Evacuons le principal point du jour. Encore une fois, encore
et encore, encore et toujours, le Nigeria, comme tant d’autres équipes
africaines, n’a pas su tenir le résultat (cf. la chronique 4). La faute à la
jeunesse, la naïveté, la fatigue et une étrange torpeur de leur entraîneur qui n’a
procédé au dernier remplacement qu’à la 92ième minute alors que ses
joueurs étaient cuits).
Au-delà du résultat, ce match fut tactique et a illustré le
fait qu’il y a plusieurs manières de regarder une rencontre. Si l’on est devant
sa télévision, le regard sera nécessairement focalisé sur le ballon et ce qui l’entoure.
La balle qui roule hypnotise, on suit le joueur qui la pousse, éventuellement
celui qui la réclame. On peut aussi, si l’œil est aiguisé, repérer celui qui
fait tout pour ne pas la recevoir (en allant, par exemple, se coller aux défenseurs
adverses) et dont on dit alors qu’il se cache. Ce fut le cas de Di Maria l’Argentin.
C’est pourquoi les plans larges ont leur intérêt (à défaut
de pouvoir être au stade). Ils permettent de vite saisir quelle est l’organisation
tactique, ou son semblant, choisie par chaque équipe. L’un des réflexes à avoir
quand on essaie de comprendre ce qui se joue est de « regarder en haut ou
en bas » de l’écran à l’opposé d’où se situe l’action. On repère le
défenseur qui ne monte pas à l’attaque et qui ne franchit guère la ligne
médiane. On détecte le milieu qui marche et qui ne propose aucune solution au
porteur du ballon. On localise celui qui a pour mission de bloquer son
vis-à-vis en cas de contre-attaque. Il est aussi intéressant de voir le
comportement de tel ou tel joueur quand son équipe n’a pas le ballon et s’apprête
à défendre. Remonte-t-il pour aider ses camarades ? Quel pas fait-il et
dans quelle direction (vers l’avant ? De manière latérale ?) ?
A-t-il pris ces quelques mètres d’avance qui lui permettront de faire la
différence ? Comment se fait-il oublier ? (Suivez Ronaldo en phase
défensive, c’est très instructif).
Le match de ce soir entre l’Argentine et le Nigeria a aussi offert
une illustration intéressante pour lire ce que l’on appelle parfois, de manière
un peu pompeuse, les dispositifs de transition. En gros, il s’agit de
comprendre comment une équipe passe d’une phase de défense à une phase d’attaque
ou l’inverse. On a ainsi pu relever que les Nigérians jouaient parfois à cinq
joueurs derrière (5-4-1 ou alors un 4-1-4-1) avec un alignement quasi-parfait.
Dans ce cas, la transition consiste à monter vite vers l’avant quand le ballon
est récupéré (ou perdu par l’adversaire). Cela signifie une capacité technique
élevée et de la rapidité dans l’enchaînement. Mais le plus intéressant, du
point de vue tactique, c’est de voir comment, et à quelle vitesse, une équipe
accomplit la transition de l’attaque à la défense (certains parleront tout
simplement de replacement). Car c’est souvent-là que les matchs se gagnent ou,
du moins, qu’ils ne se perdent pas.
Certains entraîneurs comme Pep Guardiola n’aiment guère que
leur équipe soit obligée de défendre. Pour eux, la transition ne consiste pas à
se replacer en position défensive mais à récupérer le ballon le plus vite et le
plus haut possible. On « gratte » des ballons, on presse l’adversaire,
on l’oblige à perdre le ballon, on stresse le gardien pour qu’il dégage n’importe
où. L’Uruguay, la Croatie, à un degré moindre le Brésil et l’Espagne, ont
appliqué cette approche qui exige une bonne condition physique. D’autres équipes,
elles, préfèrent attendre dans leur camp. Elles verrouillent et le football
ressemble alors à du hand-ball. Que l’on soit au stade ou devant la télévision,
on peut suivre la chorégraphie classique : le ballon va d’un côté à l’autre
selon une trajectoire comparable à un arc de cercle tandis que la défense
coulisse comme un piston. Et, là aussi, regarder à l’opposé du ballon permet de
repérer la faille possible ou l’attaquant qui se décale de quelques centimètres
à chaque fois en attendant de surgir. Un ballet dont l’observation permet de
tuer le temps quand le match n’est guère emballant…
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