On dit souvent, et à raison, que le football peut être le
vecteur des pires sentiments chauvins et nationalistes. C’est aussi une belle
diversion pour tous les pouvoirs politiques, autocratiques ou pas. Mais il y a
aussi des choses plus positives et plus surprenantes. L’extraordinaire victoire
du Mexique contre l’Allemagne a ravi
des millions de spectateurs. On peut comprendre la joie incandescente des
Mexicains qui espèrent que cette année sera la bonne pour que la « Tri »
aille au-delà des huitièmes de finale. Mais attardons-nous aussi sur la joie
des « autres », de celles et ceux qui n’ont rien à voir avec le Mexique
mais qui ont hurlé après le but mexicain. Celles et ceux qui ont jugé que les
minutes défilaient trop lentement jusqu’à la fin de la rencontre. Une joie par
procuration. Intense. L’espace d’une rencontre, on « est » mexicain
comme certains ont pu être islandais (1-1 contre l’Argentine). On vibre aussi
fort. Bien sûr, au coup de sifflet final, les choses reviennent à la normale.
Alors que la folie s’empare des rues de Mexico, on souffle, on éprouve un vague
contentement et on passe au match suivant. Mais il n’empêche : l’émotion
fut intense.
Dire que cette joie par procuration est due au fait que l’on
prend naturellement parti pour le plus faible est vrai mais réducteur. On peut
aussi soutenir une équipe parce que l’on n’aime guère celle qui joue contre
elle (exemple : l’Allemagne ou la rancune tenace envers elle de millions d’Algériens…
cf. 1982), ou parce que l’on aime guère le régime du pays que cet adversaire
représente (ah, cette satisfaction devant la « yedouilla » – 5 buts à
zéro, soit autant que les cinq doigts de la main – des joueurs russes face aux saoudo-wahhabites…).
On peut aussi soutenir telle ou telle équipe étrangère parce que l’on n’a rien
à se mettre sous la dent chez soi. Tout cela est vrai, mais la magie du
football, c’est qu’elle permet d’oublier, l’espace d’un match, qui on est et d’où
on vient. Les frontières sont abrogées, les distances raccourcies.
Akram Belkaïd, dimanche 17 juin 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire