_
Le délire médiatico-politique français sur "l'ensauvagement" rappelle, par certains côtés, la construction du phénomène des "Apaches" au début du XXe siècle. A l'époque, la presse à grand tirage s'épanchait sans fin sur les "violences gratuites", la "sauvagerie" et la "barbarie" des bandes du Paris populaire (Belleville, Place d'Italie, la "zone" correspondant aux anciennes fortifications). Si on compare les écrits concernant les Apaches et ceux sur l'ensauvagement supposé d'une partie de la société française - dixit le ministre de l'intérieur Darmanin - on trouvera beaucoup de ressemblances. Dans les deux cas, les catégories populaires sont les premières visées même si, pour les Apaches, l'aspect xénophobe est moins présent (sont tout de même visés les Italiens et les Juifs arrivés d'Europe centrale).
Mais il n'y a pas que cela.
Au début du XXe siècle, la droite française voulait aussi absolument faire barrage aux projets d'abolition de la peine de mort porté par un courant influent de la gauche. Le battage autour des Apaches fut donc autant destinés à vendre du papier qu'à effrayer l'opinion publique et la dissuader d'accepter une telle réforme qui n'interviendra que huit décennies plus tard.
Aujourd'hui, l'extrême-droite et une partie de la droite veulent remettre la peine de mort au centre du débat. La stratégie médiatique est évidente. Tir de barrage intense sur l'ensauvagement et l'actualité fera le reste. Ce n'est pas un hasard de voir circuler depuis quelques jours l'information selon laquelle la société française serait majoritairement favorable au rétablissement de la peine capitale. Quel que soit le sujet, le procédé est toujours le même. Avant d'obtenir quelque chose, on doit créer un contexte. Gageons qu'au prochain fait divers horrible, les chaînes d'information, relais de la propagande néo-pétainiste, s'empresseront d'organiser débat sur débat - avec toutes les outrances possibles - sur ce sujet que l'on croyait pourtant réglé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire