Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

vendredi 26 décembre 2014

La chronique du blédard : Pour Kamel Daoud

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 25 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux), le jour où un écrivain algérien, vivant au pays ou ailleurs, pourra écrire ce qu’il veut sans craindre pour sa vie et sans que personne ne réclame sa mort en raison de ses prises de position. A l’heure actuelle, il n’est pas question d’entrer dans le débat de savoir si l’on est d’accord ou pas avec Kamel Daoud. Cela peut se faire, plus tard, chacun produisant ses écrits et confrontant ses arguments. Islam, Algérie, Palestine, identité : il faut laisser cela pour plus tard. L’urgence, ce qui importe, c’est d’abord et avant tout de refuser avec force que Kamel Daoud soit désigné d’un doigt criminel par quiconque et cela dans la plus totale des impunités. Un Etat droit, un Etat moderne, un Etat juste, est celui qui protège pas celui qui applique la loi de manière discrétionnaire.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux), le jour où le journaliste, le cinéaste, l’artiste ou l’intellectuel pourront écrire, créer ou tout simplement s’exprimer à leur manière sans courir le risque du procès d’intention. Le jour où ils pourront produire librement selon leur inspiration, leur envie, leur crédo. Et cela sans qu’ils aient à subir le soupçon ou à entendre l’insupportable ricanement vindicatif (et envieux ?) qui ne voit dans cette production qu’une damnation ou l’échange d’une âme et d’une conscience contre on ne sait quelle reconnaissance ou vile récompense.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand la parole du libre-penseur sera possible sans danger aucun. Comme celle de l’athée, de l’agnostique, du sceptique ou du simple croyant qui ne peut s’empêcher d’éprouver, et d’exprimer, des doutes. Ce jour-là, l’Algérie et les Algériens seront forts. Cela voudra qu’ils auront pris conscience d’eux-mêmes et qu’ils seront capables de tout regarder en face. De tout affronter, sans peur ni haine : leur passé, leurs démons identitaires, leurs tabous. Ce jour-là, cela voudra dire aussi que les croyants auront réalisé que le propos de celui qui ne croit pas, qui doute ou qui entend réformer au nom d’un vrai ijtihad (pas celui de la pensée répétitive et non renouvelée) n’est un danger pour personne et certainement pas pour l’islam. Car celui qui crie et tempête au moindre propos qui ne lui sied pas, celui qui en appelle lâchement à la punition et au sang, ne fait rien d’autre, en réalité, que d’offenser sa propre religion et son Dieu. C’est lui, et lui seul, qui n’a d’unique moyen que l’agitation outrancière pour se prouver à lui-même et aux autres qu’il croit et qu’il est dans la voie de rectitude.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand la spiritualité, le partage, la tolérance et la générosité auront remplacé la bigoterie et la religiosité ostentatoire, matérialiste et inquisitrice. Quand on se penchera sur le fond du message plutôt que sur la manière de croiser les bras au moment de la prière. Quand on affrontera les défis éthiques de ce siècle (que disent nos imprécateurs sur le transhumain ? Rien ou pas grand-chose…) au lieu de discourir pendant des heures sur le caractère licite ou non d’un bonbon importé d’Espagne ou de Chine. Quand les docteurs de la foi s’adresseront aux croyants en évitant de discourir en boucle sur le néfaste et l’interdit au lieu d’élargir sans cesse le seuil des possibles.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand son système éducatif produira enfin (de nouveau ?) de la raison, du rationalisme, des esprits cartésiens et du respect pour les idées d’autrui. La controverse, le débat, la dispute, le ton qui monte, les fâcheries, les ruptures, les réconciliations qui suivent (ou pas) et même les pamphlets, tout cela est sain et nécessaire. Mais ni l’unanimisme hypocrite ni l’imprécation menaçante ne sont acceptables sachant que personne n’a le droit, pas même un imam autoproclamé, de s’immiscer entre l’individu et son Créateur. Acceptons que l’autre, le voisin, le frère, le rival, soit d’un autre avis. Idée contre idée, argument contre argument, joute contre joute, telle est la règle du jeu au sein d’un peuple civilisé.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand le pouvoir algérien cessera d’instrumentaliser la religion pour mettre au pas ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire ou qui refusent de courber l’échine devant lui. Il faut le dire et le répéter : un individu qui en appelle publiquement à la mort d’un écrivain doit être poursuivi par l’Etat et cela même si le principal concerné ne porte pas plainte. C’est à la puissance publique de faire respecter la loi et il n’y a pas de nuance à avancer ou de raisonnement spécieux ou tortueux à tenir en pareil cas. Si l’Etat algérien ne poursuit pas celui qui a appelé à la mort de Kamel Daoud, c’est qu’il se satisfait de cette situation. Pourquoi ? Pour le faire taire ? Pour lui envoyer un message ? Pour l’inciter à quitter le pays ? Pour lui dire « tu peux écrire ce que tu veux en Algérie mais attention à ce que tu dis en France » ? Pour faire oublier la chute des cours du pétrole et occulter le fait que l’heure d’un douloureux bilan est proche ?

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand ce ne seront plus les intellectuels qui auront peur mais ceux qui ont volé ou triché et que rien ne semble atteindre. Quand les religieux qui monopolisent la parole en public s’indigneront de l’impunité des détenteurs de biens mal-acquis à Neuilly, Dubaï ou Genève plutôt que de vouer à la vindicte populaire un écrivain esseulé dont la seule richesse provient de son travail et de l’huile de coude qu’il aura dépensé.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand un citoyen au cœur d’une controverse ne sera plus attaqué en raison de la présence  de certains signataires opportunistes dans une pétition en sa faveur. Si quelques fripouilles notoires qui pullulent dans le marigot germanopratin en ont signé une qui défendait Kamel Daoud, ce n’est pas parce que son sort leur importe mais parce que c’est tout simplement l’occasion pour elles de briller en utilisant sa déveine comme marchepied. En réalité, elles n’ont que faire de ses déboires et l’on peut même penser que certains professionnels de l’indignation aimeraient bien que sa situation se complique encore plus pour pouvoir continuer de s’agiter sous les spots de cette actualité-spectacle ô combien parisienne.

On dira que l’Algérie va bien (ou mieux) quand il n’y aura plus besoin d’écrire ce genre de texte. En attendant, le présent chroniqueur renouvelle tout son soutien à Kamel Daoud dans cette lamentable affaire.
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mardi 23 décembre 2014

Oeuf en mimosa (ou oeuf en fils de Popeye...)

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La chronique économique : Quelques prévisions pour 2015

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 17 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

En matière d’économie, la fin de l’année est le prétexte aux bilans mais aussi aux prévisions pour les douze mois qui suivent. L’exercice est ainsi un passage obligé pour tous les grands producteurs de recherche (instituts de conjoncture, banques d’affaires, sociétés de courtages,…). Voici donc celles établies par le cabinet Oxford Economics (OE) sous la plume de son économiste senior Adam Slater, lequel rappelle que neuf des prévisions établies par OE en décembre 2013 pour 2014 se sont avérées exactes.

1- La consommation américaine va augmenter. Une bonne nouvelle pour l’économie des Etats-Unis dont le Produit intérieur brut (PIB) dépend pratiquement aux deux tiers des dépenses de consommation dont celles des ménages. Avec un marché du travail dynamique (200.000 emplois créés chaque mois en moyenne), le clignotant est au vert aux USA selon Oxford Economics qui n’exclut pas une croissance du 4% du PIB étasunien.
2- Léger mieux pour la zone euro mais… A côté du dynamisme américain, l’activité économique européenne va sembler bien terne avec à peine 1,3% de progression du PIB (1% en 2014). De plus, avertit OE, il y a aussi des risques que la question de l’éclatement de la zone euro refasse son apparition avec les tensions politiques en Grèce. De quoi affoler de nouveau les marchés.
3- Les Banques centrales en mode conciliant. Même si le robinet va se tarir peu à peu du côté des Etats-Unis, les institutions monétaires dont la Banque centrale européenne (BCE) vont continuer d’injecter des liquidités pour soutenir des croissances plus ou moins faiblardes. Du coup, les taux d’intérêts ne devraient pas augmenter de manière importante.
4- Un baril à 70 dollars. Voilà une prévision qui peut paraître optimiste alors que le Brent fait route actuellement vers les 60 dollars et que des économistes parient désormais sur un plancher de 40 dollars. Mais pour Oxford Economics, ces 70 dollars sont une moyenne sur l’année, ce qui laisse à penser que le cabinet s’attend à une stabilisation des prix à plus ou moins court terme.
5- Le coup de mou persistera pour les BRIC. 5% de croissance pour les quatre grands pays émergents, à peine un peu plus de 4% en 2015 : les BRIC ne tiennent pas la forme d’autant que la Russie risque fort, selon EO, de devenir le « nouvel Iran » en raison des sanctions internationales liées à la situation en Ukraine. Certes, le Brésil et l’Inde devraient connaître une timide reprise mais pas de quoi compenser la stabilisation de la croissance chinoise autour de 7%. Oxford Economics n’exclut pas non plus une aggravation de la crise économique et financière en Russie et n’écarte pas l’idée selon laquelle la Chine pourrait dévaluer sa monnaie afin de relancer ses exportations.
6- La dette des ménages asiatiques en question. En matière de suivi d’actualité économique, on appelle ça un thème. Cela fait des années que l’endettement des ménages asiatiques alimente les inquiétudes cela d’autant que la consommation est désormais vue comme un moteur aussi important que les exportations. L’importance de cette dette est désormais considérée comme un ralentisseur de la consommation.
7- Un défaut de l’Ukraine. En 2015, estime EO, l’Ukraine devrait s’avérer incapable de rembourser sa dette extérieure. Dans un contexte de crise politique et financière, avec des réserves de change inférieures à 10 milliards de dollars, Kiev va avoir besoin de négocier avec ses créanciers parmi lesquels… la Russie. Un dossier qui va peser lourd… De même, à l’autre bout du globe, EO avertit de l’existence d’un risque d’une nouvelle crise de la dette en Amérique latine, deux pays étant particulièrement concernés : l’Argentine et le Venezuela.
8- Le dollar va continuer à s’apprécier. Le billet vert, bénéficiant des bonnes prévisions concernant la conjoncture américaine, va continuer à prendre de la hauteur par rapport aux autres devises. De quoi donner un peu de marge aux pays exportateurs de pétrole comme l’Algérie. Reste à savoir combien de temps cette appréciation va durer car Washington ne restera pas sans réagir face à cette perte de compétitivité.
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dimanche 21 décembre 2014

Ah, Salafi... (suite)

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Nouvelle version (V2) d'un petit texte publié en février 2013

Ah, salafi...
On ne parle que de toi
De tes remuants amis, aussi
Tu sais, les djihadis
Mais, dis-moi...
Te demandes-tu, parfois,
pourquoi es-tu toujours
là où l'Empire a besoin de toi ?
Mais...
Dis-moi petit salafi
t'interroges-tu parfois sur les fils qui t'agitent
qui te font croasser et qui te disent : "Agis ! Dis des conneries !" ?
Ah, salafi...
réalises-tu parfois que, de la voie de rectitude,
tu es le vrai ennemi ?
Ah oui, c'est ainsi, petit salafi...
Quand tu l'ouvres, du donnes tu crédit
Du crédit à celles et ceux qui nous désignent tous
Oui, tous, en disant, ce sont les ennemis
De la paix, de la raison, de l'intelligence
De la vie...
Ah, salafi...
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samedi 20 décembre 2014

La chronique du blédard : Le Quotidien d'Oran a vingt ans : prendre le sillage du XXIème siècle

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Le Quotidien d’Oran, dimanche 14 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

On dit souvent qu’un journal est la rencontre entre ses rédacteurs et leurs lecteurs. Mais c’est aussi, du moins en ce qui me concerne, celle qui lie le journaliste et le journal lui-même. Ma collaboration avec Le Quotidien d’Oran a débuté, si je ne me trompe pas, en 2002 (bien avant que je ne commence à publier ma « chronique du blédard » et celle consacrée à l’économie). Depuis, j’ai changé à plusieurs reprises de positions professionnelles mais le lien avec Le Quotidien ne s’est jamais distendu, bien au contraire. A mes interlocuteurs et autres lecteurs, j’explique souvent que j’y ai bénéficié d’un immense espace de liberté et que jamais je n’ai eu à déplorer la moindre censure ni le moindre interventionnisme. J’ai pu y trouver de quoi donner libre-cours à mes idées d’écriture y compris les plus fantaisistes ou les plus provocatrices (à ce sujet, près de dix ans plus tard, des lecteurs se souviennent encore de mes chroniques à propos du consulat d’Algérie en France et, l’actualité étant ce qu’elle est – en clair, rien n’a changé ou presque – je me dis qu’il serait peut-être temps de remettre le couvert…). Merci donc au Quotidien d’Oran, à sa direction, à ses équipes.
Comme nombre de zmigris - je suis tenté d’utiliser le terme d’« éloignés » - je lis Le Quotidien sur internet en commençant, c’est un rituel, par l’éditorial de M. Saadoune ou de K. Selim. A ce sujet, je ne cesserai jamais de répéter que peu de journaux, y compris en France ou ailleurs dans l’espace francophone, peuvent s’enorgueillir d’avoir des écrits quotidiens d’une telle qualité et d’une telle pertinence au point que le lecteur que je suis (c’est bien connu, les journalistes sont payés pour lire ce que les autres ont écrit…) se rend souvent compte que Le Quotidien d’Oran inspire beaucoup de publications sans pour autant être toujours cité comme source principale…
Bien sûr, je n’oublie pas non plus les chroniques de Kamel Daoud qui ne me laissent jamais indifférent, les papiers incisifs d’Abed Charef (que j’imagine tapant comme un sourd sur son clavier comme au temps de La Nation…) ainsi que les multiples contributions, parfois inattendues et originales, de l’Actualité vue autrement. C’est une offre riche, toujours pleine d’enseignements et ouverte sur la marche de l’Algérie et du monde. Dans Le Quotidien d’Oran, on trouve de l’info, y compris régionale ce qui est fondamental en ces temps où le terme « glocalisation », contraction entre globalisation et local est omniprésent dans les études de prospective.
En somme, je parle donc d’un journal qui répond à de nombreuses attentes de ses lecteurs mais il est peut-être temps pour lui d’aller plus loin. Le temps de se renouveler afin d’entrer de plain-pied dans ce qu’est déjà une nouvelle ère. C’est presque une certitude, pour la presse écrite, le XXIème siècle sera celui du support électronique : téléphone mobile, tablette, liseuse, feuille électronique (des projets de papier « intelligent » sont en cours), etc… Le lecteur de demain (et déjà d’aujourd’hui) veut de l’interactif, du 2.0, de la couleur, de la vidéo (beaucoup de vidéo !) et du data, comprendre de l’infographie dynamique. Certes, l’Algérien entretient encore un rapport quasi-charnel avec le papier. Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans, quand les gamins aujourd’hui accrochés à leurs ipads seront en âge de « consommer » de l’information ?
Actuellement de nombreuses activités économiques connaissent d’importants bouleversements et les métiers de la presse n’y échappent pas. A ce jour, personne n’a encore trouvé le graal du modèle le plus rentable, celui qui pourrait concilier la nécessité de produire de l’information de qualité sans dépendre d’un actionnaire charitable appelé à boucler les fins de mois, situation dans laquelle se trouvent de nombreux quotidiens à travers le monde. Cela oblige donc à des expérimentations qui ne sont pas toujours heureuses. La presse écrite se cherche et, avec elle, ce sont les journalistes qui sont déboussolés. Mais dans cette affaire, le mouvement est toujours préférable à l’immobilité. Des solutions vont émerger car c’est le propre de l’activité humaine que de toujours résoudre les problèmes qui se posent à elle.
En clair, il faut souhaiter au Quotidien d’Oran d’entamer sa mue vers de nouveaux supports. Bien sûr, le papier ne va pas disparaître mais la présence sur le net, via un site web relooké et des applications pour les appareils mobiles est d’ores et déjà nécessaire. Peut-être faudra-t-il apprendre à écrire autrement. Peut-être que le temps du « deux feuillets de 1500 signes » est terminé et qu’il faut envisager des formations au multimédia. Qui sait, le journaliste de demain sera une sorte de compositeur maîtrisant les outils numériques comme il a appris à maîtriser le traitement de texte après avoir abandonné sa machine à écrire. C’est une mue qui me semble incontournable. Cela va changer nos journaux y compris Le Quotidien d’Oran. Cela, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs et de ses journalistes et autres contributeurs. En attendant, je souhaite un sincère et amical « joyeux anniversaire » à ce journal. Bravo encore et très bonne continuation.

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La chronique du blédard : De la Tunisie, de la révolution et (un peu) de l’Algérie

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 18 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

Quatre ans après le geste désespéré et désormais emblématique de Mohamed Tarek Bouazizi – c’était le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid en Tunisie – faut-il décréter l’échec définitif du Printemps arabe ? Face à ce qui se passe en Libye, en Egypte, bien sûr aussi et surtout en Syrie et sans oublier Bahreïn et le Yémen, faut-il se couvrir la tête de cendres ou bien alors baisser les yeux d’un air contrit devant les multiples tenants des multiples théories du complot impérialisto-mossado-qataro-machin-chose ? Répondons d’abord à ces questions par de simples interrogations auxquelles un minimum de connaissances historiques apportera les réponses nécessaires. Depuis quelques siècles, quelle est la révolution dont on peut prétendre qu’elle a atteint son but au bout de quelques années ? Quelle est la révolution qui n’a pas été suivie d’une contre-révolution ou par une restauration plus ou moins longue voire plus ou moins réactionnaire ? Bien sûr, l’histoire n’est pas qu’une question de cycles ou de séquences mécaniques. D’autres éléments interviennent, souvent exogènes d’ailleurs (quel cours aurait connu la révolution française si des puissances étrangères ne s’étaient pas mêlées de la partie ?). Sans relâche, des historiens s’interrogent sur ce qui fait qu’un peuple est non seulement capable de se soulever pour abattre l’ancien régime mais aussi de transformer l’essai, c'est-à-dire de réussir à donner vie à de nouvelles institutions en rupture avec le passé.

Contre Ben Ali, c’est la convergence d’un ras-le-bol général qui a joué. Préparé par une agitation syndicale dont il a été trop peu question – on pense notamment aux grèves du bassin minier de Gafsa en 2008 – un consensus a existé entre les différentes classes sociales pour en finir avec un régime miné par la corruption et la déprédation. Mais ce genre de convergence ne dure jamais car s’il est difficile de faire chuter le tyran, il est encore plus dur de bâtir après lui. Dans un processus laborieux, parfois douloureux, mais qui n’en demeure pas moins exemplaire, la Tunisie a réussi, malgré ses divisions, à mener une transition vers une nouvelle république. Bien sûr, rien n’est encore gagné à la veille d’un deuxième tour d’une élection présidentielle particulièrement disputée. La Révolution tunisienne a-t-elle échoué parce que la scène politique est occupée, entre autre, par des islamistes, leurs alliés populistes (ou néo-yousséfistes) ou encore par des membres de l’ancien système ? Mais que croit-on ? Que des démocrates naissent par génération spontanée ? Que des modernistes fracassent en un clin d’œil la gangue religio-conservatrice dans laquelle ils étaient enfermés depuis des décennies si ce n’est des siècles ? Le temps est certes une donnée relative mais elle est surtout incompressible. En clair, et pour paraphraser quelques célèbres maximes, la révolution ne se décrète pas, elle s’accomplit mais, surtout, elle se poursuit. Par l’éducation, par l’implication de la société civile, par le débat d’idée : bref, par l’engagement de tous et c’est ce qu’ont compris nombre de Tunisiennes et de Tunisiens.

On peut aussi dire que le changement radical ou la rupture ne comptent que par celles et ceux qui préparent le coup suivant. Il ne sert à rien de vouloir abattre le tyran si l’on ne sait pas ce qu’il faudra faire ensuite. Dans ses mémoires qui viennent d’être publiées, Michel Camdessus, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), raconte que certains pays de l’ex-bloc soviétique étaient préparés à encaisser l’immense choc engendré par la chute du mur de Berlin et par la fin de l’URSS (*). D’autres ne l’étaient pas et, à chaque fois, la différence ne s’est pas faite grâce à des institutions (elles n’existaient pas) mais grâce à des ressources humaines ayant déjà réfléchi, parfois seules dans leur coin, à ce qu’il faudrait faire le fameux jour d’après.

Disons-le franchement. Aucun pays arabe concerné par les révolutions de 2011 n’avait réfléchi à cet « après » d’où, ce n’est pas l’unique raison, les cahots d’un processus qui est loin d’être terminé. C’est un fait, les dictateurs semblaient indéboulonnables et rares sont ceux qui ont pensé l’impensable, à savoir leur chute. Dans cette affaire, la Tunisie a eu la chance, par la suite et dans l’urgence, de pouvoir mobiliser des compétences à chaque étape de la transition (et de créer les institutions destinées à piloter les premiers temps de la transition). A l’inverse, l’Egypte n’a jamais pu se dégager de ce handicap originel lequel réside dans le fait qu’une armée qui détient le pouvoir ne mène jamais de révolution contre ses propres intérêts (à ce sujet, le cas de la révolution des œillets au Portugal en 1975 mériterait d’être étudié dans tout le monde arabe).

On reviendra dans de prochaines chroniques sur les cas de l’Egypte, de la Libye et de la Syrie. En attendant, il n’est pas inintéressant de se pencher sur ce mix de non-révolution et de mauvaise évolution qu’est devenue l’Algérie. Il faut espérer qu’ici et là, au pays comme à l’étranger, des femmes et des hommes sont en train de réfléchir aux jours d’après. La prospective étant autant affaire de science que de technique, il leur faut penser large et noir. L’impréparation à la chute annoncée depuis mai dernier des cours pétroliers, l’improvisation qui domine la gestion des affaires du pays, le chaos idéologique, les manœuvres de coulisse, le retour au premier plan de la dialectique takfiriste, tout cela démontre que l’Algérie, toute en œillères et pas cadencés, est résolument en route vers un nouveau cauchemar. Cela, personne ne pourra prétendre l’avoir ignoré.
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(*) La Scène de ce drame est le monde, treize ans à la tête du FMI. Michel Camdessus, Les Arènes, Paris, 446 pages, 22,80 euros.
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mardi 16 décembre 2014

Il est des matins...

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Il est des matins...
Il est des matins où l'on entend parler à la radio de déportations futures, possibles, imaginables, de musulmans...
Il est des matins où l'on entend parler à la télévision de civilisation européenne menacée par les musulmans...
Il est des matins où l'on lit des témoignages inquiétants à propos de manifestations antimusulmanes en Allemagne...
Il est des matins où l'on ne peut s'empêcher de penser qu'un nœud coulant a commencé à se rétrécir...
Il est de plus en plus de ces matins...
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lundi 15 décembre 2014

Combien de pauvres pour un riche ?

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"Et je demande aux économistes politiques, aux moralistes, s'ils ont déjà calculé le nombre d'individus qu'il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, au découragement, à l'infantilisation, à une ignorance crapuleuse, à une détresse invincible, à la pénurie absolue, pour produire un riche ?"
Almeida Garrett

« L’Oranais », une histoire algérienne. Vers un renouveau du cinéma ?

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> > > > 28 novembre 2014


« Qu’avons-nous fait de notre indépendance ? » « Que sommes-nous devenus depuis et qu’aurions-nous pu être ? » 52 ans après la liesse de juillet 1962, ces questions à la fois politiques et identitaires hantent les Algériens et pèsent lourdement sur le devenir de leur pays. Et c’est à ces interrogations que se confronte, avec succès, L’Oranais du réalisateur algérien Lyes Salem, sorti en salles le 19 novembre. Cette oeuvre serait-elle le signe d’un renouveau du cinéma algérien ?
 
La trame de L’Oranais s’articule autour de deux amis, Hamid et Djaffar, montés ensemble au maquis pour combattre la France coloniale et que le destin finira par séparer, bien longtemps après l’indépendance. Entre les deux hommes, il est aussi question de secret inavouable, de trahison et de renoncements aux idéaux de la Thawra   la Révolution  », c’est-à-dire la guerre d’Algérie).
Coproduction franco-algérienne, cette fresque mémorielle échappe au piège habituel de l’exhaustivité. La guerre d’Algérie, puis l’indépendance et ses lendemains désenchantés, en sont bien sûr la toile de fond. Mais Lyes Salem prend soin de les raconter à sa manière en privilégiant l’angle de la destinée individuelle. Et c’est déjà une façon de se colleter avec une histoire officielle qui se méfie, aujourd’hui encore, de l’individu, préférant glorifier la collectivité, à l’image du slogan «  un seul héros, le peuple  ». D’ailleurs, de nombreuses péripéties du film peuvent être lues comme un pied de nez aux dogmes mémoriels ou identitaires encore en vigueur dans l’Algérie du XXIe siècle. Djaffar, par exemple, ne rejoint le maquis que parce que les circonstances et le hasard décident pour lui (pour échapper à un ratissage de l’armée française, il tue de manière presque involontaire un garde-champêtre). On est dans le récit à hauteur d’homme, loin de l’épopée héroïque.

Par la suite, l’itinéraire des deux amis diverge. Hamid sert la Révolution à l’extérieur tandis que Djaffar, dont le rôle est interprété par Lyes Salem, passe plusieurs années dans le maquis. Après l’indépendance, le premier, marié à une Américaine, devient un grand ponte du système, installé dans une belle demeure — un «  bien vacant  », c’est-à-dire un bien immobilier abandonné par des Européens — tandis que l’autre hérite la direction d’une entreprise de menuiserie. Et même si l’amitié et l’affection demeurent, l’érosion de l’espérance va produire ses effets négatifs. Au fil des scènes, on voit changer l’Algérie, Hamid et Djaffar. L’unanimisme brutal au profit du parti unique s’installe. L’affairisme ne tarde pas à faire son apparition, l’identité berbéro-arabe est sacrifiée au dogme de l’arabo-islamisme le tout dans un contexte où les «  services  », comprendre la sécurité militaire, peuvent embarquer n’importe qui à n’importe quel moment. Dans les propos de Hamid, on sent peu à peu poindre le mépris pour un peuple qui n’a de cesse de revendiquer sa part du gâteau. Dans certaines scènes, notamment celle d’une balade en mer, on ne peut s’empêcher de penser que Hamid, Djaffar et leurs amis ont pris la place des anciens colons…Dès lors, seule une issue dramatique peut clore les relations entre les deux hommes.

Le legs colonial

L’Oranais est surtout une allégorie de la question de l’identité algérienne et de ses liens avec la France. En montant au maquis, Djaffar ignore, contrairement à Hamid qui gardera ce secret, que son épouse a été violée en représailles par le fils du garde-champêtre qu’il a tué. À son retour, il apprend que sa femme — peut-être le symbole de ce qu’aurait pu être l’Algérie indépendante — a donné vie à un garçon puis qu’elle est morte, sa santé s’étant étiolée faute de nouvelles de son mari. Après quelques hésitations, Djaffar décide d’élever l’enfant comme son propre fils, comme la «  chair de sa chair  ». Cet enfant, prénommé Bachir, «  celui qui porte la (bonne) nouvelle  », est le symbole de ce que la France a laissé aux Algériens. Un legs, fruit d’un viol originel — celui de la colonisation — qu’il ne sert à rien d’occulter, voire de rejeter. Il en va ainsi de la langue française mais aussi du reste, de la manière de penser, du cartésianisme, de la croyance aux valeurs universelles : autant d’éléments qui sont remis en cause, alors qu’ils ont contribué à faire de l’Algérie une singularité à la fois politique mais aussi culturelle et intellectuelle dans le concert des nations décolonisées.

Réalisme sans concession

Dans le même temps, ce film est aussi un bel hommage à l’Oranie, région de l’ouest algérien, à sa joie de vivre et à sa musique, à un mode de vie qui a pratiquement disparu ou, pour être plus précis, qui n’a plus sa place dans une Algérie de la bigoterie et de la pratique de plus en plus ostentatoire et ritualiste de la religion. Dans le film, les personnages principaux boivent de l’alcool, des femmes ne portent pas le haïk et encore moins le hijab, quasiment inconnu jusqu’à la fin des années 1970. On y parle l’algérien. Non celui, incompréhensible, des discours officiels lénifiants, mais une darja (langue algérienne souvent qualifiée de «  dialecte  ») vivante, vigoureuse, qui se pratique au quotidien, avec ses fulgurances, ses captures de mots français et ses insultes imagées. En cela, L’Oranais est, malgré quelques maladresses et longueurs, un film «  vrai  », y compris dans le choix des figurants. Un film qui ne fait pas de concession au «  politiquement correct  » à l’algérienne mais qui, aussi, évite soigneusement les concessions auxquelles se sont pliés de nombreux créateurs maghrébins désireux de faire entendre leur voix en France. Point de «  c’était mieux du temps des colons car tout le monde vivait bien ensemble  ». De même, le Front de libération nationale (FLN) de la guerre d’Algérie est décrit tel qu’il a été, c’est-à-dire une organisation révolutionnaire avec un but précis à atteindre. Point donc, à ce sujet, de digressions sur la terreur qu’aurait imposée la djebha (le Front) à la population pour l’obliger à rejoindre ses rangs et à le soutenir. Une thèse qui renvoie dos-à-dos les deux acteurs du conflit et que font mine d’épouser quelques écrivains algériens désireux d’entrer en grâce auprès des milieux germanopratins.

La «  famille révolutionnaire  » grince des dents

Comme il fallait s’y attendre, le film n’a pas été du goût de tout le monde en Algérie. La première salve est venue du cheikh Chamseddine, un célèbre téléprédicateur salafiste, qui a reproché au film de mettre en scène des moudjahidines (terme qui désignait aussi les soldats de l’Armée de libération nationale) en train de boire du vin. Un reproche repris à l’identique par l’Organisation nationale des enfants de chouhadas (les martyrs de la Guerre d’indépendance) et d’autres figures de ce que l’on appelle en Algérie, parfois non sans ironie, «  la famille révolutionnaire  ». Comme l’ont relevé de nombreux journalistes, ces mises en cause ne portent pas sur le fond et ne concernent qu’un élément du film : la consommation d’alcool, un phénomène réel qui a permis à de nombreux Algériens d’avaler maintes couleuvres de l’après-indépendance. Plus important encore, les appels à en interdire la diffusion du film en Algérie et à l’étranger (!) sont souvent venus de personnes n’ayant vu que la bande-annonce…

Pour l’heure, et contrairement à ce qu’exigent les détracteurs du film, les autorités algériennes n’ont décidé aucune interdiction ni censure officielle. Toutefois, Nadia Laabidi, ministre de la culture, a ainsi déclaré «  comprendre les critiques de la famille révolutionnaire  » et laissé entendre que le réalisateur se serait éloigné du scénario déposé pour obtenir un financement.

Une production cinématographique en panne

Du coup, la responsable a annoncé des modifications à venir dans les futurs cahiers des charges en matière de soutien à la production cinématographique. Une perspective qui inquiète les professionnels d’un secteur qui vient de traverser plus de trente années de disette. Ils espéraient l’amorce d’un renouveau avec la sortie de films comme L’Oranais ou Le Crépuscule des ombres du réalisateur Lakhdar Hamina (Palme d’or 1975 du festival de Cannes avec le célèbre Chronique des années de braise). De fait, et pour reprendre un constat très célèbre en Algérie, le pays «  compte plus de réalisateurs que de salles et plus de salles que de films réalisés  ». Dans les grandes villes comme Alger ou Oran, nombre de cinémas sont à l’abandon, transformés parfois en aires de stockage. De manière récurrente, les autorités promettent la relance du secteur et une réhabilitation des salles sans pour autant abandonner les contraintes administratives qui pèsent sur la création cinématographique. Pourtant les attentes sont nombreuses. De jeunes réalisateurs profitent du développement des réseaux sociaux pour diffuser de courts métrages réalisés avec des moyens de fortune. De même, des festivals sont organisés dans de nombreuses villes du pays, à l’image des Rencontres cinématographiques de Béjaïa. En 2011, la réalisatrice algérienne Mounia Meddour a présenté un long métrage consacré au nouveau souffle du cinéma algérien. À l’époque, déjà, le constat était le même : dans un contexte marqué par un retour à la paix civile, de nombreuses énergies créatrices attendaient de l’État qu’il libéralise le secteur à défaut de s’engager financièrement comme il le faisait dans les années 1970, période faste du cinéma algérien.
 
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vendredi 12 décembre 2014

A propos des oligarques russes (et l'on pense du coup à quelques affairistes notoires algériens...)

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J'invite les lecteurs algériens à méditer cet extrait d'une note de lecture rédigée par José Antonio Garcia Simon dans Le Monde Diplomatique du mois de décembre 2014 à propos du roman "Les Nombres", de Viktor Pelevine (*), un roman dont le personnage principal est un oligarque russe.

"Réalisme ? Cynisme ? Non, capacité d'adaptation. La marque de fabrique de l'oligarque, point de condensation des rapports tendus entre l'Etat et la société russes. D'un côté, un sentiment de liberté absolue, d'impunité même, dans les actes quotidiens; de l'autre, la peur diffuse, confinant à la paranoïa, de voir soudain le monde s'effondrer à la suite d'un mot déplacé sur le pouvoir. Car l'engrenage de la domination totalitaire a la vie dure : surveillance, chantage, élimination. L'autocensure s'érige en norme, l'idiotie devient une échappatoire. Cet abêtissement conduit à la réduction de la religion à la superstition, de l'art au spectacle. Avec l'argent comme valeur suprême, la nouvelle classe de nantis devient schizophrène, voltige de l'euphorie à l'étouffement. A l'image du pays depuis la fin du communisme, dont on ne sait s'il est en liberté conditionnelle ou s'il purge une peine en sursis. Une farce sinistre."

(*) Traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorain, Alma, Paris, 2014, 388 pages, 19 euros.
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mercredi 10 décembre 2014

Soir d'hiver, soirée de foot

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La chronique économique : Chine vs. USA : suite (et c’est loin d’être terminé)

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 10 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

On attendait cela pour 2020, mais c’est finalement cette année que cela intervient. En 2014, le Produit intérieur brut (PIB) chinois exprimé en parité de pouvoir d’achat (ppa) devrait devancer celui des Etats-Unis avec 17 632 milliards de dollars contre 17 416 milliards de dollars. Ces calculs proviennent du site d’informations financières MarketWatch qui a exploité les données récentes publiées par le Fonds monétaire international (FMI). Pour mémoire, la Chine avait déjà dépassé les Etats-Unis dans la catégorie du PIB exprimé à prix constants (c'est-à-dire hors des effets de l’inflation) en 2011.

Une première place à relativiser

Quelle importance faut-il accorder à ce classement qui fait donc de la Chine la première puissance économique du monde ? La réponse est simple : pas grand-chose sauf à chercher un beau prétexte à manchettes de presse ou bien de la matière pour alimenter la sinophobie à laquelle on assiste en Europe (pas une semaine sans que des magazines ne tirent l’alarme sur la Chine qui veut dominer le monde…). Bien sûr, cela reste un symbole puissant que de dépasser les Etats-Unis. Mais il faut savoir de quoi l’on parle. Certes, le PIB exprimé en ppa est un assez bon indicateur car il cherche à comparer de la création de richesse rapportée à ce qui serait un même pouvoir d’achat (un peu comme le fameux indice « big mac » qui compare le prix du hamburger dans chacun des pays où la fameuse marque de restauration rapide est implantée). Mais on peut objecter qu’il est aussi utile de comparer les PIB par tête d’habitant, les Etats-Unis demeurant alors largement la tête et la Chine, avec son milliard et demi d’âmes, ne pointant qu’à la 89ème place…

De fait, ce genre de classement est aussi l’occasion de pointer du doigt les insuffisances qui concernent le PIB. Pour faire vite et trouver un synonyme, cet acronyme est souvent remplacé par l’expression « création de richesses ». Or, le PIB n’est pas toute la richesse. D’abord, il rend imparfaitement compte de l’activité non-marchande tandis qu’il inclut, on ne le répétera jamais assez, des « richesses » qui résultent de la destruction irrémédiable de l’environnement. Dans le cas du duel entre les Etats-Unis et la Chine, il est aussi nécessaire de prendre en compte d’autres indicateurs. Le niveau de pauvreté et d’inégalités, l’illettrisme, les différents niveaux d’éducation et le nombre de diplômés, les statistiques sanitaires, le nombre de brevets déposés par an, tout cela doit aussi contribuer à déterminer qui est la vraie première puissance économique, ce que restent les Etats-Unis et de loin. Enfin, on relèvera que la puissance économique ne vaut parfois que par sa possibilité de s’adosser à une puissance militaire. Et pour l’heure, l’Amérique demeure championne en la matière même si le budget de la défense en Chine progresse à des taux annuels parfois supérieurs à 10%.

Le match du XXIème siècle

Une chose est certaine, la rivalité est partie pour durer. Où en seront les deux compétiteurs en 2050 ? Personne aujourd’hui n’est capable de le prédire même si avec une démographie sans cesse vivifiée par l’apport des migrants, les Etats-Unis se sont donnés les moyens de continuer à rivaliser avec une Chine en plein essor. Certains experts estiment que c’est sur le plan des budgets militaires que la bataille va être la plus âpre, d’autres parient sur une course à l’excellence technologique (Pékin vient de décider de s’engager encore plus dans la conquête spatiale) tandis que les économistes comptent les coups dans la lutte encore balbutiante entre le dollar et le yuan. Le match ne fait que commencer…
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mardi 9 décembre 2014

Frigyes Karinthy et l'humanité

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Extrait d'une note de lecture (1) rédigée par Xavier Lapeyroux, Le Monde Diplomatique, Décembre 2014 à propos d'un ouvrage de Frigyes Karinthy (2), le père de Gulliver.

Lors de son cinquième voyage (1914), Gulliver arrive "miraculeusement à Farémido, un lieu étrange, sans hommes ni paroles, mais peuplé de machines pensantes, les Sollasis, qui utilisent des notes de musique pour communiquer et vivent en harmonie".
(...)
"Pour les habitants de Farémido, les êtres vivants sont comparables à des substances pathogènes autodestructrices qui ne doivent leur survie qu'à l'élimination d'organismes similaires. Gulliver a beau défendre la suprématie de la vie, il ne peut que s'incliner face à la brillante démonstration de son maître Midoré : soixante mille ans auparavant la Terre a été contaminée par la vie, par l'homme et l'animal, et la maladie n'a fait que proliférer. Ecartelé entre l'instinct et la conscience, ' deux organes au service de deux objectifs frontalement opposés, [dont] l'un recherche la vie, l'autre la mort', l'homme ne serait en fin de compte qu'un monstre à deux têtes condamné à se dévoré lui-même."

(1) Frigyes Karinthy, Farémido. Le cinquième voyage de Gulliver, traduit du hongrois par Judith et Pierre Karinthy, Zulma, Paris, 2013, 78 pages, 9 euros.
(2) Frigyes Karinthy est "également à l'origine de la théorie des six degrés de séparation (1929), selon laquelle toute personne est reliée à n'importe quelle autre via une chaîne de relations individuelles comprenant au plus cinq autres maillons (...) Sa théorie fut reprise en 1967 par Stanley Milgram, et le réseau social Facebook aurait ramené le nombre de maillons à 4,74."
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samedi 6 décembre 2014

La chronique du blédard : Algérie – Maroc : attention, danger !

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Le Quotidien d’Oran, jeudi 4 décembre 2014
Akram Belkaïd, Paris

Il y a quelques jours, les supporters du Raja de Casablanca, un club de football marocain, ont adressé à leurs homologues algériens un beau message de fraternité opposé à toute discorde. « Nous sommes frères, la fitna ne va pas nous séparer » était-il écrit sur des banderoles déployées à l’occasion d’un match de championnat. Dans la foulée, le public du Raja a aussi entonné des chants de soutien aux Algériens et à leur équipe nationale pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations qui aura lieu en janvier prochain en Guinée équatoriale. Pour celles et ceux qui ne suivent pas l’actualité du foot, rappelons que cette compétition devait avoir lieu au Maroc mais que ce pays a souhaité ne pas l’accueillir en raison – officiellement – des risques présentés par l’épidémie d’Ébola. Un refus, qui vaut aux Lions de l’Atlas – surnom de l’équipe nationale marocaine – d’être exclus de la CAN. Quelques jours plus tard, en Algérie, des supporters du CS Constantine ont répondu aux Rajaouis en déployant une grande banderole dans leur stade. Il y était écrit le message suivant : « Merci aux supporters du Raja. La politique nous a divisé, nos racines nous réunissent ». Qui a dit qu’Algériens et Marocains se détestent ? Et qui a intérêt à le faire croire ?

Dans le contexte nauséabond qui caractérise actuellement les relations diplomatiques algéro-marocaines, ces gestes d’amitié réciproque apportent un peu de baume au cœur. En effet, depuis quelques mois, c’est une méchante musique que l’on entend de part et d’autre de la frontière fermée. Incidents armés, certes isolés, déclarations outrancières, insultes à peine voilées, campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux, accusations mutuelles de tentatives de déstabilisation : la palette des actes et propos négatifs est des plus larges et il n’est pas exagéré aujourd’hui de craindre que l’habituelle paix froide entre nos deux pays se transforme petit à petit en conflit de basse intensité. Cela, à dieu ne plaise, jusqu’à ce que l’on se réveille un matin avec l’annonce d’une vraie crise voire d’une guerre ouverte. D’ailleurs, et au risque de choquer, le présent chroniqueur se doit de confesser qu’il est heureux que le Maroc ait décidé de ne pas accueillir la Coupe d’Afrique des Nations. Cela nous évitera que des hooligans algériens – et il y en a – ne provoquent des incident dans le Royaume. Il n’est pas difficile d’imaginer le scénario catastrophe qui aurait suivi : représailles policières, tensions diplomatiques, appels à la fierté nationale, rumeurs, colères populaires plus ou moins spontanées. Le football n’a jamais été la guerre mais c’est un bon prétexte pour la déclencher…  

Il n’est pas question pour l’auteur de ces lignes de s’engager dans un stérile « qui a fait quoi » et encore moins de chercher à savoir qui a commencé le premier ou qui a le plus tort dans l’affaire. Le fait est que, dans les deux camps, il y a des pousse-au-crime, des gens qui jettent de l’huile sur le feu et qui se comportent comme si le voisin, autrement dit le frère, est l’ennemi numéro un. Dans les deux pays, il y a de la mauvaise foi, des insultes inacceptables et des préjugés alimentés par le fait que nos deux peuples ne se connaissent plus ou presque. Dans les deux pays, il y a des inconscients qui pensent que jouer avec une grenade dégoupillée ne présente aucun risque. Ce sont des apprentis-sorciers qui nous mènent au pire.

Car l’affaire est aussi politique. Dans les deux cas, nous avons affaire à des régimes en difficulté et cela pour des raisons assez différentes mais sur lesquelles ce texte ne va pas s’appesantir car c’est l’un des maux qui caractérisent nos relations. L’Algérien ne supporte pas qu’un Marocain critique son pays – même si les arguments présentés sont fondés – et la réciproque est vraie. Donc mettons de côté l’aspect analyse et retenons ce point majeur : à Alger comme à Rabat, la tension bilatérale, demain des événements plus graves – sont jugés comme nécessaires et profitables. Cela permet de ressouder les rangs, de faire taire la critique interne, de menacer les opposants de « trahison » et d’occuper les médias en donnant du grain à moudre à d’innommables torchons. Cela crée des clientèles, cela fait le bonheur des marchands d’armes (où nous mène cette escalade en matière d’achats de matériels militaires ?) et cela renforce l’idée que les Maghrébins seront toujours incapables de s’entendre.

Dans cette (triste) affaire, il est édifiant que les appels à la raison viennent de supporters de football. On parlera de bon sens populaire à l’heure où les « élites » des deux pays sont muettes et refusent de s’opposer publiquement à cette dérive. Pire, elles évitent de se parler, se réfugiant derrière le sempiternel « ça ira mieux entre nous quand ça ira mieux chez vous ». Pour diverses raisons, elles ne veulent pas construire ensemble un argumentaire basé sur la raison et la fraternité. Elles refusent de contribuer à diffuser l’idée que, dans le monde tel qu’il évolue maintenant, il est impossible que les deux pays s’en sortent seuls. C’est à ces élites de refuser de suivre les joueurs de pipeau qui les entraînent vers le précipice. Le rapprochement entre l’Algérie et le Maroc n’est pourtant pas une utopie : c’est une urgence.
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jeudi 4 décembre 2014

Grenade

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1- Choisir la victime...




2- Y aller à l'arme blanche...






3- Avant l'attaque finale...




4- En laisser un peu pour les autres...



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