par des épisodes peu glorieux et qu’il a fallu plus d’un siècle pour que la France s’installe dans un régime républicain durable. On peut même considérer que ce pays ne s’est arrimé à la démocratie qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale voire même en 1981 quand la gauche a définitivement accepté de respecter les institutions de la V° République (laquelle a d’ailleurs connu au moins une tentative de coup d’Etat militaire…). En clair, les transitions politiques courtes et heureuses n’existent pas.
Ensuite, il est important de comprendre que le découragement est dangereux. C’est lui qui amène au pouvoir les sauveurs habillés du costume d’hommes providentiels et qui se transforment très vite en tyrans. Ce n’est pas parce que la route se rétrécit qu’il ne faut plus penser au but du voyage. Il est ainsi malheureux de revoir réapparaître des discours sur la prétendue incapacité des Arabes, ou des musulmans, à vivre en démocratie. Il est triste de voir que c’est un discours désabusé pour ne pas dire cynique qui a pris le dessus. Or, c’est le moment où jamais de continuer à réclamer son dû et de défendre des idéaux de liberté et de dignité comme le font les activistes tunisiens et égyptiens qui, eux au moins, continuent d’y croire.
Le renoncement est tel que même le terme démocratie provoque des grincements de dents. Il est vrai que l’Occident ne facilite pas les choses, lui qui aide en Syrie ceux qu’il bombarde au Mali et en Afghanistan, cela, bien sûr, au nom de la démocratie… Parlons alors, comme le proposent de nombreux intellectuels du Sud, de « droit aux droits ». Al-Haq lil houqouq... Ne relâchons pas la pression pour le réclamer et défendons l’idée qu’aucune circonstance, fut-elle exceptionnelle, ne peut priver les peuples de leurs droits les plus élémentaires, lesquels ne se résument pas uniquement à celui de manger, comme le disait en son temps Jacques Chirac aux Tunisiens...
Oublions donc un peu la démocratie, ses limites et, surtout, la manière dont elle est dévoyée dans nos pays avec ses fausses joutes électorales et son formalisme parlementaire qui ne sert à rien si ce n’est à offrir une chambre d’enregistrement. Quelle que soit la formation politique qui s’installe au pouvoir, parlons d’Etat de droit, de neutralité de la justice, d’institutions indépendantes du pouvoir exécutif, de contre-pouvoirs systématiques à toute autorité publique. Et, puisque la période est propice au bouillonnement intellectuel, ne différons aucun débat et n’ayons pas peur d’aborder les questions qui fâchent à l’image du droit à choisir sa religion ou sa sexualité. En un mot, il serait dommage que l’ébullition née du Printemps arabe retombe brutalement parce que l’histoire refuse d’accélérer le pas
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vendredi 24 mai 2013
Un article d'Algérie-Focus sur les relations algéro-marocaines
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Un article d'Algérie-Focus à propos des relations algéro-marocaines avec citations d'Akram Belkaïd
Algérie - Maroc : la tragédie économique
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Un article d'Algérie-Focus à propos des relations algéro-marocaines avec citations d'Akram Belkaïd
Algérie - Maroc : la tragédie économique
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mercredi 22 mai 2013
mardi 21 mai 2013
Entretien accordé à H24Infos : La "paix froide" va continuer» entre le Maroc et l'Algérie
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Akram Belkaïd est journaliste et essayiste algérien. Il vient de publier Retours en Algérie (Editions Carnetsnord, mai 2013). Il travaille avec Le Quotidien d'Oran, Afrique Magazine, Géo et Le Monde Diplomatique. Au fait des arcanes du pouvoir algérien, il livre à H24info son analyse de la crise politique traversée par l’Algérie à cause de la maladie et des rumeurs de décès du Président algérien. Il explique aussi ce qu’un éventuel décès de Bouteflika pourrait avoir comme impact sur les relations entre les deux frères ennemis.
Comment interpréter les informations contradictoires, entre version officielle et information de presse sur l’Etat de santé du président Algérien ?
C'est une chose habituelle, propre au système algérien. A la fin des années 1970, il avait fallu plusieurs mois avant que les autorités ne reconnaissent la maladie du président Boumediene. Aujourd'hui, ces éléments contradictoires démontrent à quel point le système algérien préfère le silence et refuse la transparence. D'ailleurs, la règle en la matière est simple : ceux qui savent se taisent et ceux qui parlent sont ceux qui ne savent rien. Je pense aussi qu'il y a un flottement au sommet de l'Etat sur la manière dont doivent être organisées les choses pour la suite.
Si jamais Bouteflika décède. Que prévoit la constitution algérienne ? Que risque-t-il de se passer ?
La Constitution prévoit qu'il y aura un intérim assuré par Abdelkader Bensalah, le Président du Conseil de la Nation. Cela durera le temps que de nouvelles élections soient convoquées. Quant à savoir ce qui va se passer, personne n'est capable de le prévoir aujourd'hui. Une chose est certaine, le système algérien va faire en sorte que le formalisme soit respecté et que le processus électorale présente toutes les garanties de validité. Quant à savoir ce qui va se passer en coulisse... J'imagine qu'il y aura un "beauty contest" entre divers candidats...
Qui préside aux affaires de l’Etat algérien pendant la période de maladie du président ?
L'exécutif n'a pas cessé de fonctionner car, ne l'oublions pas, cela fait déjà plusieurs années que le président algérien est malade et diminué. En fait, le système fonctionne par à-coup. Les décisions ordinaires sont prises au quotidien mais rien n'est décidé pour les grands dossiers. C'est cela qui est inquiétant. L'Algérie fait du surplace même si sa bonne santé financière donne le change.
Quel impact le décès de Bouteflika pourrait-il avoir sur les relations maroco-algériennes ?
Il n'est pas sûr qu'il y aura un impact immédiat. Le successeur de Bouteflika devra d'abord faire face à nombre d'enjeux internes et je le vois mal prendre une initiative majeure à destination du Maroc. Le scénario d'une "paix froide" telle qu'elle existe depuis plusieurs décennies est le plus probable même si une grande surprise est possible. De toutes les façons, ce n'est pas un seul homme, aussi puissant soit-il, qui changera la donne. Il faudrait que deux élans, algérien et marocain, se rencontrent.
Les médias internationaux pronostiquent l’arrivée d’une aile dure aux commandes de l’Algérie si le président, considéré comme un des derniers représentants de l’ancienne garde, venait effectivement à mourir ?
Dès qu'il s'agit d'Algérie, nombre de médias étrangers aiment à imaginer des scénarii catastrophiques. Certes, le risque d'une succession heurtée est là. Mais, c'est aussi un pays qui a vu pire notamment durant les années 1990. La société algérienne n'a pas envie de revenir à des temps difficiles où elle serait privée de la relative aisance dont elle bénéficie. Peut-être que l'arrivée au pouvoir d'un représentant de la génération post-Guerre d'Algérie aidera à faire évoluer le système politique en place depuis l'indépendance. Il y a urgence à faire face aux grands défis de l'Algérie : santé, éducation, diversification de l'économie.
Y’aura-t-il un changement dans la gestion par l’Algérie du dossier du Sahara et sur la question de l’ouverture des frontières entre les deux pays dans ce cas ?
Sur le Sahara, il ne faut pas s'attendre à des changements sauf à imaginer un rapprochement spectaculaire entre l'Algérie et le Maroc. Alger continuera de défendre l'option du référendum d'autodétermination. Par contre, on peut imaginer un geste de détente à propos de la frontière mais, là aussi, cela passera nécessairement par une négociation globale. Et, à ce sujet, les déclarations récentes de certains politiciens marocains parlant de recours à la force pour reprendre certaines villes a eu un effet des plus déplorables. La situation entre nos deux pays est déjà difficile, il est complètement irresponsable d'en rajouter !
Propos recueillis par Z.C.
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Qu'est-ce qui pourrait changer entre le Maroc et l'Algérie si le président Bouteflika décède? L'Algérie, qui fait face à des défis internes, ne risque pas de chambouler sa diplomatie. Akram Belkaïd, journaliste algérien, nous livre son analyse.
Akram Belkaïd est journaliste et essayiste algérien. Il vient de publier Retours en Algérie (Editions Carnetsnord, mai 2013). Il travaille avec Le Quotidien d'Oran, Afrique Magazine, Géo et Le Monde Diplomatique. Au fait des arcanes du pouvoir algérien, il livre à H24info son analyse de la crise politique traversée par l’Algérie à cause de la maladie et des rumeurs de décès du Président algérien. Il explique aussi ce qu’un éventuel décès de Bouteflika pourrait avoir comme impact sur les relations entre les deux frères ennemis.
Comment interpréter les informations contradictoires, entre version officielle et information de presse sur l’Etat de santé du président Algérien ?
C'est une chose habituelle, propre au système algérien. A la fin des années 1970, il avait fallu plusieurs mois avant que les autorités ne reconnaissent la maladie du président Boumediene. Aujourd'hui, ces éléments contradictoires démontrent à quel point le système algérien préfère le silence et refuse la transparence. D'ailleurs, la règle en la matière est simple : ceux qui savent se taisent et ceux qui parlent sont ceux qui ne savent rien. Je pense aussi qu'il y a un flottement au sommet de l'Etat sur la manière dont doivent être organisées les choses pour la suite.
Si jamais Bouteflika décède. Que prévoit la constitution algérienne ? Que risque-t-il de se passer ?
La Constitution prévoit qu'il y aura un intérim assuré par Abdelkader Bensalah, le Président du Conseil de la Nation. Cela durera le temps que de nouvelles élections soient convoquées. Quant à savoir ce qui va se passer, personne n'est capable de le prévoir aujourd'hui. Une chose est certaine, le système algérien va faire en sorte que le formalisme soit respecté et que le processus électorale présente toutes les garanties de validité. Quant à savoir ce qui va se passer en coulisse... J'imagine qu'il y aura un "beauty contest" entre divers candidats...
Qui préside aux affaires de l’Etat algérien pendant la période de maladie du président ?
L'exécutif n'a pas cessé de fonctionner car, ne l'oublions pas, cela fait déjà plusieurs années que le président algérien est malade et diminué. En fait, le système fonctionne par à-coup. Les décisions ordinaires sont prises au quotidien mais rien n'est décidé pour les grands dossiers. C'est cela qui est inquiétant. L'Algérie fait du surplace même si sa bonne santé financière donne le change.
Quel impact le décès de Bouteflika pourrait-il avoir sur les relations maroco-algériennes ?
Il n'est pas sûr qu'il y aura un impact immédiat. Le successeur de Bouteflika devra d'abord faire face à nombre d'enjeux internes et je le vois mal prendre une initiative majeure à destination du Maroc. Le scénario d'une "paix froide" telle qu'elle existe depuis plusieurs décennies est le plus probable même si une grande surprise est possible. De toutes les façons, ce n'est pas un seul homme, aussi puissant soit-il, qui changera la donne. Il faudrait que deux élans, algérien et marocain, se rencontrent.
Les médias internationaux pronostiquent l’arrivée d’une aile dure aux commandes de l’Algérie si le président, considéré comme un des derniers représentants de l’ancienne garde, venait effectivement à mourir ?
Dès qu'il s'agit d'Algérie, nombre de médias étrangers aiment à imaginer des scénarii catastrophiques. Certes, le risque d'une succession heurtée est là. Mais, c'est aussi un pays qui a vu pire notamment durant les années 1990. La société algérienne n'a pas envie de revenir à des temps difficiles où elle serait privée de la relative aisance dont elle bénéficie. Peut-être que l'arrivée au pouvoir d'un représentant de la génération post-Guerre d'Algérie aidera à faire évoluer le système politique en place depuis l'indépendance. Il y a urgence à faire face aux grands défis de l'Algérie : santé, éducation, diversification de l'économie.
Y’aura-t-il un changement dans la gestion par l’Algérie du dossier du Sahara et sur la question de l’ouverture des frontières entre les deux pays dans ce cas ?
Sur le Sahara, il ne faut pas s'attendre à des changements sauf à imaginer un rapprochement spectaculaire entre l'Algérie et le Maroc. Alger continuera de défendre l'option du référendum d'autodétermination. Par contre, on peut imaginer un geste de détente à propos de la frontière mais, là aussi, cela passera nécessairement par une négociation globale. Et, à ce sujet, les déclarations récentes de certains politiciens marocains parlant de recours à la force pour reprendre certaines villes a eu un effet des plus déplorables. La situation entre nos deux pays est déjà difficile, il est complètement irresponsable d'en rajouter !
Propos recueillis par Z.C.
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lundi 20 mai 2013
A propos de Bouteflika : Non, rien de rien, je ne sais rien !
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L'une des caractéristiques du système algérien quand viennent les turbulences est de gagner du temps. A tout prix. Il faut donc multiplier les diversions, lancer des rumeurs, convoquer les excellents relayeurs de rumeurs, distiller les fausses-vraies informations en attendant de trouver une solution qui arrange tout le monde.
Non, je ne sais pas où en est Bouteflika. Je ne sais pas s'il est à Paris, à Alger ou s'il a déjà rejoint le Créateur. Que l'on me permette de ne rien croire de ce qui est écrit à Alger comme à Paris... Que l'on me permette de faire mentir cette règle qui veut qu'en Algérie, celui qui sait se tait et celui qui parle, ne sait rien ou manipule. Moi, je ne sais rien et je préfère me taire...
Ah, parmi les agités du moment, il y en a qui m'avait juré en 2008 que Bouteflika était mort et qu'il fallait absolument balancer "l'info" sur le net. Hum...
Prudence, prudence. Une info, c'est deux sources indépendantes. Pas un gars qui vous appelle sous le sceau d'un soi-disant secret...
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L'une des caractéristiques du système algérien quand viennent les turbulences est de gagner du temps. A tout prix. Il faut donc multiplier les diversions, lancer des rumeurs, convoquer les excellents relayeurs de rumeurs, distiller les fausses-vraies informations en attendant de trouver une solution qui arrange tout le monde.
Non, je ne sais pas où en est Bouteflika. Je ne sais pas s'il est à Paris, à Alger ou s'il a déjà rejoint le Créateur. Que l'on me permette de ne rien croire de ce qui est écrit à Alger comme à Paris... Que l'on me permette de faire mentir cette règle qui veut qu'en Algérie, celui qui sait se tait et celui qui parle, ne sait rien ou manipule. Moi, je ne sais rien et je préfère me taire...
Ah, parmi les agités du moment, il y en a qui m'avait juré en 2008 que Bouteflika était mort et qu'il fallait absolument balancer "l'info" sur le net. Hum...
Prudence, prudence. Une info, c'est deux sources indépendantes. Pas un gars qui vous appelle sous le sceau d'un soi-disant secret...
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vendredi 17 mai 2013
La chronique du blédard : Le PSG, les ultras, les jeunes de banlieue et le drapeau algérien
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 16 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
Les désordres et violences qui ont accompagné la célébration du titre de champion de France de football du Paris Saint-Germain n’ont rien d’étonnant. Tout cela était même prévisible pour qui connaît l’histoire de ce club. Ainsi, il était évident que les groupes d’« ultras » allaient profiter de l’occasion pour clamer tout le mal qu’ils pensent de l’évolution récente de cette formation et dénoncer les relations difficiles qu’elle entretient avec ses supporters les plus turbulents. Comme cela a été fait dans les années 1980, lors de la lutte contre le hooliganisme en Grande-Bretagne, le PSG a décidé de « pacifier » ses tribunes et d’en interdire l’accès aux fauteurs de troubles. Une transformation qui a été entamée avant son rachat par les Qataris et que ces derniers ont renforcée. Or, depuis plusieurs mois, les ultras critiquent avec virulence le glissement « bling-bling » du club, exigent le retour de leurs tribunes réservées et s’indignent vis-à-vis de ce qu’ils considèrent comme une remise en cause de l’identité historique de leur équipe avec, par exemple, la modification du logo ou des slogans du PSG. Cela sans oublier la disparition de la date de sa création sur les blasons et autres fanions officiels. Les « festivités » du Trocadéro, lundi 13 mai, leur ont donc offert une opportunité en or de se faire entendre et il ne fait nul doute que ces radicaux recommenceront à la prochaine occasion.
Bien entendu, il n’y avait pas que les ultras, une partie de ces derniers ayant même nié être à l’origine des violences et des destructions tout autour du Trocadéro et de la Tour Eiffel. L’événement a aussi attiré de nombreuses bandes venues des banlieues ou des cités populaires de la capitale. Bagarres entre groupes rivaux, agressions contre des touristes, saccages de cafés et de commerces, affrontements avec la police, voitures brûlées : nous avons eu droit à un remake de nombre de dérapages passés qu’il s’agisse des attaques contre les cortèges de lycéens qui dénonçaient un projet de réforme du gouvernement Villepin (le CPE) ou des règlements de compte à la Gare du nord. C’est d’ailleurs devenu une habitude. Qui dit évènement à Paris dit grands risques de violences contre les personnes et les infrastructures surtout si cet événement est festif. C’est ce que ne cesse de répéter le personnel urgentiste et hospitalier de la ville. Qu’il s’agisse du réveillon du 31 décembre, de la fête de la musique ou des bals du 14 juillet, à chaque fois les blessés sont nombreux et les forces de l’ordre sont sur les dents et obligées de courser des bandes aussi mobiles que déterminées à en découdre. Désormais, on voit même la police intervenir en amont, c'est-à-dire dans les gares de banlieues, pour empêcher les casseurs de fondre sur Paris.
Dans ces colonnes, il a souvent été question du syndrome du jeune à capuche. Ce qui s’est passé lundi dernier ne va pas changer le caractère négatif de la perception générale même s’il faut rappeler que, de tout temps, la banlieue a été accusée de vouloir mettre Paris à feu et à sang. Car, avant le jeune à capuche, on parlait, en mal, des « apaches », des « rouges » et des « blousons noirs » et tout ce beau monde était rarement bronzé… Il reste que le comportement d’une partie de la jeunesse des banlieues, en clair des Noirs et des Maghrébins, va encore servir à stigmatiser toutes les minorités visibles. On l’a bien senti dans les discours et analyses qui ont suivi les débordements. Bien sûr, la droite a eu beau jeu de mettre en avant la responsabilité de la Préfecture de police ainsi que celle du ministre de l’Intérieur. La gauche, elle, a essayé de mettre sur le grill la direction du club et donc les Qataris accusés d’avoir voulu mettre en scène une carte postale avec leur équipe et la tour Eiffel en arrière-plan. Mais la petite musique qui s’est imposée au fil des heures concernait la banlieue et ses populations dites à problèmes. Dans ce genre de circonstances, il est toujours difficile de garder son calme mais aussi de rester lucide. On sent bien que l’amalgame est fait et que, pour nombre de commentateurs ce gerne de dérapage est l’occasion idéale pour mettre tous les Maghrébins et les Noirs (qu’ils soient Antillais ou sub-sahariens) en accusation. Et une telle mauvaise foi et un tel opportunisme provoquent des crispations qui empêchent toute réflexion commune et apaisée pour que la société française fasse échec à ces excès.
Par ailleurs, pendant les affrontements, des abrutis, car comment les nommer autrement, ont grimpé sur des échafaudages et quelques-uns d’entre eux ont déployé un drapeau algérien. On sait que ce genre d’exhibition n’est pas rare. On l’a vu le soir de l’élection de François Hollande (ou de Jacques Chirac en 2002…). On le voit lors de n’importe quel grand match de football européen comme, mardi soir, pendant la rencontre entre Arsenal et Wigan. L’on pourrait même y consacrer un long montage avec quelques scènes surprenantes comme ce drapeau algérien déployé lors d’une rencontre de hockey-sur-glace en Amérique du nord ou pendant un tournoi de Golfe en Australie. « Les Algériens… partout » : comme le proclame une adaptation algérienne du tube planétaire Gangnam Style, le message est clair et peut faire sourire.
Par contre, ce drapeau déployé sur un échafaudage et cadré par toutes les caméras alors que se déroulaient les saccages au pied du Trocadéro, était une manifestation de bêtise. A quoi cela rimait-t-il si ce n’est à mettre les Algériens dans la gêne et à conforter l’idée qu’ils sont responsables de ce genre de débordements ? C’est une manière de clamer son attachement au pays, disent celles et ceux qui défendent ce genre d’acte ou qui, pour être plus précis, refusent de le critiquer publiquement car, selon eux, cela contribuerait à renforcer le racisme et l’islamophobie ambiants. Or, en réalité, ce qui fait plaisir à Marine et à ses compères, c’est bien ce genre de provocation, cette manière de dire à la société française : « on est ici et on vous em… ». Que cette jeunesse d’origine algérienne se sente des liens forts avec le pays de ses pères n’a rien de problématique. Mais, qu’elle révulse une partie - non négligeable - de la population française (et pas simplement celle qui vote à droite ou à l'extrême-droite) en exhibant le drapeau algérien en toutes circonstances, surtout les plus pénibles, n’est pas acceptable.
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jeudi 16 mai 2013
La chronique économique : La mondialisation heureuse et le drame de Rana Plaza
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Le Quotidien d'Oran, mercredi 15 mai 2013
Le Quotidien d'Oran, mercredi 15 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
Heureuse, la mondialisation ? Cela dépend pour qui comme en témoigne la tragédie qui vient de se dérouler au Bangladesh avec l’effondrement d’un bâtiment de neuf étages abritant une usine textile à Savar, près de la capitale Dacca. Le bilan de cette catastrophe est lourd : Au moins 1127 morts sur les 3500 employés de ce complexe appelé Rana Plaza. On sait que de nombreux travailleurs ont alerté leurs supérieurs sur l’apparition de fissures dans le bâtiment mais que ces derniers leur ont imposé de continuer leur labeur.
Les profits contre la sécurité
Bien entendu, la responsabilité directe de ce drame incombe aux propriétaires de cette usine, des Bangladais qui se sont enrichis grâce à la sueur de leurs compatriotes, payés une misère et obligés de travailler dans des conditions pires que ce que décrivait Dickens dans ses romans à propos de l’Angleterre industrielle du 19ème siècle. La règle d’or de ces esclavagistes est simple : la réduction maximale des coûts garantit les plus gros bénéfices. Du coup, ils rognent sur les dépenses de sécurité, de formation et d’hygiène. Et cette situation n’est pas propre au Bangladesh, pays qui est le deuxième exportateur mondial de textile avec des recettes annuelles de près de 30 milliards de dollars (80% des exportations du Bengladesh). En Chine comme dans n’importe quel pays du sud-est asiatique mais aussi en Afrique subsaharienne, il existe des millions d’usines dangereuses pour leurs propres employés.
Dans le cas du textile, les donneurs d’ordre se trouvent essentiellement en Occident. Depuis la catastrophe de Dacca, c’est à qui rivalisera en déclaration de bonnes intentions. Ainsi, la société suédoise H&M a-t-elle promis de revoir les conditions de sécurité de ses fournisseurs en ayant recours à des inspections indépendantes. Que ne l’a-t-elle fait avant ! Il faut savoir aussi que tous les grands noms du textile mais aussi les chaînes de distribution comme Wal Mart ou Carrefour sont présents au Bengladesh. La question est simple : à qui ces symboles de la mondialisation vont-ils faire croire qu’ils ignoraient les conditions de travail dans ces usines ? Cela fait plusieurs décennies que les syndicats et les ONG tirent la sonnette d’alarme à propos de cette question. En vain.
A ce sujet, on peut revenir en arrière à la fin des années 1990 quand se négociait la libéralisation totale du commerce mondial du textile. A l’époque, le discours des grands donneurs d’ordre était que cette ouverture allait profiter aux pays pauvres car cela allait leur offrir des revenus supplémentaires. Ces mêmes acteurs s’étaient alors engagés à prévenir tout dumping social et à faire en sorte que les conditions minimales d’hygiène et de sécurité soient respectées chez leurs fournisseurs. De belles promesses…
Des salaires dérisoires
La question de la responsabilité des donneurs d’ordre se pose aussi quant aux salaires de misère payés par l’industrie textile du Bangladesh. Trente euros, c’est le salaire mensuel moyen versé dans les quelques 4 500 usines dans les alentours de Dacca. C'est-à-dire le prix de vente d’un tee-shirt dans un magasin en Europe ou en Amérique du nord… Cela donne une indication sur les marges réalisées par les grandes marques de vêtements et de distribution. Pour elles, la mondialisation est bien plus heureuse qu’elle ne l’a été pour les victimes de la catastrophe de Rana Plaza… Pourtant une chose certaine : une revalorisation des salaires ainsi qu’une amélioration des conditions de travail des employés du textile au Bangladesh ne pénalisera guère les profits de l’industrie textile mondiale pas plus qu’elle n’entamera les dividendes de ses actionnaires.
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dimanche 12 mai 2013
Tunisie : En attendant la nouvelle République
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Dimanche 7 avril 2013. La perspective matinale qui se dessine du haut de la colline de Sidi Bou Saïd est époustouflante mais elle inquiète aussi. Sur la gauche, vers l’ouest, le bleu azur de la baie de Radès scintille sous un soleil printanier déjà vigoureux. Sur la droite, vers le sud et l’est, de gros nuages noirs s’accumulent en un mur au-dessus de Tunis et semblent avertir que l’éclaircie ne durera pas. Quelques heures plus tard, un véritable déluge s’abattra sur la capitale tunisienne. Un signe du ciel sur ce qui nous attend, diront alors plusieurs Tunisois, oubliant qu’à peine deux années plus tôt ils auraient commenté autrement ce caprice de la météo, saluant une pluie bienfaitrice pour l’agriculture et pour des nappes phréatiques bien malmenées par le tourisme de masse. Mais là, cette pluie a fait bruyamment soupirer car ressentie comme une nouvelle déconvenue à ajouter à une liste de déboires déjà très longue. Bien moins négatifs, des activistes présents aux tables-rondes organisées par le Festival Al Kalimat et le Marathon des mots préféreront retenir de cette journée le magnifique arc-en-ciel qui suivra ces précipitations. « C’est une période extraordinaire pour la Tunisie, relève ainsi l’avocate et activiste démocrate Dalila Ben MBarek MSaddek. Tout est possible pour ce pays, le pire comme le meilleur et je crois au meilleur. Nous avons suffisamment de ressources pour y arriver. Je ne regrette qu’une seule chose. C’est de ne pas être entrée en politique avant la révolution ».
Akram Belkaïd, à Tunis
La suite de l'article est à lire dans le numéro du mois de mai 2013 d'AFRIQUE MAGAZINE.
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Dimanche 7 avril 2013. La perspective matinale qui se dessine du haut de la colline de Sidi Bou Saïd est époustouflante mais elle inquiète aussi. Sur la gauche, vers l’ouest, le bleu azur de la baie de Radès scintille sous un soleil printanier déjà vigoureux. Sur la droite, vers le sud et l’est, de gros nuages noirs s’accumulent en un mur au-dessus de Tunis et semblent avertir que l’éclaircie ne durera pas. Quelques heures plus tard, un véritable déluge s’abattra sur la capitale tunisienne. Un signe du ciel sur ce qui nous attend, diront alors plusieurs Tunisois, oubliant qu’à peine deux années plus tôt ils auraient commenté autrement ce caprice de la météo, saluant une pluie bienfaitrice pour l’agriculture et pour des nappes phréatiques bien malmenées par le tourisme de masse. Mais là, cette pluie a fait bruyamment soupirer car ressentie comme une nouvelle déconvenue à ajouter à une liste de déboires déjà très longue. Bien moins négatifs, des activistes présents aux tables-rondes organisées par le Festival Al Kalimat et le Marathon des mots préféreront retenir de cette journée le magnifique arc-en-ciel qui suivra ces précipitations. « C’est une période extraordinaire pour la Tunisie, relève ainsi l’avocate et activiste démocrate Dalila Ben MBarek MSaddek. Tout est possible pour ce pays, le pire comme le meilleur et je crois au meilleur. Nous avons suffisamment de ressources pour y arriver. Je ne regrette qu’une seule chose. C’est de ne pas être entrée en politique avant la révolution ».
Akram Belkaïd, à Tunis
La suite de l'article est à lire dans le numéro du mois de mai 2013 d'AFRIQUE MAGAZINE.
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vendredi 10 mai 2013
La Fouine à l'IMA...
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La Fouine invité à l'IMA par Jack Lang : ça recommence ! Rap et Tag. Comment folkloriser la culture arabe ? Passer de Darwich à La Fouine...
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La Fouine invité à l'IMA par Jack Lang : ça recommence ! Rap et Tag. Comment folkloriser la culture arabe ? Passer de Darwich à La Fouine...
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La chronique du blédard : Du système de santé, de l’échec de l’Algérie indépendante et de sa refondation
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 9 mai 2013
Le Quotidien d'Oran, jeudi 9 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
L’hospitalisation à Paris d’Abdelaziz Bouteflika n’a pas fini de faire réagir les Algériens. Il y a d’abord les questions plus que légitimes qu’elle pose à propos de la capacité du chef de l’Etat à assumer sa mission voire à briguer ce fameux quatrième mandat présidentiel. A cet égard, il est effarant de voir à quel point ce sujet est évacué du débat public où, encore une fois, seuls les réseaux sociaux et la presse jouent leur rôle tandis que la classe politique – appelons-la ainsi même si c’est lui faire beaucoup d’honneur – rivalise en mutismes gênés ou en déclarations serviles de soutien à l’intéressé. Dans un pays normal, avec une société consciente des enjeux du moment, qu’ils soient internes ou externes, les incertitudes à propos du président devraient pourtant générer des analyses en boucle. Au lieu de cela, c’est le silence radio et on se croirait revenu à l’époque de la maladie de Houari Boumediene où tout le monde ou presque avait fini par être au courant sans que personne n’ose en parler publiquement…
Nombreux sont les Algériens qui n’admettent pas le fait que leur président soit soigné à l’étranger, et plus spécialement en France alors que tant de leurs compatriotes endurent le martyr dans les hôpitaux du pays quand ils n’y laissent pas tout simplement la vie faute de soins ou d’équipements adéquats cela sans parler d’une hygiène des plus déplorables. La colère et l’indignation des Algériens – car c’est bien de cela qu’il s’agit – sont donc compréhensibles. En effet, comment leur donner tort quand on sait la misère et la crasse dans laquelle s’est enfoncé le système de santé public algérien ? Mais ce n’est pas tant le fait que Bouteflika se soigne à l’étranger qui devrait déranger et provoquer des polémiques. Après tout, nombreux sont les chefs d’Etats, y compris occidentaux, qui se déplacent hors de chez eux pour bénéficier de l’avis des meilleurs spécialistes et traitements mondiaux. Admettons donc qu’il s’agit-là de l’un des nombreux privilèges de la fonction présidentielle. En réalité, le vrai problème dans l’affaire, c’est la sombre situation du système algérien de santé publique. Une situation qui n’est rien d’autre que l’un des échecs majeurs de cette Algérie qui fête le cinquantième anniversaire de son indépendance.
A la suite de ce qui précède, on pourrait se précipiter pour mettre en accusation les responsables de cette triste situation où, exemple parmi tant d’autres, il faut avoir de l’argent et de l’épaule pour espérer être convenablement soigné. Pour autant, il est d’abord nécessaire de convenir qu’il y a bien échec de l’Algérie en la matière. Or, chose curieuse, c’est tout sauf évident. Ne parlons pas de la voix officielle qui nie complètement le problème. Pour elle, tout va très bien et l’Algérie est un pays envié et admiré par des milliards de terriens… Délabrement des hôpitaux publics, agonie organisée de la médecine gratuite, pratiques indues des cliniques privées, conflits d’intérêts chez des mandarins accrochés à leurs postes depuis des décennies (et ayant dégoûté des générations entières de jeunes médecins), déversement de médicaments contrefaits grâce à la libéralisation du commerce extérieur, voilà autant de dossiers qui alimentent pourtant la chronique et qui prouvent que l’idée d’une bonne médecine pour tous a vécu comme tant d’autres idéaux de l’indépendance.
Il est donc effarant, pour ne pas dire plus, de voir nombre d’Algériens nier la réalité de cet échec majeur. Dans les sphères privées, dans les discussions à bâtons rompus, on se complaît dans une étrange schizophrénie. On en veut au pouvoir, on le critique avec virulence pour l’état des hôpitaux (et pour tant d’autres choses...) mais, dans le même temps, on se gargarise de grandes déclarations, on se félicite de l’excellente formation des médecins algériens, on loue leur valeur marchande et on rappelle que les hôpitaux français, canadiens ou autres, se les disputent. Ce faisant, on contribue à éluder le problème et à reconnaître la gravité de la situation. Ce qui, dans la foulée, évite aussi d’avoir à se poser les bonnes questions sur les raisons de ce naufrage de l’hôpital en Algérie.
« Le Val de Grâce pour tous »… Tel a été l’un des slogans mobilisateurs sur la Toile pour protester contre l’hospitalisation de Bouteflika en France. D’autres internautes n’ont pas manqué de suggérer l’idée d’une pétition nationale pour exiger l’annulation du projet de grande mosquée d’Alger et son remplacement par un grand hôpital pour la capitale. Mais un grand hôpital pour quoi faire ? a-t-on envie de demander. Pour qu’il se délabre en deux trois ordonnances ? Pour que ses équipements flambants neufs tombent rapidement en panne ce qui permettra leur réforme rapide suivie par une discrète revente à quelques cliniques privées du coin ? Ce n’est pas le mur ou l’infrastructure qui font le système de santé mais les hommes et les femmes qui en sont responsables ainsi que la politique qui le définit et l’encadre. Croire que les problèmes de santé des Algériens vont être réglés parce que l’on va « importer » le Val-de-Grâce, c’est commettre une erreur d’appréciation. C’est, pour user d’une analogie informatique, confondre le software et le hardware. C’est continuer de croire que c’est la technologie qui transforme les mentalités alors que ce sont ces dernières qui peuvent la rendre inutile.
L’emploi des jeunes, l’éducation, l’agriculture et le système de santé devraient constituer les chantiers prioritaires de la nécessaire refondation de l’Algérie. Or, pour qu’il y ait refondation, il doit d’abord y avoir reconnaissance de l’échec en la matière. Et cela passe par l’abandon des discours d’autoglorification qui ne servent qu’à fuir la réalité et à s’inventer un beau pays qui n’existe que dans les imaginations chauvines ou naïves.
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mercredi 8 mai 2013
La chronique économique : Du « modèle » allemand...
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Le Quotidien d'Oran, mercredi 8 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
Pour la droite française comme pour bon nombre d’économistes européens, l’affaire est entendue. L’Allemagne est « le » modèle à suivre par une Europe en bien piteux état sur le plan économique voire politique avec la montée en puissance des mouvements populistes. Alors que l’Espagne, l’Italie et même la France font face au spectre de la récession durable et à l’explosion du chômage, l’Allemagne fait figure de champion à part du fait du dynamisme de ses exportations et d’un maintien de la croissance de son Produit intérieur brut (+0,8% prévus en 2013).
Un livre qui remet les pendules à l’heure
Ainsi, le « modèle allemand » est-il porté aux nues et fait figure de feuille de route que certains pays, dont la France, feraient mieux de suivre. De quoi s’agit-il ? A parcourir la presse économique anglo-saxonne, on se rend compte qu’il est demandé à ces pays européens d’imiter l’Allemagne dans ce qu’elle a accompli en matière de réformes du droit du travail sous les mandats de Gerhard Schröder. Flexibilité, diminution des allocations chômage, limitation des exigences syndicales, austérité budgétaire, ce « downsizing » social ne cesse d’être réclamé par de nombreux patronats européens qui y voient l’unique possibilité de renouer avec la croissance.
Il est vrai que l’Allemagne s’en sort mieux mais il faut tout de même être prudent sur cette notion de modèle. Pour bien le comprendre, il faut lire l’ouvrage du journaliste Guillaume Duval sur ce sujet (*). Oui, ce pays est différent des autres et réussit à tirer son épingle du jeu, reconnaît le rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques. Mais, juge-t-il dans le même temps, il est nécessaire de bien cerner les raisons de cette réussite mais aussi de relativiser cette dernière. En effet, tout n’est pas rose en Allemagne, loin de là. Si les métiers de l’industrie résistent à l’érosion des droits sociaux que connaît le reste de l’Europe, ce n’est pas le cas dans les services où il n’existe pas de salaire minimum et où la flexibilité du travail est la norme. Une flexibilité qui, d’ailleurs, pénalise principalement les femmes. A ce sujet, il est étonnant de voir que la presse occidentale ne se soucie guère du caractère archaïque du statut des Allemandes dans le monde professionnel.
Pour Guillaume Duval, le succès, aussi relatif qu’il soit de l’Allemagne, relève plus de la société allemande, de ses mécanismes de solidarité, de ses mentalités – à l’image de ses exportateurs qui n’attendent rien de l’Etat fédéral pour aller à la conquête des marchés étrangers – et de ses structures de dialogue et de conciliation entre patronats et syndicats. En clair, c’est une imposture que d’affirmer que l’Allemagne résiste à la crise grâce aux réformes imposées par Schröder, un dirigeant aujourd’hui adulé par la presse libérale européenne alors que The Economist s’était interrogé un jour à son sujet en demandant à ses lecteurs s’ils se sentaient capables de lui acheter une voiture d’occasion…
Que sera l’Allemagne sans l’Europe ?
Mais il est une autre question qu’il faut aussi poser. Que sera le « modèle » allemand si le reste de l’Europe continue de plonger ? Comme le rappelle Guillaume Duval, c’est l’Allemagne qui prête de l’argent à ses voisins « cigales » pour qu’ils achètent ses produits. Que se passera-t-il si ces pays s’avèrent incapables de rembourser leurs dettes et qu’ils s’effondrent sur le plan social ? La réponse est claire et Berlin fait mine de l’ignorer. Ce sera la fin de l’Union européenne et le retour à une période que l’on croyait révolue : celle de la fragmentation politique d’un continent avec ce que cela fera peser comme risques pour la paix.
(*) Made in Germany. Le modèle allemand au-delà des mythes, Paris, Seuil, 2013, 230 pages.
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mardi 7 mai 2013
Dessin à propos d'une période plus ou moins révolue
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Ce dessin de Red date de 1992.
Il reste l'un de mes favoris car il parle de lui même.
Puissance du trait, puissance de la suggestion. Unanimisme, violence, mépris...
On devine qu'il s'agit des caciques du FLN, parti qui, à l'époque, n'était plus unique depuis 1989.
Quelle serait la version de 2013 ?
Une chose est certaine. Les figures émaciées, austères, seraient remplacées par des bouilles rondouillardes aux bajoues pendantes, preuve d'un engraissement, voire d'un gavage, continu.
Le temps des sloughis fussent-ils prédateurs est terminé. Règne désormais celui des poussahs lubriques...
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Ce dessin de Red date de 1992.
Il reste l'un de mes favoris car il parle de lui même.
Puissance du trait, puissance de la suggestion. Unanimisme, violence, mépris...
On devine qu'il s'agit des caciques du FLN, parti qui, à l'époque, n'était plus unique depuis 1989.
Quelle serait la version de 2013 ?
Une chose est certaine. Les figures émaciées, austères, seraient remplacées par des bouilles rondouillardes aux bajoues pendantes, preuve d'un engraissement, voire d'un gavage, continu.
Le temps des sloughis fussent-ils prédateurs est terminé. Règne désormais celui des poussahs lubriques...
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samedi 4 mai 2013
La chronique du blédard : Jour de muguet
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 2 mai 2013
Akram Belkaïd, Paris
Il fait gris sur Paris, peut-être va-t-il pleuvoir. Quelqu’un a certainement kidnappé le printemps et on attend toujours sa demande de rançon. Fichu temps qui rappelle celui d’une élection passée. C’était il y a bientôt un an. Lointain souvenir d’une euphorie vite détrempée par la pluie et par un tweet malheureux qui, à sa façon, annonçait douze mois de cafouillages et de grosses bêtises. Un an… La joie de virer le nabot et sa sinistre valetaille, le sentiment que le climat allait enfin s’apaiser en France avec moins de violences, physiques ou verbales, avec moins de divisions sciemment entretenues et moins de souffrances. Un climat plus serein avec plus de perspectives pour des millions de personnes minées par la peur du déclassement. Cela sans oublier tous ces pauvres et exclus dont il est rarement question si ce n’est lorsqu’il s’agit d’égrener les statistiques. Un an, et au bout du compte… Qui aurait pu penser que… Quelle déroute, mais quelle déroute ! L’enlisement, le chômage qui croît, les scandales qui se suivent les uns après les autres et cette inconfortable sensation d’improvisation permanente au sommet de l’Etat.
C’est le matin du muguet, belle tradition que les gangs de roumains n’ont pas encore réussi à monopoliser... Ici et là, de petits étals aux prix sensiblement égaux. Un euro le brin, dix euros le petit pot, quinze si l’on ajoute une belle fleur. « N’achetez pas de muguet aux capitalistes. Achetez celui du parti communiste » crie un jeune homme, gros blouson en cuir, keffieh et barbe de plusieurs jours. A ses côtés, un autre jeune confectionne les petits bouquets tandis qu’une femme, la soixantaine, distribue les tracts du PCF appelant à la traditionnelle manifestation du 1er mai. « 15h00, Bastille direction Nation : De l’argent, il y en a, dans les poches du patronat ! » annonce la feuille de papier avec tout un argumentaire appelant à l’action immédiate. « La lutte, c’est maintenant ! » proclame-t-elle en détournant un fameux slogan de campagne qui semble désormais si dérisoire.
Les clients sont nombreux. Ils boudent ostensiblement le stand tenu par une asiatique pour le compte d’une paroisse locale. Etrange. Dans ce quartier plutôt réputé à droite, le PCF semble faire recette et les deux jeunes ne chôment pas. Parfois, tout de même, un passant refuse de prendre le tract et maugrée quelques mots qui laissent deviner son appartenance politique. « Du muguet pour aider le parti communiste français ! Achetez votre brin de muguet ! » continuent de crier les militants en hochant la tête. Un client s’approche et commande plusieurs brins. « C’est pour ma boulangère qui vote UMP » dit-il en souriant. Cela déclenche quelques remarques amusées mais aussi des commentaires acerbes.
Un autre acheteur fait la réflexion suivante : « je remarque que cette année, vous ne proposez pas de brin de muguet combiné avec une rose. C’est voulu ? ». Les présents rient de bon cœur et poursuivent la plaisanterie. Ah, la rose socialiste ou, faudrait-il désormais écrire, la rose des socialo-traîtres… C’est ce que pense l’un des militants-vendeurs. « La rose, ça a plein d’épines et ça pique. Il faut toujours s’en méfier… » Le tract distribué ne dit pas autre chose : « Communistes, nous ne vous avons jamais laissé croire que le ‘changement’ viendrait de l’élection de Hollande en 2012. Toutes les illusions sont retombées. Hollande inscrit bien, simulant la modestie ou l’impuissance, sa politique dans le cadre de l’Europe du capital. Avec les organisations de collaboration, il casse le code du travail, facilite les licenciements. Il prend aux allocations familiales pour donner aux banques. Sous son masque de Zorro, le ministre Montebourg ne fait qu’accompagner la casse du potentiel industriel national… »
Certes. Mais fallait-il pour autant reconduire le mari de la chanteuse ? Fallait laisser filer pour aller au pire en se disant que ce n’est qu’ainsi que l’on peut mieux reconstruire ? Pauvre gauche dite « responsable », en total désarroi, divisée, incapable de peser sur le cours des événements, se contentant de ferrailler sur la morale et la société pour mieux masquer ses faiblesses et l’indigence de son programme politique en matière économique. Pauvre gauche dite « apte à gouverner » mais pénalisée par un vide idéologique abyssal et, finalement, si peu capable de se différencier des politiques de droite. Car, que fait Hollande si ce n’est du « Sarko light », un succédané qui ne satisfait personne et qui laisse entrevoir une belle déroute électorale dès les municipales de 2014 (ne parlons pas encore de la présidentielle de 2017).
La vente de muguet se poursuit. « Moi, je suis dans le chômage », répond une cliente au militant qui vient de lui demander ce qu’elle fait dans la vie. « Un métier d’avenir grâce aux actionnaires » lui dit-il en composant un bouquet à six brins. La réplique ne fait pas son effet. La dame paie et s’éloigne avec son mari laissant derrière elle un sillage de douleur silencieuse. Des gouttes de pluie commencent à tomber. Un froid humide s’est installé sur la ville…
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